Rage d'écrire (Quatrains, 1316)
JCP, 01/2021
Sur la vaste étendue de lisse pierre grise,
La parole a glissé, emportée par la brise ;
Et son timbre diffus, retourné par l’écho,
Ne sera jamais plus que cadavres de mots.
Sont-ce des mots de haine ou d’émerveillement,
Sont-ce mots jamais dits de timides amants,
Surdité de l’amour qui refuse sa grâce,
Et désunit les pas dont la trace s’efface ?
Soient-ils de servitude ou bien de révoltés,
Soient-ils de plénitude en face des beautés,
Les mots non écoutés rejoignent la cohorte
Des damnés du silence, et le vent les emporte.
JCP 12/2019
Aeroscopia
La fusée dans le pré ne décollera pas :
C’est celle de Tintin, emblème de ce lieu,
Et parents et enfants ont déserté le parc -
Où certaine tribu qui fume les pelouses
Abandonne l’ordure au parterre de fleurs.
Des avions de combat, les ailes arrachées,
Le cockpit étoilé et le ventre dans l’herbe,
Attendent patiemment le monteur bénévole
Qui n’est pas revenu. Tout est barricadé,
Et les herbes sauvages envahissent l’enclos.
Les beaux vaisseaux des airs, autrefois admirés
Par un public radieux ne sont plus visités.
Et le grand parking vide, où des papiers s’attardent,
N’est plus qu’un damier gris délimité de blanc,
Où des joueurs fantômes jouent d’invisibles pions.
Seuls quelques promeneurs laissent leur chien courir
Parmi les boutons d’or, et tout l’espace semble
S’être donné le mot pour paraître morose,
Et dire qu’autrefois rire et voix résonnaient -
Au musée des avions fermé pour pandémie.
JCP, 01/2021 (Jeudi 21/01)
Aeroscopia vu de l'intérieur :
http://souliervoyageur.canalblog.com/archives/2016/09/18/34337754.html
Aeroscopia vu de l'extérieur :
http://souliervoyageur.canalblog.com/archives/2020/11/27/38674317.html
Site Aeroscopia :
http://www.musee-aeroscopia.fr/
Justice !
Honte au voleur d’étoiles,
Lâche jamais châtié,
Répugnant profiteur
D’un décompte impossible !
JCP, 12/2020
À crédit
Il trotte dans ma tête un fossoyeur sans pelle,
Qui se rit bien de moi sous ses airs trop sérieux.
Car ce berger des morts, qui met autant de zèle
A refermer les tombes, me joue un autre jeu.
Sa voix que je pressens n’a pas assez de force,
Pourtant je la devine à travers mon écorce
Lentement fissurée sous les intempéries ;
Mais de grands archipels se montrent pleins de vie !
- Fossoyeur de ma joie, tu n’auras pas mon corps :
Malgré ces os vieillis, j’apaiserai ma tête
Pour la vider de toi ! Je te confie ma mort,
Mais la joue à crédit, et non à la roulette !
Jyssépé 03 04 18
Faisant suite à « Cuisiner une plaque d’égout » voici, clairement exposée, une nouvelle Recette Innovante, peu présente dans les ouvrages spécialisés :
02 - Cuisiner un ange
◄►
Il n’y a là, contrairement à la croyance (certaines idées reçues ont la vie dure…), que peu de difficulté, et toute recette culinaire ayant pour sujet le gros volatile s’applique. Seule la taille du sujet exige une découpe en quartiers pour le four (l’autruche n’est pas en reste).
Bien qu’une cuisson broche et feu de bois soit envisageable, c’est le civet au vin de messe qui offre les meilleurs résultats : toute la douceur angélique s’y déploie. Notons ici que la chair plutôt ferme du sujet (que l’on pense aux puissantes sollicitations musculaires subies par le messager lors des pénétrations atmosphériques ) nous fait préférer une cuisson lente à feu doux (mariner dès la veille aux huiles fines et aux aromates, et compter 12 à 14 heures sur le feu).
Le plumage cependant diffère en ce sens des autres volatiles que, la plume étant à la mesure du nombre des années-lumière de son usage, elle se montre relativement coriace et profondément implantée. Ébouillanter au préalable et ne jamais plumer à vif, la créature gémissant à faire pleurer les pierres.
Sans égaler l’oie grasse ou le canard sauvage, la chair de l’ange est plutôt fine, bien qu’affectée parfois d’un fumet de galaxie qui peut surprendre (se renseigner sur les zones de chasse autorisées et les flux migratoires).
Il est cependant un important critère à prendre en compte : un abattage irresponsable peut rapidement mener cette espèce asexuée incapable de reproduction à son extinction totale, et peut-être même, bien qu’aucun cas ne nous ait été rapporté, à certain Courroux Céleste - chasseurs croyants s’abstenir, on ne sait jamais...
Dans l’attente d’une reproduction ADN en vue de l'élevage en volière (des expériences encourageantes sont en cours), on consommera donc l’ange avec beaucoup de modération - tentantes soient les nourritures célestes.
►◄
En savoir plus sur cette espèce menacée :
http://chansongrise.canalblog.com/archives/2014/09/07/30162619.html
Jyssépé 12 / 2018
◄►
Cuisiner une plaque d'égout :
http://chansongrise.canalblog.com/archives/2018/12/28/36974265.html
Surmené
- Impossible aujourd’hui, et demain je suis pris…
Les choses s’accumulent, et le temps ce chien fou
Qui ne ralentit pas ! C’est une vraie montagne
Qui m’attend voyez-vous - de rien-faire en retard.
JCP, 01/2021
Aurore
Le temps n’est rien, le temps est tout et la mort vient
Par ce même chemin, où passe la lumière
Et se répand la nuit. Aux vergers ruisselants
De cette aube d’hiver, où la dernière feuille
Résiste encore au vent, de longs fils de lumière
Unissent toute branche au soleil du matin,
Alliance du cosmique aux bataillons du ciel,
Que les rayons lointains d’une dernière étoile
Dirigent dans les airs sans froisser le silence.
JCP, 11/2020
Méditerranée
Piquées de tant de mâts,
Les nuées se déchirent,
Et revient le ciel bleu
Sur le port de plaisance.
JCP, 12/2020
Clartés
Âme, dans les langueurs de tes profonds désirs, cesseras-tu de boire à ce vin clair des grèves, vendange de mer aux rangs de vigne bleue piquetés d’écume, grisée de nostalgie dès la première aurore du rêve ?
Que ne laisses-tu au sable soumis des hautes lunaisons la joie de s’enivrer à la coupe sans fond, pour puiser à sa bulle le pétillant bonheur des journées sans frontières ?
Et la tempête d’heures qui ronge ton destin, assise au bord du temps sous la pâle lumière des lointaines étoiles, laisse-la décliner en toi !
Âme, c’est ainsi qu’à ta paix reconquise j’accorderai mon cours, et que mes nuits connaîtront des songes moins amers.
JCP, 06/2019 – 12/2020
Littérature
À Marcel Proust
Incomplète, triste et ennuyeuse est la littérature qui se contente de décrire la surface des choses - cela soit-il bien fait - et ne sait, plus en profondeur, offrir à notre âme ni la musique des mots ni le rêve, non plus que la métaphore inattendue qui nous ouvre, en parfait sésame, grandes les portes de la mémoire et de l’imaginaire.
Ceci soit dit plus haut encore de la poésie.
JCP, 12/2020