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La Chanson Grise
21 décembre 2013

François Cheng, La vraie gloire est ici (extraits)

 

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François Cheng

 

(Né en 1929 à Nanchang dans la province du Jiangxi)

Quelques poèmes de la première partie « Par ici nous passons » du recueil « La vraie gloire est ici » (2015)

 

 

 

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La vraie gloire est ici,

Nous passons à côté.

Quelques jades croqués,

Et maints lotus mâchés,

Au travers des ténèbres

Un jour nous périrons !

La vraie voie est ici,

Nous passons à côté.

Mousse ou limon mâché,

Lave ou glace croquée,

Mourant de nostalgie, 

Périrons-nous un jour ?

La vraie vie dès ici,

Par ici nous passons.

Nous aurons toujours soif,

Et toujours aurons faim,

Au travers des ténèbres,

Jamais ne périrons.

 

 

 

 

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                                 À la pierre

 

Nous ne faisons que passer,

Tu nous apprends la patience,

D’être toujours le témoin

De l’univers à son aube,

D’être l’élan du Souffle même,

Soutien sans faille des vivants,

Toujours présence renouvelante

Entre laves et granits,

N’espérant ni fleur, ni feuille,

Ni fruit de la luxuriance,

Tu tiens le nœud des racines,

Contre tous les ouragans.

 

 

 

 

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                                       À la source du Long Fleuve

 

Austères glaciers,

Tendre filet d’eau…

 

Voici que le fleuve retourne à sa source,

Que nous terminons notre grand périple.

 

Tant de jours à longer le fleuve millénaire,

Toujours à  contre-courant, à contretemps,

 

À sillonner l’aride  haut plateau,

Creusé de ravins, menacé de vautours,

 

À traquer chairs crues et fruits sauvages,

À dormir à même les herbes virginales,

 

À traverser le lac aux étoiles, poussant plus loin

Nos corps tatoués de gelures, de brûlures,

 

Minuscule caravane à bout d’endurance,

En ce point de l’ultime  rendez-vous,

 

Austères glaciers, tendre filet d’eau,

Où toute fin est commencement.

 

 

 

 

 

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Que par le long fleuve on aille à la mer !

que par le  nuage-pluie on retourne à la source !

Toute vague cède à l’appel de l’estuaire,

et tout saumon à l’attrait du retour.

 

 

 

 

 

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Viens te lover dans ma main, galet,

Tiens un instant compagnie

À l’anonyme passant. Toi, le pain cuit

Au feu originel, nourris ce passant

De ta force tenace, de ta tendresse

Lisse, au bord de cet océan

Sans borne, où tout vivant se découvre vétille…

Ô tant que se retient la mort, accorde

Au mendiant sans voix tes faveurs,

Fais-moi don de tes inépuisables

Trésors : fêtes de l’aube, festins

Du soir, farandole sans fin des astres,

Tant et tant de tes glorieux compagnons

Réunis ici en toi, un instant lovés

Dans le creux charnel de ma paume !

Toi qui survis à tout,  garderas-tu

Mémoire de cette singulière rencontre ?

 

 

 

 

 

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Rejetée sur la plage,

Conque d’un jour,

Conque toujours.

 

À l’écoute des remous marins,

À l’écoute des appels humains,

De l’entrecroisement des nuages,

De l’entrechoquement des astres,

Du lointain silence sidéral…

 

Du brusque cri d’un goéland,

Qui, d’un trait de sang,

Raye l’immaculée magnificence.

 

 

 

 

 

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                                       D’un arbre

 

Au plus haut de l’an,

L’air retient son souffle,

Seul se meut un nuage

Sur la frondaison.

Quand le feu s’enfouit,

Quand se tait l’oiseau,

Racines et feuilles

Sont à l’unisson.

 

Au plus haut de l’an,

L’arbre ailé s’oublie,

Proche est le lointain,

Durable l’instant.

Quand le feu s’enfouit,

Quand se tait l’oiseau,

Tout tend vers son libre

Ou vers son repos.

 

Le nuage en son erre,

L’an à son plus haut.

 

 

 

 

 

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Voici que la sève a gravi les degrés

     du haut fût jusqu’à la cime,

Que les branches ont poussé leur effervescence

     jusqu’aux confins du désir,

Vois : même réduite en fumée, la saison

     garde sa flamme incandescente ;

Viens : réponds oui à l’invite à habiter

     corps et âme le lieu vacant.

 

Dans le souffle éternel, tout instant est gloire

     de la donation totale.

 

 

 

 

 

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François Cheng, sélection de quatrains :

 

 http://chansongrise.canalblog.com/archives/2013/06/06/38238037.html

 

 

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Oeuvre poétique de François Cheng :

 

À l'orient de tout (2005)

La vraie gloire est ici (2015)

Enfin le royaume (2018)

 

UN LIVRE PAPIER, C'EST TELLEMENT MIEUX !

 

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Commentaires
E
Merci pour le lien, je suis aussi une lectrice admirative de F. Cheng, lu beaucoup de ses essais, outre les textes poétiques. On retrouve l'imaginaire de la langue chinoise dans ses poèmes, c'est beau... Rivière se dit "source-nuage" (en chinois) : la langue est très imagée déjà. On retrouve aussi le fleuve et son estuaire, ici, comme dans votre poème...<br /> <br /> Belle journée à vous
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S
J'aime beaucoup cette proximite avec la nature que l'on retrouve d'ailleurs dans les haïkus.
Répondre
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