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La Chanson Grise

21 janvier 2019

Citation

 

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Frank Zappa  (1940-1993)

"On ne leur apprend pas la beauté, on leur apprend le juste nécessaire pour gagner de l'argent en travaillant pour acheter ce que d'autres fabriquent.

L'art, la pensée, ne sont pas la préoccupation de ce gouvernement facho-religieux."

(Prononcé aux États-Unis lors d'une interview, sous la présidence du Très-chrétien Jimmy Carter,).

 

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15 janvier 2019

Citation

 

 

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Ray Charles (1930-2004)

« Je suis aveugle, mais on trouve toujours plus malheureux que soi... J'aurais pu être noir. »

 

12 janvier 2019

Mornes vestiges (0938)

 

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                                                                                                                              Salton sea (Colorado) : sel et pesticides ont eu raison de toute vie.

 

Mornes  vestiges

 

                         Du passé désolé qu’une main factice - tempête de vigueur accostée au lourd néant des eaux - effleure sous les yeux des falaises insignes, ne paraît que relents affaiblis de forces très anciennes. Et, vastes autrefois, les mers intérieures, longtemps assaillies de blancheur, se sont retirées vaincues.

Entonnoirs de la mort, d’implacables écroulements au cœur même des sables nus défigurent les dunes. Et l’astre qui brille plus fort tout au long des péninsules semble estimé du néant de ces eaux noires, liquides charbonnés surgis d’entrailles vierges de soleil.

Sur le lit déroulé d’êtres en déroute, l’été jailli de sphères disparues laisse à la bouche le relent d’amertume de sels éblouissants où le pied ne prend pas de pas, et les froids oubliés donnent à ces cadavres de chaleur l’indicible saveur des anciens nutriments.

Aux sillages de poussière, brèves apparitions que de grands vents referment, se lit le vestige mort-né, migration de vies précaires au devoir d’abandon des grandes tragédies.

Œil glauque asséché, ouïes sans mesure ouvertes et pestilences enfouies qu’un pied de hasard ranime, des souffrances passées sous les eaux disparues ont laissé leur empreinte, et l’insecte noir qui grattait ces terres de famine s’est enfui.

La coque de bois gris d’une barque éventrée bâille de son dernier soupir, et sur d’anciens débris que le fin cristal a poli, se déchiffre le vouloir mort d’un vivant oublié.

Parmi les mousses, qui s’effritent en flocons grisâtres, court encore un lézard au sourire de pierre de murailles écroulées, et partout les vents enflammés rassemblent au creux des sables des escadrons de mouches mortes.

L’avenir expiré de ces horizons désolés de solitudes grises se fond au mirage des airs brûlants.

 

 

En savoir plus sur Salton Sea :

https://www.youtube.com/watch?v=ljyCic1lKXw

 

 

Jyssépé 11-12 / 2018

7 janvier 2019

Citation

 

Paul Valéry (1871-1945)

"La politique est l'art d'empêcher les gens de s'occuper de ce qui les regarde."

 

4 janvier 2019

Cuisine Innovante : cuisiner une plaque d'égout (recette 01-P48)

                                     

                         Certaines recettes de cet art qui s’apparente à celui du mandala tant il est voué à l’éphémère seront désormais présentées ici. On pourrait croire illusoire la quête de succulences inédites, tant les médias ont tout montré et rebattu : des préparations résolument innovantes autour de produits neufs - il en existe - prouveront le contraire aux plus blasés des gourmets !

 

 ◄►

  01 – La plaque d’égout

                             Donner la préférence à des exemplaires frais dont la face inférieure, exposée aux remugles égoutiers, ne l’a pas été plus d'une décennie (quelques beaux sujets sont présentés en fin d'article).

La plaque d'égout se fait exclusivement en civet, daube ou blanquette, avec un vin puissant (J.P. Coffe osa jadis le terme trivial de "couillu" que, attentifs aux nouvelles susceptibilités néoféministes, nous écartons ici).
La plaque une fois découpée en morceaux de bouche ainsi que toute daube (ébavurer soigneusement), opérer au four une cuisson lente à basse température (750-800 degrés).

Suivant la teneur en carbone du métal compter huit à dix jours à feu régulier. Assaisonner selon goût.

Précuites à la vapeur et tranchées en gros cubes, les traverses de chemin de fer (les choisir bien grasses) et les douves de barrique ayant connu le vin noir de Cahors sont alors plongées dans une marmite avec les morceaux de plaque et le vin. La cuisson se poursuit ainsi thermostat 4 (feu doux) 8 à 10 heures.

C'est prêt.

Servir très chaud.

 

Accompagnements & variantes

Certains chefs lyonnais préconisent un écumage en surface des flocons d'oxyde, qui se consomment en beignets, ou froids en vinaigrette. Accompagner alors ces hors d'oeuvre d'une salade de feuillard ou d'un aïoli à la semence de tapissier.

Cuisine végétarienne : la semence de tapissier nécessite 40-50 jours en germoir pour obtenir des pousses charnues. Éliminer l'oxydation résiduelle à la paille de fer.

Boisson préconisée : huile multigrade 10W50 ou 25W40 selon préférence. Servir à discrétion en gobelet métal dès l’apéritif afin de préparer les estomacs.

On peut frire dans la même huile quelques rayons de bicyclette, salés au sulfate de batterie (l'exiger récolté au pôle +) et servis en amuse-bouche, ou bien une chiffonnade de barbelés saupoudrée de fibre carbone (le croustillant !) servie en sauce aigre-dure.

Que la digestion vous soit douce (compter environ 72 heures d’incapacité selon les aptitudes digestives des convives).

 

En préparation :

- Cuisiner un Père Noël

- Le taxi à la menthe

- L’ange au vin de messe

- Dépecer une moto

- Saler un tractopelle

- Fondue de trottinettes

 

◄►


Ci-dessous : quelques exemplaires de plaques tout à fait appétissantes dont la récolte, au moment où paraîtront ces lignes, aura probablement été déjà faite (ville de Toulouse).

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 Noter ci-dessous le bleuté parfaitement à point de l'oxyde de surface, prometteur d'un croustillant incomparable !

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Jyssépé 01 / 2019

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3 janvier 2019

Lettres de mon sapin (P0009) 01/2016

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Lettres de mon Sapin

 

                                                 Une vis à bois plantée dans le cœur, un pauvre sapin de Noël agonisait lentement. Arraché aux siens, soustrait aux pentes fraîches des montagnes racines tranchées, une larme épaisse à son tronc, sa fibre asséchée nourrissait mille rancœurs.

Car disait-il enfin de sa langue de bois, pourquoi nous jeter aux enfers de vos fêtes, et y perdre la vie au nom de celui qui naquit au désert, et jamais ne sut rien des vertes vallées - comme des neiges alpines où nous vivons ?

Est-on certain qu'un des envoyés de votre dieu n'a pas dénaturé le message - la communication est-elle bien passée ?

Et que sont aux sables d'Israël ces pères Noël vêtus pour le froid, ces traîneaux - et ces rennes qui mourraient d'un seul des rayons du soleil de Bethléem  ?!

En vérité, nous autres conifères ne voyons goutte à ces lubies, et ne savons déceler lequel est le plus fou, de l'homme ou de dieu.

Aussi dites-lui pour nous combien souffre ici bas la gent sapinière et d'y remédier bien vite car, si vous le dites si bon, il se peut alors qu'il soit aveugle.

 

JCP 30-12 2015

26 décembre 2018

Divin Ratage (0745)

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Divin Ratage

 

Un serpent serpentait au pied d'un arbre à pommes,

Quand vinrent affamés une femme et un homme,

Convoitant les beaux fruits à leur maturité,

Comme on les voit parfois dès la fin de l'été.

 

Menaçant leur festin, le reptile se dresse,

Ajoutant à leur faim une infinie détresse.

Et voyant le serpent briller de l’œil du mal,

D'une pierre lancée l'homme tue l'animal.

Or l’estomac repu de fruits en abondance,

Ils voulurent goûter du fruit de jouissance.

 

N'ayant du serpent mort appris l'acte d'amour,

On les vit s’éreinter jusqu’à la fin des jours -

Sans jamais concevoir quelque progéniture.

Le couple disparu s’arrêta l’aventure,

Et l’on ne vit sur Terre qu’animaux très gentils.

Alors Dieu se leva, s’inclina, et partit.*

 

 

* Bien que parfaitement authentique car jamais démenti, cet incident de la Divine Création (on dirait « bug » de nos jours) est peu signalé dans les grands ouvrages monothéistes.

En vérité il faut le dire, les dieux gagneraient en crédibilité si, d’un ego plus modeste, ils avouaient leurs échecs.

 

 Jyssépé 11/2016 – 12/2018

18 décembre 2018

Conte

 

Le cimetière de Noël

Conte de Noël

 

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Ceci se passait, il y a longtemps déjà, un 24 Décembre.

 

Premièrement

Dans ces lieux de cessation, où l’espoir et la sacro-sainte impatience trouvent un éternel répit, une tombe, mieux célébrée que d’autres par un monceau de fleurs fraîches, attira mon regard. Encadrée de bronze, la photo d’un défunt, curieusement en tenue de Père Noël, était posée sur la grande dalle de granit.

Une femme vêtue de rouge vif se recueillait là en silence et, comme je passais derrière elle, le bruit du gravillon sous mes pas l’ayant sans doute tirée de sa méditation, celle-ci se retourna :

- Ah, c’est toi, fit-elle à ma grande surprise et à voix basse, je savais que tu viendrais.

La beauté de ce visage inconnu, son regard grave et brouillé de larmes, la solennité du lieu et le trouble dans lequel j’étais jeté me laissèrent sans voix, et je ne sus qu’émettre un léger grommellement, certain que cette personne allait reconnaître incessamment sa méprise.

- Ah, mon pauvre Jacques, fit-elle tout au contraire en s’approchant familièrement de moi, tout est allé si vite… et dire que c’est ma faute s’il se trouve là aujourd’hui…

Une réplique du Don Giovanni de Mozart me traversa dans un éclair : « - La burla mi da gusto *», mais la réalité de la situation la chassa tout aussi vite de mon esprit. Tétanisé par ces beaux yeux aux longs cils où perlait la rosée d’autant de larmes, et qui plongeaient si profondément dans les miens, incapable de briser le malentendu dans je ne sais quelle attente, je demeurai muet.

Et cette inconnue, si belle (était-ce là la cause de mon mutisme ?), me conta, longuement et d’une voix qui, d’un moment à l’autre et dans l’oubli des pleurs se faisait plus charmeuse, le dernier jour du disparu couché là - son cher époux.

Relater ici ce récit dans son entier lasserait Lectrice et Lecteur tant il fut long : l’ombre des grands cyprès effleurait déjà l’horizon lorsqu’il prit fin, et je sentais mes jambes atteintes par la fraîcheur des marbres environnants, alors que je me laissais toujours bercer, un discret demi-sourire à la lèvre, par le flot si doux de sa parole, jusqu’à percevoir un changement de rythme et de ton à ces mots :

- Aussi, voilà ce que je te demande, Jacques, fais-le pour lui, fais-le pour moi, s’il te plaît.

Incapable d’une autre réponse je murmurai, presque à mon insu :

- Oui.

 

Secondement

Et voici pourquoi je suis là aujourd’hui, veille de Noël, à l’autre bout de la ville devant les vastes portes coulissantes de ce supermarché, gelé plus profond que l’os, en costume de Père-Noël pour la première fois de ma vie !

 

Troisièmement

Cette narration aurait pu prendre fin ici même, tant le contenu en est personnel.

Cependant, porté à satisfaire la curiosité maladive que tout Lecteur porte en lui (la Lectrice est plus exigeante encore), voici - en résumé car tout ne sera pas dit -, les raisons de mon bref noviciat en robe rouge et blanche à capuche :

Quelques jours à peine avant Noël, la jeune femme, reculant au garage sa nouvelle auto lourdement affligée des derniers perfectionnements dont elle n’avait pu assimiler toute la portée, écrasa tout à fait proprement son mari, Père-Noël de son état en saison, contre le mur du fond où il pestait accroupi contre une clé à pipe égarée. Tué sur le coup, l’homme ne souffrit point (ceci pour les âmes sensibles).

Cette femme remarquable, égarée un moment devant celui qu’elle prit pour un autre, affligée par la douleur et trompée par le rideau déformant de ses larmes, vit aujourd’hui avec un certain Jacques Lantier, dont le métier de couvreur facilite grandement la tâche saisonnière de Père-Noël, qu’elle lui assigne désormais à ma suite. Éphémère fonction d’une nuit de Noël qui me marqua pour toujours…

 

Finalement

Quant à ma personne, les veilles de Noël sont à jamais l’occasion de faire revivre cet impérissable et singulier souvenir, une larme douce au bord de la paupière…

J’adhère aujourd’hui au Cercle des Père-Noëls Indépendants.

 

 

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* « La plaisanterie est à mon goût ». Leporello, Acte II, Sc. 3.

 Jyssépé 12 / 2018. Publié aussi sur Les Impromptus Littéraires

   

14 décembre 2018

Le Haut et le Bas (0951)

 

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Le Haut et le Bas

 

                                Extirpée pour un temps de son obscur logis, la Cave un jour vint trouver le Grenier et lui dit :

- Vous dont le front touche aux nuages, et qui du monde et ses lumières voyez toute l’image, sachez que ce regard si haut placé ne nous est pas donné à nous les Caves, et nous ne savons rien du jour qui - dit-on - alternerait avec la nuit. Ainsi, je serais très heureuse si vous pouviez m’entretenir de ces merveilles.

- Et que vous fait ceci, répondit le Grenier, demeurez donc en bas et ne vous souciez point du haut ! Car voyez-vous, ici, on est élevé en tout et l’on ne tient que propos supérieurs. Des astres familiers, des étoiles et du ciel vous ne sauriez rien comprendre, retournez donc sous terre et ne nous ennuyez pas de vos pauvres discours.

La cave, bouche bée, ne sachant que répondre au malotru, préféra se taire et rejoignit, tête basse, ses profondeurs familières.

Or il advint que la Terre, lasse des immobilités, voulut faire quelque exercice, et se mit à trembler. Terrifié, perdant déjà ses tuiles, le Grenier en appela à l’hospitalité de la Cave qui, elle, ressentait bien quelque chatouillis en ses bas fondements, mais n’en était guère incommodée.

- Vous tremblez, je le regrette, lui répondit la Cave, mais ne vous souciez donc point de nos affaires. Vous ne sauriez nouer de relation avec plus bas que vous, et ne comprendriez rien à notre morne et sombre vie, trop loin de cette lumière qui vous va si bien ; vous, nobles gens du haut.

Sur ces entrefaites, le Grenier s’écroula.

 

 

Jyssépé 12 / 2018 Publié aussi sur Les Impromptus Littéraires

2 décembre 2018

Vieux pavé (0949)

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                                                                                                                                       Vieux Toulouse : rue Bédelières (im. JCP)

 

 

Vieux pavé

 

Ô délices des senteurs oubliées,

effluves d’un passé révolu

que faux marbre, métal poli, béton immortel et verre fumé,

trop ruisselants de moussante lessive,

ont à jamais bannis de notre connu olfactif…

 

Où êtes-vous, arômes putrides des fonds de cave où prospère le rat,

êtes-vous à jamais enfuies, exhalaisons des poutres moisies

ou du salpêtre au crépi décollé ?

Et vous, bouquets fins des urines fermentées,

cadavre de boisson où se lit misère et splendeur :

perdus pour toujours ?...

 

Ainsi nous te célébrons, rue Bédelières,

mémoire du passé, biographie vivante de l’émanation retrouvée,

page émouvante d’archéologie

où se met à jour l’excrétion qui se cache,

et te décernons le Grand Prix du Patrimoine Odoriférant !

 

 

 

Jyssépé 11 2018

25 novembre 2018

Salutaire désaccord (0943)

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Salutaire désaccord

 

                     La Mort, quittant discrète au petit matin le chevet d’un trépassé, vint à rencontrer la Vie, toute assourdie encore, elle, des vagissements d’un nouveau-né.

S’étant, contre toute attente, saluées courtoisement, la Mort dit à la Vie :

- Quelle absurdité que notre sort, à toujours défaire ce que l’autre s’éreinte à faire, Vie, ne trouvez-vous-pas ?

- Certes, comme vous je suis lasse, mais l’Univers est ainsi fait que tout ce qui vit périsse par vos soins, et qu’en ce qui meurt j’aille encore puiser la vie.

- Que ne cessons-nous alors un labeur inutile, prenons un repos mérité ! poursuivit la Mort.

- Signons donc un accord, c’est convenu, Mort, jouissons ensemble de la vie !

- A ceci je ne vous suis pas : seule la mort est jouissance, où par mon action rien n’a plus lieu de se faire et d’où naît le repos : Vie, suivez-moi dans la mort !

- Apprenez alors que le plaisir est seul dans le faire et le vivant : Mort, rejoignons de concert ce qui vit et se meut !

- La vie n’est que souffrance, le faire est éreintant ; l’inerte seul vaut qu’on le loue : ténèbres et néant, voici le seul bonheur, me tuerai-je à vous le dire ?

 

Et la nuit terrassait déjà le jour que ce dialogue de sourdes n’avait trouvé le moindre accord.

Reconnaissons que la chose est heureuse.

 

 

JCP 11 2018

15 novembre 2018

Eau (0939)

 

Eau

 

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JCP 11 2018

8 novembre 2018

Impermanente forme (0937)

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                                                                                            "Impermanence de Coupe à Thé sur Plaque Bambou" par Jyssépé

 

Impermanente forme

 

Implacable incertitude, la tentation destructrice hante le rêve,

tempête de mer qui soulève et brise,

rassemble et recoud la poussière des eaux et la sépare encore :

L’amour du débris passe par la rupture.

 

Infinie pureté de l’éclat des cassures,

Surface sacrée où l’œil se refuse,

Idée naissante du malheur des porcelaines (ont-elles une âme ?),

Mais, Ô sublime grain d’image neuve,

forme indécise au ciseau des épaves

que transfigure - élan de vie unique -,

le geste pur exempt de tout vouloir !

 

Œuvre extravagante,

œuvre absolue d’un art fulgurant,

forme des formes témoin d’un seul présent,

trait de créateur au pinceau du hasard :

Artistiques débris des porcelaines !

 

 

JCP 11 2018

2 novembre 2018

Clavecin (0771)

 

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L'orchestre de chambre de Toulouse à St. Pierre des Cuisines. Direction Gilles Colliard, clavecin Samuel Crowther, violoncelle Anne Gaurier

 

Clavecin

 

Cliquetis vif, son de rideau de perles,

Aigus déclics qui sous la main déferlent,

Ondée de sable ou bien mouche au carreau,

Piaillement de volée de moineaux.

- Faible instrument, le dernier rang te voit,

Doux clavecin, mais il ne t’entend pas.*

 

 

* Dans le cas présenté (image), clavecin non soliste dans une salle de 500 spectateurs.

JCP 12 / 2016 – 11 /2018

 

Sonates de Scarlatti par le regretté Scott Ross (1951-1989) :

https://www.youtube.com/watch?v=9pUftGTLRnQ&list=RD9pUftGTLRnQ&start_radio=1&t=21

 

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27 octobre 2018

Au parc 3 (715)

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Au parc (3)

 

 

Bruit de l'eau cascade blanche au soleil.

 

Cris d'enfants ballon blanc sur l'herbe rase aux senteurs fraîches,

ombre et soleil au couteau de l'été ;

la grille est grande ouverte ; un vélo passe.

 

Des pas sur le gravillon.

Sur le banc la vieille dame a souri.

Le vent qui court s'habille coquet d'un nuage de pétales,

rejette soudain sa robe fripée dans l’herbe

et s'enfuit, invisible et nu parmi les arbres.

Le silence des tout petits bruits retombe sur le grand parc.

 

Bruit de l'eau cascade blanche au soleil.

 

 

 

JCP 07 2015 Au jardin public du Grand Rond (Toulouse), image JCP

8 octobre 2018

L'âme du bois (0754)

 

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L'âme du bois

 

                                                                       A Rimbaud, à Baudelaire

 

Le tiroir arraché montre une litanie

De vieux tissus fanés, vestiges de la vie

A l'ombre de ces murs, qui virent tant de larmes

Aux départs sans retour sous les anciens vacarmes.

 

D'anciens sucs desséchés, sur un pâle satin,

Dénoncent indiscrets d'obscurs plaisirs éteints ;

Le froid des hivers morts se lit aux grosses laines,

Où transparaît toujours le labeur et la peine,

Et le rude drap bleu, reprisé délavé,

Porte à sa trame usée la sueur des étés.

 

Des larmes invisibles, au sein d'étoffes noires,

Et des mouchoirs froissés parlent des anciens deuils,

De proches réunis tout autour d'un cercueil,

Et de sombres veillées effacées des mémoires.

 

Entourés de rubans dans un tiroir secret*,

Dorment des mots d’amour aux nœuds jamais défaits,

Qu’une vie de labeur a chassé des mémoires,

Quand sous le cri du bois le ver fore l’armoire.

 

- Mémoire impermanente aux relents étouffés,

Tu finiras au feu d’un fol autodafé,

Et feras place nette aux coutumes nouvelles :

D’un éternel envol, la Vie montre son aile.

 

 

 

* Prononcer « secrait » (à la parisienne).

JCP  03/2016 – 10/2018

21 juillet 2018

Désaiguillage (0901)

 

Désaiguillage

                                                                                                          À Martine

 

                Le nombre infini des aiguilles que le Temps dépose ici n’est pas des pins, mais de toutes horloges du temps qui viennent mourir en ce sous-bois, et ne connaîtront plus le cadran.

                Le cycle qui vient de s’interrompre affecte les passagers du Temps, et tout se fige dans une chorégraphie de silence, que seul le vent anime encore dans les hauts branchages.

                   Dans un bien-être permanent, nul ne vieillit ni ne meurt mais, de jour en jour, le temps immobile se charge de lassitudes lourdes.

                  Le corps figé n’appelle plus aux plaisirs ni aux besoins de son ancien monde, soient-ils de boire, de contempler (la forêt de pins lasse le regard), de chère ou de chair. La vie ainsi réduite s’affuble d’indécises valeurs, et son intérêt s’érode à l’âme, où le néant s’insinue.

                  Sortir du bois se pense, mais l’idée de vieillir chasse sans cesse cette pensée qui s’obstine...

                 Pourtant, un par un et à pas lents, les passagers de ce voyage hors du Temps sortent du bois, préférant une mort annoncée à la vie sans vie de cette éternité-là.

                  Dans le cri rauque des carillons étouffés sous leurs cendres, le vent a dispersé les aiguilles.

 

 

 JCP 12  04 18

1 juillet 2018

Souvenirs d'avenir (0907)

 

Souvenirs d’avenir*

                                                                     À Éric Emmanuel Schmitt

 

 

Les fumées qui se dissipent

laissent voir dénudés les relents d’une vie non vécue,

mémoire précieuse d’un avenir volé au temps qui n’est pas encore né.

 

Et comme prise au futur des grottes,

l’eau anime l’horloge inexorable qui claque lentement ses gouttes,

vagissement séculaire d’intention lente qui naît à la roche.

 

Mais le bord de falaise habille le bout du pied d’un frisson de néant,

alors que les fulgurances du temps

ne laissent aux nouveaux nés qu’un avenir mort-né.

 

Et dans cet univers de croissance temporelle incontrôlée,

l’avancée du futur, où veillent des peurs inconnues,

ramène au réel d’un présent qu’il est urgent de vivre.

 

 

* Titre dédié à Éric-Emmanuel Shmitt (« La part de l’autre », réplique de « Onze-Heures-Trente »).

JCP  3-4 mai 2018

13 juin 2018

La révolte des parapluies (0926)

 

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                                                                                                                                 Toulouse, rue Alsace-Lorraine, 2015

 

La révolte des parapluies

                                                                                                      Dédié à V.

 

 

                          Il plut tant cette année-là qu’un surcroît de travail fut exigé des parapluies, dont la fibre n’avait le temps de sécher entre deux averses. La structure de certains connut l’oxyde, on vit des manches trop secs se fendre sous les trombes d’eau, et leur tissu affecté de moisissure.

                       Les météorologues, dépassés par la tâche et craignant pour leur vie, n’avaient d’autre recours que percer en cachette la paroi du pluviomètre, écartant la vindicte des masses courroucées par cet astucieux stratagème.

                          Et l’on vit même, catastrophe climatique jamais signalée, des laboratoires pharmaceutiques consacrés à l’effervescent exploser sans flamme ni fumée, tant le taux d’hygrométrie des airs avait passé le connu de cadrans obsolètes. La nuée guérisseuse ainsi répandue sur tout le sud du pays offrit bonne santé à tous - jusqu’aux hypochondriaques dépités.

                    Cependant, le peuple nombreux des parapluies continuait à souffrir, et ce fut le « SPPPH », Syndicat des Protections Portables Propres à l’Homme, accru des membres du « SPFPH » (remplacer « Portable » par « Fixe »), regroupant tentes et parasols (les tentes bédouines brillèrent d’une absence peu solidaire), qui porta l’alerte à la sourde oreille humaine trop préoccupée d’essorage, quant à la gravité de la situation par de vastes manifestations dans tout le pays.

                      Sous des airs purs tant ils étaient lavés, on vit la foule large de la Gent Protectrice assemblée sur les places, réunie dans les parcs et les squares, manifester dans un silence contenu leur affliction pluvieuse, privant ainsi de leurs bienfaits des humains mécontents. Sous les accents brisés d’orateurs bronchiteux, on soutenait malades et blessés d’une foule pitoyable qui n’aurait pas dépareillé dans la gueule béante des grottes à miracle.

                       En appelant à la chaude influence ibérique, la ministre du Temps - trop fraîchement nommée -, décréta l’éradication des Pyrénées. Et n’eût été la logistique coûteuse, la libre circulation nuageuse eût été rétablie, unifiant ainsi deux climatologies.

                       Dès lors sans protection sous une ondée permanente - telle que Darwin eût prédit nageoires et branchies aux races du futur -, l’humain désespéré, triste et désemparé, ne faisait qu’accroître le déluge infernal du flot continu de ses larmes.

On vit des suicides heureux accomplis par le feu.

                      Cette situation aurait pu perdurer si, après tant de pluie, le beau temps ne fût revenu. Alors la pluie cessa. Et, flaques asséchées, parapluies apaisés, consolés et soignés, la vie reprit son cours sous un soleil radieux.

 

 

JCP 13 05 2018, sur une idée de parapluie évoquée par V.

 

4 juin 2018

Secrets de bois (0922)

 

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                                                                                                               Toulouse, parc du Boulingrin, ou "Du Grand Rond", im.JCP

                                                                                                             (Boulingrin virnt de l'anglais "bowling green", lieu de jeu de boules sur gazon)

Secrets de bois

 

« - Avoir tout l’or des rois ne me fait pas envie ;

La passion de ma vie, celle pour qui je vis,

Et pour qui, tout tremblant, boire et manger je laisse,

A vous je le confesse : c’est l’amour de la fesse.

 

- Qu’elle soit rude ou molle, mesquine ou généreuse,

Jeune vieille proprette ou mal entretenue,

Je suis amoureux fou de ces globes charnus,

Et mon esprit s’égare à leurs formes nombreuses.

 

- Car voyez-vous je suis - hormis le médecin -

Le seul vers qui l’on tourne et pose le bassin,

Et mon bois qui palpite à la caresse intime

Déroute ma raison sous la fesse sublime !

 

- Ce pour quoi vous, humains, êtes souvent punis,

Je pratique au grand jour l’art du toucher de fesse

Qu’aucune faculté au monde ne professe,

Car étant banc de bois, nul ne sait ma manie. »

 

Ainsi parlait le banc où je m’étais assis,

Lui livrant les secrets de mon anatomie ;

Et je me dis depuis, que fait de cette fibre

Où se porte l’assise, parfois j’aimerais vivre.

 

 

 

 

JCP 04 06 18, pour Les Impromptus Littéraires ; sujet : "Le monologue du banc" :

 

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