Les flèches du temps (1105)
Les flèches du temps
Longtemps nous avons craint la rupture du temps
Que ne soutenaient plus ses vieux piliers plaintifs.
Dès lors que les forêts, que le vent courbe et lisse
Et peigne de ses mains, brûlées du feu du ciel,
Ne furent plus qu’amas d’ossements et de cendres,
Se fit entendre ainsi la voix des anciens sages :
« - Jamais dans sa portée le javelot lancé
N’outrepassa la flèche. Aux armes de nos pères,
Courageux entre tous, il n’est d’autre recours ! »
« - Les flèches ennemies frappèrent la beauté,
À l’horizon saigna l’arc-en-ciel moribond ;
L’agonie des couleurs se glissa noire et blanche
Jusqu’au fond de nos cœurs - et fit pleurer les anges. »
Oraisons de guerriers, commandements de prêtres
Aux peuples acculés valent plus que sang neuf ;
Les armes déterrées ont effrayé nos mères ;
Mais du temps reconquis nos larmes ont séché.
Il n’est plus aujourd’hui que pousses de bois vert,
Ultime témoignage aux limites des neiges.
JCP 12/2019