Le pommier de la voisine (0903)
Le pommier de la voisine
Cela se passait neuf mois avant la naissance de Gilles, c’est pour dire…
Un jardinier gentil s’était épris d’un pommier - il est d’étranges mœurs dans la nature.
Or l’arbuste joli, que cernaient de hauts murs, logeait chez sa voisine - pareillement cernée.
La dame étant lingère, un complexe réseau de cordes quadrillait son jardin, encombré nuit et jour du linge qui gouttait, et cachait à la vue du pauvre jardinier le pommier de son cœur. Comprenant sa douleur, le vent compatissant parfois levait un voile sur son amour, et l’on vit des tempêtes de sous-vêtements s’abattre sur le grand boulevard, certains imprégnés de rouge à lèvres – on l’a dit, il est d’étranges mœurs dans la nature.
Par un beau jour de Mai, le linge qui séchait au dehors disparut pour de bon, libérant à satiété la vision du pommier au bonheur neuf du jardinier.
Et tel le légionnaire képi à la main devant Mr. Seguin, on vit l’homme tremblant frapper chez sa voisine.
Sans doute eût-il été fort croquignol d’apprendre ce qu’il put bien lui dire ; et ce qu’en retour elle lui dit ; hélas nul ne le sut - eux-mêmes l’ayant tu.
Respectant saintement Lecteur et Vérité,
On voit bien que l’auteur ne dit que ce qu’il sait.
JCP 16 04 18, pour Les Impromptus Littéraires : caser dans le texte :
- Un personnage : un jardinier amoureux
- Un lieu : au milieu du boulevard
- Un objet : un rouge à lèvres
- Un moment : avant la naissance de Gilles
- Un problème ou une anomalie : le linge qui séchait dehors a disparu
Complément d'information paraissant nécessaire :
Dessin de Claude Serre