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La Chanson Grise
28 avril 2018

Lithophagie (0902)

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Lithophagie

 

                 Indécise et troublante parenté, le bien-voyant lui-même y pourrait voir caillou venu là s’unir à la roche et pourvu d’algue fine : pourtant le galet s’ouvre et délivre à la vue tout un monde vivant humide, salé - comestible.

                 Le geste d’ouvrir, c’est au prix du sang qu’on l’a compris, nécessite la pratique sensée d’une lame épaisse et maltranchante.

                 Le coffre aux délices est tout de nacre constellé, et sa contemplation seule pourrait suffire, mais le plaisir réside en la moitié creuse : il y a là, dans cet appareil mou baignant au reste d’eau, à boire et à manger.

                  De bleu, de vert, de gris, un œil glauque cillé d’un beau noir nous regarde : va-t-on y mordre à vif ?

                  Passé le sursaut d’éthique, on se délecte aux saveurs océanes sans retenue, en appelant derechef au tendre galet de mer (on voit bien qu’il n’en a pas le poli), qu’en nombre on arrache fébrile à la roche.

 

 

JCP 15  04 18

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25 avril 2018

Le pommier de la voisine (0903)

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Le pommier de la voisine

 

                Cela se passait neuf mois avant la naissance de Gilles, c’est pour dire…

                Un jardinier gentil s’était épris d’un pommier - il est d’étranges mœurs dans la nature.

Or l’arbuste joli, que cernaient de hauts murs, logeait chez sa voisine - pareillement cernée.

               La dame étant lingère, un complexe réseau de cordes quadrillait son jardin, encombré nuit et jour du linge qui gouttait, et cachait à la vue du pauvre jardinier le pommier de son cœur. Comprenant sa douleur, le vent compatissant parfois levait un voile sur son amour, et l’on vit des tempêtes de sous-vêtements s’abattre sur le grand boulevard, certains imprégnés de rouge à lèvres – on l’a dit, il est d’étranges mœurs dans la nature.

                Par un beau jour de Mai, le linge qui séchait au dehors disparut pour de bon, libérant à satiété la vision du pommier au bonheur neuf du jardinier.

                Et tel le légionnaire képi à la main devant Mr. Seguin, on vit l’homme tremblant frapper chez sa voisine.

                Sans doute eût-il été fort croquignol d’apprendre ce qu’il put bien lui dire ; et ce qu’en retour elle lui dit ; hélas nul ne le sut - eux-mêmes l’ayant tu.

 

 Respectant saintement Lecteur et Vérité,

On voit bien que l’auteur ne dit que ce qu’il sait.

 

 

JCP 16 04 18, pour Les Impromptus Littéraires : caser dans le texte :

- Un personnage : un jardinier amoureux
- Un lieu : au milieu du boulevard
- Un objet : un rouge à lèvres
- Un moment : avant la naissance de Gilles
- Un problème ou une anomalie : le linge qui séchait dehors a disparu

 

Complément d'information paraissant nécessaire :

Dessin de Claude Serre

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9 avril 2018

Les sanglots de la mer (0883)

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Plage de Kerhilio, Erdeven, Morbihan

 

 

Les sanglots de la mer

                            La mer, probablement lassée d’un incessant ressac, est venue faire escale sur la plage. Un homme est assis sur la grève encore humide et les eaux, en moutons attentifs, se sont rassemblées tout autour de lui.

Dans cette paix que l’on sait contenue, se devine un moment rare et le vent, couché sur le sable, parle de silence. Quelque chose de doux vibre dans l’air sous le soleil qui se voile, et l’on entend le tintement clair des coquillages brisés, dont la houle fait sable.

Accoudée à sa vague, soudain la mer s’adresse à l’homme médusé :

- A toi seul je le dis : si je suis naviguée, je ne navigue guère, et j’envie les eaux libres, libres de voyager. Les torrents les ruisseaux, les fleuves les rivières dont le cours n’a de cesse, courent joyeux tous continents, ivres des merveilles d’un voyage sans fin. Et parfois m’a-t-on dit, leur cours se multiplie.

Moi seule reste là, bornée de roches, cernée de grèves, aux griffes de l’ennui.

Hors la lente marée, qui de ma robe trousse un peu la couture et mes justes colères, je ne serais qu’eaux mortes, ne sachant rien des terres dont je baigne les bords…

Sous le regard de l’homme attristé, et versant à la vague de longues larmes d’écume blanche, les eaux se retirèrent lentement.

Ainsi parlait la mer.

 

JCP 01 04 18

2 avril 2018

La tectonique des tablettes (0884)

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La tectonique des tablettes

 

Insidieuse saveur, enthousiasme infini,

Tous ses doigts entachés et tablette finie,

Seul le papier d’alu, qu’elle roule et déroule,

Reste du chocolat, incomestible boule.

 

Et déjà monte en elle, indicibles aigreurs,

Le symptôme hépatique ; elle sait son malheur

Et connaît ses faiblesses : pas plus de trois tablettes,

Ou c’est la maladie qui la tient aux toilettes.

 

Elle le sait pourtant, le chocolat chez soi

C’est se vouloir du mal, l’abîme devant soi ;

Elle avait tout jeté, et voilà qu’on lui offre,

Impossibles amants, de quoi s’emplir le coffre !

 

- Le plaisir maintenant, la douleur au tournant,

L’amour le chocolat, on le voit sont complices :

Souffrance de l’absence ou le foie qui se plisse* ;

C’est dit jusqu’à demain, je n’aurai plus d’amant !

 

 

* Ça fait très mal.

 

JCP 02 04 18 Pour Les Impromptus Littéraires : « Du chocolat ».

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