François Cheng, La vraie gloire est ici (extraits)
François Cheng
(Né en 1929 à Nanchang dans la province du Jiangxi)
Quelques poèmes de la première partie « Par ici nous passons » du recueil « La vraie gloire est ici » (2015)
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La vraie gloire est ici,
Nous passons à côté.
Quelques jades croqués,
Et maints lotus mâchés,
Au travers des ténèbres
Un jour nous périrons !
La vraie voie est ici,
Nous passons à côté.
Mousse ou limon mâché,
Lave ou glace croquée,
Mourant de nostalgie,
Périrons-nous un jour ?
La vraie vie dès ici,
Par ici nous passons.
Nous aurons toujours soif,
Et toujours aurons faim,
Au travers des ténèbres,
Jamais ne périrons.
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À la pierre
Nous ne faisons que passer,
Tu nous apprends la patience,
D’être toujours le témoin
De l’univers à son aube,
D’être l’élan du Souffle même,
Soutien sans faille des vivants,
Toujours présence renouvelante
Entre laves et granits,
N’espérant ni fleur, ni feuille,
Ni fruit de la luxuriance,
Tu tiens le nœud des racines,
Contre tous les ouragans.
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À la source du Long Fleuve
Austères glaciers,
Tendre filet d’eau…
Voici que le fleuve retourne à sa source,
Que nous terminons notre grand périple.
Tant de jours à longer le fleuve millénaire,
Toujours à contre-courant, à contretemps,
À sillonner l’aride haut plateau,
Creusé de ravins, menacé de vautours,
À traquer chairs crues et fruits sauvages,
À dormir à même les herbes virginales,
À traverser le lac aux étoiles, poussant plus loin
Nos corps tatoués de gelures, de brûlures,
Minuscule caravane à bout d’endurance,
En ce point de l’ultime rendez-vous,
Austères glaciers, tendre filet d’eau,
Où toute fin est commencement.
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Que par le long fleuve on aille à la mer !
que par le nuage-pluie on retourne à la source !
Toute vague cède à l’appel de l’estuaire,
et tout saumon à l’attrait du retour.
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Viens te lover dans ma main, galet,
Tiens un instant compagnie
À l’anonyme passant. Toi, le pain cuit
Au feu originel, nourris ce passant
De ta force tenace, de ta tendresse
Lisse, au bord de cet océan
Sans borne, où tout vivant se découvre vétille…
Ô tant que se retient la mort, accorde
Au mendiant sans voix tes faveurs,
Fais-moi don de tes inépuisables
Trésors : fêtes de l’aube, festins
Du soir, farandole sans fin des astres,
Tant et tant de tes glorieux compagnons
Réunis ici en toi, un instant lovés
Dans le creux charnel de ma paume !
Toi qui survis à tout, garderas-tu
Mémoire de cette singulière rencontre ?
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Rejetée sur la plage,
Conque d’un jour,
Conque toujours.
À l’écoute des remous marins,
À l’écoute des appels humains,
De l’entrecroisement des nuages,
De l’entrechoquement des astres,
Du lointain silence sidéral…
Du brusque cri d’un goéland,
Qui, d’un trait de sang,
Raye l’immaculée magnificence.
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D’un arbre
Au plus haut de l’an,
L’air retient son souffle,
Seul se meut un nuage
Sur la frondaison.
Quand le feu s’enfouit,
Quand se tait l’oiseau,
Racines et feuilles
Sont à l’unisson.
Au plus haut de l’an,
L’arbre ailé s’oublie,
Proche est le lointain,
Durable l’instant.
Quand le feu s’enfouit,
Quand se tait l’oiseau,
Tout tend vers son libre
Ou vers son repos.
Le nuage en son erre,
L’an à son plus haut.
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Voici que la sève a gravi les degrés
du haut fût jusqu’à la cime,
Que les branches ont poussé leur effervescence
jusqu’aux confins du désir,
Vois : même réduite en fumée, la saison
garde sa flamme incandescente ;
Viens : réponds oui à l’invite à habiter
corps et âme le lieu vacant.
Dans le souffle éternel, tout instant est gloire
de la donation totale.
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François Cheng, sélection de quatrains :
http://chansongrise.canalblog.com/archives/2013/06/06/38238037.html
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Oeuvre poétique de François Cheng :
À l'orient de tout (2005)
La vraie gloire est ici (2015)
Enfin le royaume (2018)
UN LIVRE PAPIER, C'EST TELLEMENT MIEUX !