L’enfant de la montagne (1230)
L’enfant de la montagne
On ne sait qui avait accroché la montagne
Au ciel la tête en bas, offrant tous ses sommets
Au toucher de la main, et d’un curieux prodige
Les neiges les glaciers, les arbres les torrents
Demeuraient suspendus, immobiles dans l’air.
Paysage figé où l’œil comme la main
Séjournaient à loisir, tout se réunissant
À portée de la vue ou dans le creux des mains
Par la seule pensée du promeneur ravi -
De contempler enfin sans avoir à gravir.
Je demeurai longtemps, caressant les sommets,
Brassant la neige fraîche échappant à mes mains,
Ayant de vastes lacs comme plafonds liquides,
Et voyant l’eau de source envolée jusqu’au ciel.
Parut alors l’enfant vêtu de peaux de bêtes,
Un grand chien noir à ses côtés, et le suivant
L’interminable flot du troupeau de moutons
Dont il avait la garde. - Comment faire dit-il
Pour nourrir mes moutons ? La montagne à l’envers
A pris leur pâturage, et l’herbe de vos champs
Ne vaut rien à leur lait, comme à cet agneau-ci
Qui ne grandira plus. Rendez-leur l’herbe verte !
Enlacé tendrement entre ses bras tremblants,
L’enfant qui s’avançait portait un agneau mort.
Et, touché par ses pleurs, je dus briser mon rêve.
JCP 07-08/2020