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La Chanson Grise
9 décembre 2019

Vieilles nuits de musique, d'amour et de paix (récit). Troisième partie (3/4)

Première partie : http://chansongrise.canalblog.com/archives/2019/10/02/37679962.html

Seconde partie : http://chansongrise.canalblog.com/archives/2019/12/17/37680094.html

Quatrième partie : http://chansongrise.canalblog.com/archives/2019/12/31/37680217.html

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TROISIÈME PARTIE : HARE KRISHNA, MOUNA...

 

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                     Ce fut « Rare Bird », groupe pop anglais, avec son tube du moment « Sympathy » qui suivit Triangle et les autres groupes français,  puis « The Flock », groupe américain dirigé par son talentueux violoniste : c’était parti pour trois de musique, d'amour et de paix.

Aux temps plus calmes des matinées, sous le beau soleil qui ne nous abandonnait pas plus que la musique, de vastes attroupements se produisaient autour d’un curieux groupe qui n’était pas à l’affiche, ignorant des guitares, tous "coiffés" et vêtus tels les moines bouddhistes - de blanc cependant ; l’un animait un orgue portatif, les autres diverses tablas et clochettes, et tous chantaient à l’unisson, sur un ton lancinant plus que répétitif les mêmes phrases, lancées à l’infini, dont voici un aperçu - qui ne sera pas traduit, tant certains mots sont explicites.

« Hare Krishna Hare Krishna
Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rame
Rama Rama Hare Hare

Love love
Love love
Drop out
Drop out
Be in
Be in

Take trips get high
Laugh joke and good bye
Beat drum and old tin pot
I'm high on you know what
Marijuana marijuana
Juana juana mari mari
High high high high
Way way up here
Ionosphere

Beads, flowers, freedom, happiness
Beads, flowers, freedom, happiness ... etc ».

Ce groupe, "Rahda Krishna Temple", qui parcourait le camp sans lassitude, eut un succès plus que notable, faisant opérer par places quelque « sitting » autour d’eux. Attentif et silencieux, le public les entourait alors. La musique et les incantations cessaient, laissant place à la voix de l’orateur qui présentait une philosophie de vie très librement inspirée de l'hindouisme. Ce n’était certes pas une religion, mais une manière de vivre tendant au bonheur universel, dans l’amour, le respect de l’autre, la tolérance universelle, la non-violence, et dans l’absence des trop nombreux interdits de notre société. Cela faisait mouche, une bonne part de ces idées-là était directement perçue et approuvée par ce public. Certains, intéressés, questionnaient l’orateur, des débats se créaient autour de commentaires témoignant plutôt de simple curiosité dans les débuts, puis qui prirent des tournures constructives et s’animaient longuement.

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Mais le discours de ces disciples de Krishna ne se contentait pas de prôner la paix et l’amour universel, il proposait même, tel Bacchus la consommation du vin, que l’on s’adonnât, pour mieux percevoir les bienfaits de la paix dans l’amour et la musique, à la consommation raisonnée du cannabis. Encouragements peu nécessaires, la verte feuille multilobée, odorante et fleurie, circulait ici à tout va, comme son agglomérat plus ou moins concentré, plus ou moins efficace et trafiqué, le hashish.

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Avec George Harrison des Beatles en 1969 (image : X.)

 

 7

                              Une péripétie vaut peut-être d’être contée ici : près de nous, un groupe d’Allemands - par ailleurs plutôt discrets - vendait quantité de drogues supposées douces, mais aussi de plus rudes, et satisfaisait à la demande importante, soulevant un assez bel attroupement. Ils s’effacèrent dès la nuit, et furent oubliés... Jusqu’au lendemain matin, où quantité des clients de la veille, la mine défaite et visiblement mécontents, vinrent m’agresser, personnellement : je ressemblais fâcheusement, barbe, carrure, yeux clairs et cheveux longs à leur faux dealer étranger. Fort heureusement l’entourage me soutint, déclarant l’Allemand et ses acolytes évidemment enfuis d'une part et que, exempt d'accent germanique comme ils pouvaient le constater d'autre part, ils se portaient garants de ma personne. Ces sans-scrupules vendaient au prix fort de l’"acide" et du "LSD" entièrement bidonnés, simples tablettes et comprimés de somnifère probablement, leur laissant le temps d’accomplir le forfait jusqu'à épuisement du stock - et d'opérer la nécessaire fuite clients endormis. Ils n'étaient pas là pour la musique.

Les organisateurs en furent avertis, et mirent le public en garde quant aux contrefaçons, l'engageant aussi bien à rouler quelque inoffensive feuille, plutôt que de partir dans des trips incertains sous des chimies incontrôlées ! Hélas, certains ne se satisfaisaient pas de ces amuse-gueules végétaux, déjà passés qu’ils étaient au stade d’où l’on ne revient pas sans dommages : la cuillère, la bougie et la seringue à poire, dangereux accessoires !

On ne déplora cependant aucun accident grave, qu’il soit « mauvais trip », maladie naturelle ou blessure sévère, pas plus que d’accouchement ni de décès sur le pré (au regret probable de certains journalistes ?) et le festival put se poursuivre, contre toute attente, sous les meilleurs auspices, dans le calme et en toute liberté.

La musique trouvait un peu de répit en fin de nuit (de trois à six heures approximativement), pour reprendre avant le petit déjeuner, qui se limitait pour la plupart à quelque biscuit trouvé au fond du sac. Pain et viennoiseries s’obtenaient sous les arbres au terme d’une queue considérable, et l'approvisionnement peinait à suivre. Pourtant nul ne se plaignait, et beaucoup oubliaient même la faim, ivres de musique et de liberté, certains de voir s’écouler là les heures essentielles, les heures les plus intenses de leur vie, fébriles à les vivre pleinement.

  

 

8

             Dès que la température matinale permettait de raréfier le vêtement, voire n'en porter aucun, nous étions à nouveau gratifiés des mêmes scansions krishniennes, mais aussi de discours divers, plus au moins talentueux comme applaudis, de personnages liés autant à la politique, au journalisme, qu’à la musique où à la radio. Les moments forts, ceux qui retenaient le plus l’attention du public étaient cependant les interventions de « Mouna », personnage haut en couleurs, penseur et philosophe, impliqué dans toutes les manifestations, comme dans l’aide sans partage à ceux qui avaient déjà sombré dans les drogues dures. A l’issue de ces trois jours, cet homme remarquable vit sa notoriété, déjà grande, atteindre des sommets. Décédé en 1999 à l’âge de quatre-vingt-huit ans, Mouna, comme le déclarait Cavanna, « était une manif à lui tout seul ».

Ne résistons pas à exhumer quelques-uns de ses aphorismes les plus savoureux :

 « - Le jour où un vélo écrasera une auto, il y aura vraiment du nouveau.

    - On vit peu mais on meurt longtemps.

    - Je préfère le vin d’ici à l’eau de là (emprunté bien sûr à Francis Blanche).

    - Riez et vous serez sauvé.

    - Les valeurs morales ne sont pas cotées en bourse.

    - Mieux vaut être actif aujourd’hui que radioactif demain.

    - Au pays de la barbarie, je joue de l’orgue de Barbarie !

    - Nous sommes tous égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres.»

 

On pourra noter que certains humoristes reprirent, plus tard, ces traits d’humour.

  

 

9

                         Cependant, malgré la protection des larges attributs capillaires, le soleil des après-midis chauffait dangereusement les crânes : des décisions de survie s’imposaient. On résolut de rafraîchir la foule d’une forte lance à incendie disposée à demeure et dont les pompiers, par bonheur, n’avaient pas l’utilité. Ce fut une ruée instinctive, nul n’était besoin d’indiquer la marche à suivre, il suffisait de s’humecter amplement sous le jet pour retrouver un certain bien-être, échappant ainsi au risque d’insolation.

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Or, la gerbe salvatrice eut un effet pervers : le sol, changé en boue sous la mitraille du jet puissant, colorait les épidermes de façon peu seyante. La peau, séchée au soleil, tournait au bizarre : on n’arrivait guère à sortir propres de cette gangue d’autant que certains, en gamins au bac à sable, lançaient à tout va des poignées de boue, atteignant même le matériel d’un cameraman de l’ORTF fort dépité ! D’autres enfin, glissaient pieds nus sur la surface incertaine de cette patinoire improvisée, chutant et disparaissant jusqu'au cou dans le marécage. En outre, on souillait notablement le peu de vêtement porté, aussi fût-il rapidement abandonné, jeté dans l’herbe avec mépris. Alors, non seulement l’on se sentait tous égaux dans la nudité, mais encore il n’était par la boue qu’une seule et unique couleur de peau : le racisme n’avait plus de sens, aboli définitivement. La vivace hiérarchie esthétique du bronzage laissait aussi place à l’uniformité, et, en outre, nul ne brillant par la richesse du vêtement, on atteignait l’égalité vraie. On était bien les inventeurs du Monde Nouveau, qui naissait sous nos yeux de ce microcosme, et qu’il suffirait de répandre et de multiplier !

Ce fut à partir de ces moments d’intense activité, physique comme émotionnelle et mentale, qu’un pourcentage assez notable du public, clamant haut la vanité du vêtement, se refusa résolument et ostensiblement à en user - excepté dans la fraîcheur nocturne, où il dut bien reprendre ses droits jusqu’à l’aube, dans l'attente du nouveau soutien de l’astre solaire.

 

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FIN DE LA TROISIÈME PARTIE (3/4)

 

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Comme mon ego impatient me le dicte, l'image jaunie du couple se tenant par la main reçut le prix FNAC-CANAL+ pour le quarantième anniversaire de Woodstock, soit en 2009, et fut affichée dans les "FNAC".

JCP

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Commentaires
L
J'adore le chapeaux du mec de la photo jaunie !
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