Plus loin (1189)
Edvard Munch
Plus loin
I
Soudain la voile enflée
Ouvre un sillage neuf,
Et les points cardinaux
Ne sont plus que chimères.
II
- Chemins de la pensée
Qui ne portez de nom
Que celui qu’on vous donne,
Faites-moi voir un monde
Où la raison s’égare !
- Où des arbres dormeurs
Sont porteurs au matin
De grands fruits de lumière ;
- Où la lente agonie
De mornes arcs-en-ciel
Mêle des larmes noires
Aux cadavres d’aurores ;
- Où de jeunes étoiles
Qui n’eurent pas de nom
Enflent de leur chagrin
Des fleuves de cristal ;
- Où l’horizon brisé
Laisse saigner le bleu
De cieux à peine nés ;
- Où l’herbe pousse au jour
Pour mourir à la nuit,
Et recroît dissemblable
À chaque aube nouvelle ;
- Où l’ombre et la lumière,
Étroitement mêlées,
Se moquent des frontières
Que voudrait la couleur ;
- Où des hordes riantes,
Faisant compte d’étoiles
Sous les nuages bleus
Qui caressent leur front,
Complètent le chaos
D’un tableau qui s’ignore.
III
Le rêve a son éveil,
Et voyager sa fin ;
L’irrégulier retourne
À sa morne droiture…
Et je revis sans joie
Le port du vieux pays
Qu’il faut nommer Raison.
JCP 03-06/2020