More (Film de Barbet Schroeder)
More* ou : Chemins obliques
Par l’éclat de lumière qui partout se répand,
Il n’est plus en tous lieux que milliers d’éclairs blancs.
- Faudra-t-il vivre aveugle ou coudre ses paupières ?
- Où se cache la mort, est-ce la fin des temps ?
Un bouillonnement sourd partout se fait entendre,
l’horizon s’est courbé en arc tendu à rompre,
et les ombres les plus sombres
s’éclairent de lents éclairs violets.
Mais la crainte se retire
sous un déferlement de beautés indicibles.
Et, les yeux débordants d’étoiles,
on court à pleine haleine
aux flaques spiralées
d’un arc-en-ciel déliquescent
qui se répand sur les rochers,
dégoutte en larmes irisées,
coule dans la mer,
et s’y fond en fumées rousses.
Le silence se fait sur ce prodige,
à peine troublé d’un sifflement très doux
rythmé des battements plus lents
d’un cœur qui s’apaise.
Accrochées au ciel,
des ailes de géant
ferment soudainement
l’accès à la mer :
il faut combattre.
Et le guerrier,
blessé mais victorieux,
reçoit dans l’herbe douce le baiser sans fin,
celui que la Femme-serpent
doit au héros de légende.
Sur la roche brûlante de soleil,
c’est dans ce plat de terre
que tout un monde fascinant,
sans cesse à la poursuite de son ombre,
trouve la lumière et la décompose
aux rapides éclats du vif-argent.
Creuset unique où se fond toute perception,
le monde neuf qui vient de naître
se ramifie sans cesse,
et fait corps avec un mental
qui se réjouit de ces beautés uniques :
il faut vivre cette vie sans limites.
Sur la colline embaumée de fleurs,
offertes toutes au soleil qui se lève,
l’éternelle syllabe d’un Orient de mystère
se répand sur la mer, qui brasse ses diamants
sous un ciel aux couleurs prodigieuses :
- Ooommm…
- Ooommm…
Quitter cet univers se verrait déchirement -
et la mort vaudrait mieux !
Mais l’irréel comme le rêve
ne sont que fleurs fragiles,
y graviter confiant pèse à la vie future…
Toujours un présent neuf
vient détrôner l’ancien :
les sons, les couleurs et les sensations
au vent de cette fête n’étaient que rêverie,
et ce souffle si doux s’apaise tristement.
Tout s’écroule.
Le temps reprend ses jouets.
Tout disparaît.
Morne et banale, la vie aux saveurs fades reparaît.
- Sans rémission ?
- Le vécu, le connu ne peuvent-ils se revivre ?
L’irrésistible désir d’un nouveau périple
fait alors son chemin,
germe dans le terreau fertile d’un corps déjà soumis,
que l’esprit entraîne puissamment…
Trop puissamment.
Jusqu’au bout.
Jusqu’à la fin.
Jusqu’au grand silence de la fin.
La fin.
Images en diaporama du film de Barbet Schroeder
* « More », de l’anglais « plus, davantage, toujours plus loin », film de Barbet Shroeder (1969), où le personnage principal, entraîné par la passion amoureuse, connaît la descente aux enfers de la drogue jusqu’à la mort. Musique : Pink Floyd.