Patti Smith : "Just kids"
Patti Smith : "Just kids"
Si vous n’êtes ni punk ni rock, ni poésie ni photo d’art, peinture dessin ou compositions artistiques, ou si même vous lisez peu ou n’écoutez pas de musique, peut-être alors, malgré ces restrictions (que vous n’avez pas toutes !), devriez-vous lire cet ouvrage de Patti Smith, « Just kids » - même si vous n’avez jamais entendu parler d’elle.
Née à Chicago en 1946, Patti Smith se fit connaître chez nous comme chanteuse rock-punk, un mouvement qu’elle a, associée à d’autres, initié en tant que femme (Nina Hagen vint après elle). L’album 33 tours (on disait aussi microsillon mais jamais « vinyle ») « Horses » (1975) rencontra un succès notable de ce côté de l’Atlantique (bien que je le trouve inécoutable, cette musique exige tant d’indulgence dans ses approximations délibérées pour satisfaire à l’attitude marginale et provocatrice affichée qu’il est bien difficile, même par protection affective, de l’apprécier comme telle.)
Garçon manqué très peu soigneuse de sa personne, gamine elle se disait général de son quartier, dirigeant jeux et loisirs des enfants de son âge d’une main de fer… avant de se lancer seule à la conquête - rien de moins - de New York, au risque d’y éprouver l’échec et la misère, ce qui ne manqua pas d’arriver les premiers temps. (Elle naquit dans un milieu modeste).
Patti, qui est aussi bonne écrivaine, peintre et dessinatrice, s’est beaucoup intéressée à la poésie, et, grande admiratrice de Rimbaud et de Walt Whitman, elle en a écrit toute sa vie. Avec comme lieu inspirant préféré la table de bistrot. (Comme l’auteur de ces lignes - la comparaison s’arrêtant là).
Ayant vécu, comme beaucoup d’artistes, cinéastes, musiciens, peintres et écrivains d’alors (la liste est interminable et les noms connus), au mythique Chelsea hôtel de New York (inscrit aujourd’hui au « National Register of Historic Places ») avec Robert Mapplethorpe, artiste et photographe underground, c’est dans ce creuset de l’art qu’elle a développé ses multiples talents, au gré des influences rencontrées. Avec comme cadre les bas-fonds de New York, y côtoyant le milieu des junkies, des homosexuels et des prostitués des deux sexes, comme de personnes influentes ou peu respectables - voire dangereuses.
C’est dans ce cadre que « Just kids », écrit en 2010, témoigne de sa jeunesse et de ses débuts dans l’affiche, la peinture, le dessin, la photographie, la musique, le chant, la composition musicale, la poésie, l’écriture. Elle nous dit ses combats, ses peines, ses joies, en compagnie des hommes qui vécurent avec elle et près d’elle, qui la soutinrent et la stimulèrent dans son parcours.
On le voit, 2010, Patti s’est mise « sur le tard » à écrire le roman de sa vie (notant de longue date les évènements significatifs traversés, elle disposait de volumineux cahiers).
Il ne sera donné ici ni résumé notable ni critique de cet ouvrage, quantité de sites littéraires le font. Cette petite merveille (où tout n’est pas merveilleux !) vous sera laissée vierge de tout dire ; ne gâchons pas le plaisir de lire cette vertigineuse plongée dans les abysses du milieu underground du New York des années 1960-70. Haut lieu de la création artistique mondiale, que traversèrent une myriade d’étoiles - filantes ou non -, aujourd’hui respectées. Et dont les noms sont gravés sur des plaques commémoratives à l’entrée du Chelsea Hôtel.
Cet ouvrage a été primé - et le mérite, tant il représente un des plus précieux témoignages du passé artistique récent des États-Unis - et par extension du monde civilisé, où tout n’était pas si mal, même si ça n’était pas parfait.
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Rêve d'une vie entière et de nombreuses fois visitée, Patti Smith a pu enfin acquérir la maison d'Arthur Rimbaud, pour lequel elle affichait une authentique vénération, maison où il écrivit notamment Le bateau ivre et Les illuminations, en 2016, la sauvant d'une lente agonie. À la grande satisfaction des gestionnaires du musée Rimbaud de Charleville-Mézières, heureux d'avoir trouvé en elle une protectrice passionnée, par ailleurs déjà marraine du musée.
JCP, 31/12/2020
Deux de ses albums musicaux
Avec Robert Mapplethorpe, et lors d'une entrevue avec Lou Doillon à l'occasion de la réédition de "Just kids" avec les dessins de Lou.
JCP, 31/12/2020