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La Chanson Grise
30 septembre 2019

Alice au pays des Merveilles

NOTE : "Alice au pays des merveilles" est le second article le plus consulté de ce blog,

 

Walt Disney

ALICE AU PAYS DES MERVEILLES

Dessin animé réalisé en 1951, inspiré du conte écrit par Lewis Carroll en 1865

Quelques répliques

 

1

Soeur d’Alice : Dans son monde ? En voilà des divagations, allons.
Alice : Des divagations ?
Soeur d’Alice : Recommençons depuis le début.
Alice : Oui c’est ça Dinah, c’est bien ça, dans mon monde à moi, il n’y aura que des divagations. Comme disent les grands, les choses ne seraient pas ce qu’elles sont, au contraire, elles seraient ce qu’elles ne sont pas. Je suis sûr que ce serait mieux. Hein Dinah ? Qu’en dis-tu ?
Dinah : Miaou.
Alice : Dans mon monde, tu ne dirais pas miaou, tu dirais “Oui mademoiselle Alice”.
Dinah : Miaou.
Alice : Naturellement tu parlerais comme les personnes, Dinah, et les autres animaux aussi.

 

 

2

Dinah : Miaou Miaou Miaou.
Alice : Mais enfin Dinah, ce n’est qu’un lapin avec une veste… Et une montre !
Lapin Blanc : Oh par mes moustaches, je suis en retard, en retard, en retard.
Alice : C’est très curieux, ce lapin est en retard, pourquoi faire ? Eh monsieur !
Lapin Blanc : En retard, en retard, j’ai rendez-vous quelque part, je n’ai pas le temps de dire au revoir, je suis en retard, en retard.
Alice : Il faut que ce soit très important, une fête ou quelque chose de ce genre. Monsieur lapin, attendez-moi.
Lapin Blanc : Non, non, non, non, non, non, non, quelqu’un m’attend, vraiment c’est important, je n’ai pas le temps de dire au revoir, je suis en retard, en retard.

 

 

3

Alice : Au revoir Dinah, au revoir !

 

 

4

Alice : Je suis à la poursuite d’un lapin blanc, alors si vous voulez bien… Il est là, il est là, laissez-moi passer, soyez gentil.
La poignée de porte : Désolé, voyez la porte est trop petite, elle est tout à fait impassable.
Alice : Vous voulez dire impossible ?
La poignée de porte : Non impassable, rien n’est impossible.

 

 

5

Alice : Oh, voilà vraiment de curieux petits personnages… Tweedle Dee et Tweedle Dum.
Tweedle Dee et Tweedle Dum : Si vous nous croyez en cire, payez votre entrée. Et si vous nous croyez vivants, vous devez nous parler, c’est plus correct.

 

 

6

Alice : Oh non, non, j’en ai assez !
Lapin Blanc : Marianne ? Mais qu’est-ce qu’elle peut bien faire ? Marianne si jamais… Au secours ! Au secours, un monstre, un monstre chez moi, au secours, un monstre!

 

7

Le Dodo : On n’est pas aidé ici, on n’est pas aidé.

 

 

8

Les Fleurs : Croyez vous que ce soit une fleur sauvage ?
Alice : Oh non, je ne suis pas une fleur sauvage.
Les Fleurs : Alors de quelle variété, de quelle branche, de quel genre êtes-vous ma chère ?
Alice : Disons, si vous voulez, que j’appartiens au genre humain, variété Alice.

 

 

9

Les Fleurs : Ahaha, regardez-moi ces drôles de tiges.

 

 

10

La Chenille Bleue : Oh quel air étrange.
Alice : Ma foi je, enfin ça ne m’étonne pas, j’ai changé si souvent depuis ce matin que je ne sais plus qui je suis.

 

 

11

Alice : Je voudrais être un peu plus grande.
La Chenille Bleue : Pourquoi ?
Alice : Ca tombe sous le sens, avouez que dix centimètres, c’est une taille ridicule.
La Chenille Bleue : J’ai dix centimètre de la tête à la queue jeune fille et j’estime que c’est une bonne taille, sans aucun doute !

 

 

12

Alice : Mais, mais vous êtes un chat.
Le Chat du Cheshire : Oui, un chafouin.

 

 

13

Le Chat du Cheshire : Oh, à propos, si vous tenez vraiment à le savoir, c’est là qu’il est passé.
Alice : Mais qui donc ?
Le Chat du Cheshire : Un certain lapin.
Alice : Vous en êtes sûr ?
Le Chat du Cheshire : Sûr de quoi ?
Alice : Qu’il est allé par là.
Le Chat du Cheshire : Qui donc ?
Alice : Et bien le lapin.
Le Chat du Cheshire :Quel lapin ?
Alice : Oh mais vous venez de le dire il y a peine une minute, oh c’est agaçant.

 

 

14

Alice : Oh je vous remercie, je vais aller voir le lièvre.
Le Chat du Cheshire : Naturellement il est fou lui aussi.
Alice : Mais je n’ai aucune envie de voir des gens complètement fous.
Le Chat du Cheshire : Oh mais il n’y a rien à faire, parce que tout le monde est fou ici.

 

 

15

Lièvre de Mars : Un joyeux non-anniversaire.
Alice : A moi ?
Le Chapelier Fou : A vous !
Lièvre de Mars : Un joyeux non-anniversaire.
Alice : A moi ?
Le Chapelier Fou : A vous!

 

 

16

 

DEMI6TASSE anigif 660

 

Lièvre de Mars : Mais qui est Dinah ?
Alice : Mais Dinah, c’est mon chat.
Loir : Chat ? Chat, chat, chat, chat, chat !

 

 

 

17

Le Chapelier Fou : Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un grain de sel ?
Alice : Une devinette, attendez un petit instant, pourquoi est-ce qu’un corbeau ressemble à un grain de sel ?
Le Chapelier Fou : Je vous demande pardon.
Alice : Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un grain de sel ?
Le Chapelier Fou : Qu’est-ce qu’elle raconte ?
Lièvre de Mars : Mais c’est elle qui a un grain.

 

 

18

Le Chapelier Fou : Si vous croyez que ça m’étonne, votre horloge est détraquée, elle retarde de deux jours.
Lapin Blanc : De deux jours ?
Le Chapelier Fou : Deux jours et dix secondes, oh malheur, mais nous allons arranger ça. Rien d’étonnant, cette mécanique est pleine de mauvaises dents.
Lapin Blanc : Oh ma pauvre montre.
Le Chapelier Fou : Et de vis.

 

Lapin Blanc : Oh mes roues, mes ressorts, non mais attendez, attendez.
Le Chapelier Fou : Bien sûr, c’est évident, il faut du beurre. Du beurre !
Lièvre de Mars : Du beurre !
Lapin Blanc : Du beu… Oh non.
Le Chapelier Fou : Du beurre, oh il n’y a rien de meilleur pour les rouages.

 

Lapin Blanc : Du beurre, ah non, non, non, vous allez faire des miettes.
Le Chapelier Fou : Oh celui-là est garanti sans miette ! Qu’est-ce que vous disiez mon cher ?
Lièvre de Mars : Thé !
Le Chapelier Fou : Du thé, je n’y avais pas songé, bien sûr, il faut du thé.
Lapin Blanc : Ah non, ah non, ah non, pas de thé.

 

Lièvre de Mars : Du sucre ?
Le Chapelier Fou : Du sucre ? Deux cuillerées, deux cuillerées seulement je vous remercie.
Lapin Blanc : Écoutez, faites attention à ma montre je vous en supplie.
Lièvre de Mars : Confiture ?
Le Chapelier Fou : J’oubliais la confiture, un oubli regrettable, c’est comme ça qu’arrivent les accidents.

 

Lièvre de Mars : Moutarde ?
Le Chapelier Fou : Moutarde ! Oui… Moutarde ? Ne soyez pas ridicule. Un peu de citron c’est différent. Maintenant elle doit marcher. Regarder ça !
Lièvre de Mars : Elle devient folle.
Alice : Oh miséricorde.
Lapin Blanc : Oh seigneur.
Lièvre de Mars : Montre folle, montre folle, montre folle !

 

Le Chapelier Fou : Oh le thé ? Vous croyez que c’est le thé ? Je parie qu’il était trop fort.
Lièvre de Mars : Il n’y a qu’un moyen d’arrêter une montre folle ! BAM !
Le Chapelier Fou : Deux jours de retard, c’est inguérissable.

 

 

19

 

La Reine de Coeur : Qui ose peindre mes roses en rouge ? Qui ose peindre mes roses en rouges? Qui a souillé d’un rouge épais mes plus jolis rosiers ? Il faut qu’on punisse ces traites, on leur coupera la tête !

 

 

20

La Reine de Coeur : Qu’on leur coupe la tête !

 

 

21

La Reine de Coeur : Est-ce que l’accusée est prête à entendre la sentence ?
Alice : La sentence ? Oh mais auparavant je dois être jugée.
La Reine de Coeur : La sentence d’abord ! On vous jugera après, effrontée !
Alice : Mais c’est contraire à la loi.
La Reine de Coeur : La loi c’est moi, jeune péronnelle.
Alice : Oh c’est une belle loi votre majesté.
La Reine de Coeur : Vous avez compris mon enfant… Argh, coupez lui la tête !

 

 

22

 

Alice : Et quant à vous, votre majesté, votre majesté, c’est trop drôle, vous n’êtes pas une reine, vous n’êtes qu’une vieille pompeuse tyrannique, méchante, grossière et laide.
La Reine de Coeur : Qu’étiez-vous en train de dire ma chère ?
Le Chat du Cheshire : Elle disait que vous étiez une vieille pompeuse tyrannique, méchante, grossière, laide.

 

 

23

 

La Poignée de Porte : Toujours verrouillée vous savez.
Alice : Mais la reine, je dois absolument sortir.
La Poignée de Porte : Mais voyons, vous êtes là.
Alice : Quoi ?
La Poignée de Porte : Voyez vous même.
Alice : Mais c’est moi, et je suis endormie.

 

 FIN

 

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Lire Alice au pays des merveilles de lewis Carroll :

http://chansongrise.canalblog.com/archives/2013/06/06/38192339.html

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28 septembre 2019

LES TONTONS FLINGUEURS

 

Les-Tontons-Flingueurs-DVD-Zone-2-876811821_L

 

Michel Audiard

 

Dialogues du film Les Tontons Flingueurs

 

                     Authenticité parfaite non garantie : le texte récupéré, d’une syntaxe souvent approximative, a été corrigé pour le rendre acceptable mais, malgré efforts et relectures, des erreurs peuvent encore subsister.

Des images du film ont été ajoutées car : « - Et à quoi bon un livre sans images… » (Alice sous la plume de Lewis Carroll).

JCP

DISTRIBUTION

 

Lino Ventura : Fernand Naudin

Bernard Blier : Raoul Volfoni

Francis Blanche : Maître Folace, le notaire de Louis « le Mexicain »

Sabine Sinjen (VF : Valérie Lagrange3) : Patricia, la fille de Louis « le Mexicain »

Claude Rich : Antoine Delafoy, le petit ami de Patricia

Robert Dalban : Jean, le majordome

Jean Lefebvre : Paul Volfoni, le frère de Raoul

Horst Frank : Théo

Venantino Venantini (VF : Charles Millot3) : Pascal

Mac Ronay (VF : André Weber3) : Bastien, le cousin germain de Pascal

Charles Régnier (VF : Michel Dupleix3) : Tomate

Pierre Bertin : Adolphe Amédée Delafoy, le père d'Antoine

Jacques Dumesnil : Louis « le Mexicain »

Paul Mercey : Henri

Dominique Davray : Madame Mado

Henri Cogan : Freddy

Georges Nojaroff : Vincent

Yves Arcanel : le contremaître

Charles Lavialle : le chauffeur taxi

Anne Marescot : l'amie de Patricia

Philippe Castelli : le tailleur

Marcel Bernier : Léon

Jean-Pierre Moutier : Le jeune homme invité en retard

Jean Luisi : un tueur à la mitraillette

Jean-Louis Castelli : le photographe du mariage

Béatrice Delfe : une invitée de Patricia

Jean-Michel Derot : un invité de Patricia

Françoise Borio : une invitée de Patricia

Paul Meurisse : Caméo du commandant Théobald Dromard, « Le Monocle », personnage d'un autre film de Lautner.

Parution du film : 1963.

 

Mr Fernand (Lino Ventura) :

« Les cons ça ose tout ! C’est même à ça qu’on les reconnaît ».

 

 

                       Sortie de l’entreprise, à Montauban. Départ de Mr Fernand pour Paris

Mr Fernand 

C'est quand même pas la première fois, non ?

 

Le 1er employé

J'dis pas que c'est la première fois que vous montez à Paris Mr Fernand, j'dis que ça tombe mal. Si le vent est frisquet, vous avez une couverture à l'arrière et Germaine a mis du thé dans le thermos.

 

Mr Fernand 

Et pourquoi pas de la quinine et un passe-montagne ? On croirait vraiment que je pars au Tibet.

 

Le 2ème employé 

Au revoir Mr Naudin. 

 

Mr Fernand 

Au revoir Gustave. 

 

Le 1er employé 

Mr Fernand, la foire battra pas son plein avant dimanche, si vous pouviez quand même être là… 

 

Mr Fernand 

Je t'ai déjà dit que j'en avais pour 48 heures maximum, et puis enfin bon Dieu quoi, vous avez quand même pas besoin de moi pour aligner 10 tracteurs dans un champ non ? Hein ?  ... Tâchez plutôt qu'elle tombe pas en panne comme la dernière fois. 

10786-les-tontons-flingueurs-2013

 

Le 1er employé 

Qu'est ce qui a été en panne ? 

 

Mr Fernand 

La dépanneuse. 

 

Le 1er employé 

Oh ! Mr Fernand ... 

 

                       Monologue de Mr Fernand 

Mr Fernand 

Louis de retour : présence indispensable. "présence indispensable" après 15 ans, y'en a qui poussent un peu quand même. 15 Ans d'interdiction de séjour ; pour qu'il abandonne ses cactus et qu'il revienne à Paris, faut qu'il lui en arrive une sévère au vieux Louis ; ou qu'il ait besoin de mon pognon, ou qu'il soit tombé dans une béchamel infernale. 

 

                      Au bowling 

Henri 

Eh bien ma vieille, tu nous fais attendre, la route a pas été trop toc ? 

 

Mr Fernand 

Ben, suffisamment. 

 

Henri 

Ça fait plaisir de te revoir, le Mexicain commençait à avoir des impatiences. 

 

Mr Fernand 

La preuve qu'il est revenu, c'est pas un char. 

 

Henri 

Oh ben, je me serais pas permis. 

 

Mr Fernand 

Ça fait quand même une surprise non ? 

 

Henri 

Les surprises, t'es peut être pas au bout, viens ! 

 

                      Dans la chambre 

 

Henri (au garde du corps)  

C'est Fernand ! 

 

Le garde du corps à Louis 

Mr Fernand est là ! 

 

Louis 

Qu'il entre, qu'il entre ! Et ben c'est pas trop tôt, je croyais que t'arriverais jamais ou bien que t'arriverais trop tard. 

 

Mr Fernand 

Tu sais, 900 bornes, faut quand même les tailler. 

 

Louis 

Ça fait quand même plaisir de te revoir, vieux voyou ! 

 

Mr Fernand 

A moi aussi ... 

 

Louis 

Et j'ai eu souvent peur de clamser là-bas au milieu des macaques sans avoir jamais revu une tronche amie, et c'est surtout à la tienne que je pensais. 

 

Mr Fernand 

Tu sais moi aussi c'est pas l'envie qui me manquait d'aller te voir, mais on fait pas toujours ce qu'on veut. Et toi ? J'ai pas entendu dire que le gouvernement t'avait rappelé, qu'est ce qui t'a pris de revenir ? 

 

Au toubib 

Merci toubib, merci pour tout. 

 

Louis à Henri 

Henri dis leur de monter... Henri, fais tomber 100 sacs au toubib !

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Mr Fernand 

Bon alors ? Qu'est ce qui se passe Louis ? 

 

Louis 

Je suis revenu pour canner ici et pour me faire enterrer à Pantin avec mes vioques. Les Amériques c'est chouette pour prendre du carbure, on peut y vivre aussi à la rigueur, mais question de laisser ses os, y'a que la France. Et je décambute bêtement, et je laisse une mouchette à la traîne, Patricia, c'est d'elle que je voudrais que tu t'occupes. 

 

Mr Fernand 

Eh ben dis donc, t'en as de bonnes toi ! 

 

Louis 

T'as connu sa mère, Suzanne "Beau sourire" ? 

 

Mr Fernand 

T'es marrant dis donc c'est plutôt toi qui l'as connue. 

 

Louis 

Au point de vue oseille je te laisse de quoi faire ce qu'il faut pour la petite. J'ai des affaires qui tournent toutes seules ; maître Folace, mon notaire, t'expliquera. Bah, tu sais combien ça laisse une roulette, 60% de velours. 

 

Mr Fernand 

Et sur le plan des emmerdements, 36 fois la mise. Ah, écoute Louis, ta môme, tes affaires, tout ça c'est bien gentil mais... Moi aussi j'ai mes affaires, tu comprends ? Et les miennes en plus, elles sont légales. 

 

Louis 

Ouais, j'ai compris : les potes, c'est quand tout va bien. 

 

Mr Fernand 

Ca va pas toi, dis ? Hein ? J'ai pas dit ça ! 

 

Louis 

Non, non, t'as pas dit ça, t'as pas dit ça mais tu livrerais ma petite Patricia aux vautours ; oh, mon petit ange... 

 

Mr Fernand 

Ton petit ange ton petit ange, hein ? 

 

Louis 

Oui, oh, maintenant que t'es dans l'honnête, tu peux pas savoir le nombre de malfaisants qu'il existe, le monde en est plein. Ils vont me la mettre sur la paille, ma petite fille. On va la dépouiller et on va tout lui prendre. Je l'avais faite élever chez les sœurs, apprendre l'anglais enfin ... Tout. Résultat : elle finira au tapin, et ce sera de ta faute, t'entends ? Ce sera de ta faute. 

 

Mr Fernand 

Ecoute, arrête un peu hein ? Depuis plus de vingt piges que je te connais, je te l'ai vu faire 100 fois ton guignol alors hein ? Et à propos de tout : de cigarettes, de came, de nanas, ça toujours été ton truc à toi. Et une fois je t'ai même vu chialer, alors tu vas pas me servir ça à moi non ? 

 

Louis 

Si !! Ben, tu te rends pas compte, saligaud, qu'elle va perdre son père, Patricia ; que je vais mourir ? 

 

Mr Fernand 

J'te connais, t'en est capable. Voilà dix ans que t'es barré, tu reviens et je laisse tout tomber pour te voir et c'est pour entendre ça ? Et moi comme une pomme .... 

 

                    On frappe à la porte 

 

Mr Fernand 

Entrez ! 

 

Louis 

Ben dis donc Théo, t'aurais pu monter tout seul ? 

 

Théo 

Si cette présence doit vous donner de la fièvre... 

 

Louis 

Oui, chez moi quand les hommes parlent, les gonzesses se taillent. 

 

L'ami de Théo (probable homosexuel non désiré par Louis)

Je t'attends en bas, à tout de suite... 

 

Louis 

Voilà je serai bref. Je viens de céder mes parts à Fernand ici présent. C'est lui qui me succède. 

 

Raoul Wolfoni 

Mais, tu m'avais promis de m'en parler en premier ! 

 

Louis 

Exact ! J'aurais pu aussi organiser un référendum, mais j'ai préféré faire comme ça. Pas d'objections ? Parce que moi j'ai rien d'autre à dire. Je crois que tout est en ordre, non ? 

 

                    Les autres sortent de la pièce 

 

Louis 

Pascal ? Pascal ? 

 

Mr Fernand 

Oh Louis, ben Louis ? Quoi ? Merde, Pascal ! 

 

Louis 

Je vais plus vous retenir longtemps. 

 

Mr Fernand 

Déconne pas Louis ! 

 

Louis 

Tu sais de quoi je parle. 

 

Mr Fernand 

Tu veux pas que j'ouvre la fenêtre un petit peu ? Hein ? Merde. Regarde, il fait jour. 

 

Louis 

D'ici... On voit ... Que le ciel ! Mais je m'en fous du ciel ... J'y serai un petit homme. Moi ce qui m'intéresse ... C'est la rue. Et ils m'ont filé directement de l'avion dans l'ambulance ... J'ai rien pu voir. Ça a dû drôlement changer hein ? 

 

Mr Fernand 

Tu sais, pas tellement quoi ! 

 

Louis 

Raconte quand même ! 

 

Mr Fernand 

Eh ben ... C'est un petit matin comme tu les aimes ... Comme on les aimait quoi ... Les filles sortent du Lido, tiens ! Pareil qu'avant. Tu te souviens? C'est à c't'heure-là qu'on emballait.

 

                      Au bowling 

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Mr Fernand 

Si un jour on m'avait dit qu'il mourrait dans son lit celui-là… 

 

Thibault 

(Tirade en allemand) ... IVième siècle avant Jésus-Christ. 

 

Henri 

On est ... On vit ... On trépasse ...c'est comme ça pour tout le monde. 

 

Raoul Wolfoni 

Pas forcément ! Enfin, je veux dire : on meurt pas forcément dans son lit ! Ben voyons ! 

 

Mr Fernand à Henri 

Dis donc, j'tiens plus en l'air moi, t'aurais pas une bricole à grignoter là. C'est à toi ça? (cigarettes) 

 

Henri 

Sers-toi ! 

 

Raoul Wolfoni 

Y'a vingt piges le Mexicain, tout le monde l'aurait donné à cent contre un : flingué à la surprise, mais c't'homme-là, ce qui l'a sauvé : c'est sa psychologie. 

 

Paul Wolfoni 

Tout le monde est pas forcement aussi doué. 

 

Pascal 

La psychologie, y'en a qu'une : défourailler le premier ! 

 

Théo 

C'est un peu sommaire, mais ça peut être efficace. 

 

Raoul Wolfoni 

Et le Mexicain, ça été une épée, un cador; moi je suis objectif, on parlera encore de lui dans cent ans. Seulement, faut bien reconnaître qu'il avait décliné, surtout de la tête. 

 

Paul Wolfoni 

C'est vrai que sur la fin, il disait un peu n'importe quoi. 

 

Raoul Wolfoni 

Il avait comme des vapes, des caprices d'enfants. 

 

Mr Fernand à Henri 

Merci Henri. 

 

Raoul Wolfoni 

Enfin, toi qu'y a causé en dernier, t'as sûrement remarqué ? 

 

Mr Fernand 

Remarqué quoi ? 

 

Raoul Wolfoni 

T'as quand même pas pris au sérieux cette histoire de succession ? 

 

Mr Fernand 

Pourquoi ? Fallait pas ? Ben, j'ai eu tort. 

 

Paul Wolfoni 

Ah ! Et voilà ! Tu vois Raoul, c'était pas la peine de s'énerver, monsieur convient. 

 

Raoul Wolfoni 

Y'en a qui abuseraient de la situation, mais mon frère et moi c'est pas notre genre. Qu'est-ce qu'on peut faire qui t'obligerait ? 

 

Mr Fernand 

Décarrer d'ici. J'ai promis à mon pote de m'occuper de ses affaires. Seulement puisque je vous dis que j'ai eu tort. Seulement tort ou pas tort, maintenant, c'est moi le patron. Voila. 

 

Henri (lui tendant le tél.) 

Pascal !! 

 

Pascal au tél.

Oui ? 

 

Paul Wolfoni 

Ecoute : on te connaît pas. Mais laisse-nous te dire que tu te prépares des nuits blanches, des migraines, des nervousses brékdones comme on dit de nos jours. 

 

Mr Fernand 

J'ai une santé de fer. Voilà quinze ans que je vis à la campagne, que je me couche avec le soleil, et que je me lève avec les poules. 

 

Henri 

Y'a du suif chez Tomate, trois voyous qui chahutent la partie ; les croupiers ont les foies pour la caisse, ils demandent de l'aide. 

 

Mr Fernand 

Ça arrive souvent ? 

 

Théo 

Jamais ! 

 

Pascal 

Ça doit pouvoir se régler à l'amiable. 

 

Henri 

Si tu tiens à regagner ta province rapido, t'auras intérêt à aller voir, ce serait toujours ça de gagné, c'est sur ton chemin. 

 

Henri 

Oh ! Les Wolfoni. T'inquiète pas ! 

 

Théo 

"La bave du crapaud n'empêche pas la caravane de passer". 

 

Mr Fernand 

Tchao ! Dis donc ça te gêne pas qu'on y aille ensemble ? 

 

Pascal 

C'est pas que vous me gênez Mr Fernand, mais je ne sais pas si ça va bien vous plaire… 

 

Mr Fernand 

Ben ça, je te le dirai ! 

 

L'ami de Théo 

A ton avis, c'est un faux caïd ou un vrai branque ? 

 

Théo 

Pour moi, ce n'est rien du tout. Un coup de téléphone, et dix minutes après ... Il existe plus. 

 

                                Pascal et Mr Fernand dans la voiture en chemin pour rejoindre le casino de Tomate 

Pascal 

J'admets qu'ils ont l'air de deux branques, mais je n'irais pas jusqu'à m'y fier, non ? C'est quand même des spécialistes. Le jeu, ils ont toujours été là-dedans les Wolfoni bernés : à Naples, à Las Vegas, partout où il y a des jetons à racler, ils tenaient les râteaux hein ?

 

Mr Fernand 

Mais ... Et l'autre là ? Le coquet ? 

 

Pascal 

L'ami fritz ? Il s'occupe de la distillerie clandestine. 

 

Mr Fernand 

C'est quand même marrant les évolutions. Quand je l'ai connu le Mexicain, il recrutait pas chez les Teutons. 

 

Pascal 

Vous savez ce que c'est non ? L'âge, l'éloignement... A la fin de sa vie, il s'était penché sur le reclassement des légionnaires. 

 

Mr Fernand 

Ah ! Si c'est une œuvre, alors là !! Là, c'est autre chose. 

 

                       Chez Tomate

 

Pascal 

Voilà, ici c'est chez Tom Hatt. 

 

Mr Fernand 

Je m'attendais à quelque chose de plus important ; mais c'est un clapier ! 

 

Pascal 

D'après Tom Hatt, ce qui passionne le joueur c'est le tapis vert, ce qui il y a autour, il s'en fout, il voit même pas. 

 

                       Une voiture arrive 

Pascal 

Planque-toi ! 

 

                        Une rafale de mitraillette tirée de la voiture, Pascal riposte, la voiture va au fossé.

 

Pascal 

A l'affût sous les arbres, ils auraient eu leur chance, seulement de nos jours il y a de moins en moins de techniciens pour le combat à pied, l'esprit fantassin n'existe plus ; c'est un tort. 

 

Mr Fernand 

Et c'est l'œuvre de qui d'après toi, des Wolfoni ? 

 

Pascal 

Ce serait assez dans leurs sales manières ; Mr Fernand ? Je serais d'avis qu'on aborde mollo, des fois qu'on serait encore attendus... Mais, sans vous commander, si vous restiez un peu en retrait... Hein ? 

 

Mr Fernand 

Ouais, n'empêche qu'à la retraite de Russie, c'est les mecs qu'étaient à la traîne qu'ont été repassés.

 

                      Chez Tomate (intérieur)

Tomate

C'est toi qui fais tout ce foin ? 

 

Pascal 

Je m'excuse. Mr Fernand, le nouveau taulier. 

 

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Tomate

J'étais pas au courant. 

 

Pascal 

Comme ça, tu l'es ! 

 

Tomate

Je suis Tomate, le gérant de la partie. 

 

Mr Fernand 

Bonjour. 

 

Tomate

Enchanté, mais qu'est-ce que c'était que cette fusillade ? On ne se serait pas permis de vous flinguer sur le domaine. 

 

Mr Fernand 

Eh ben, on s'est permis. 

 

Pascal 

Tomate ? 

 

Tomate 

Oui ? 

 

Pascal 

Tu devrais envoyer Freddy faire un tour ; y'a une charrette dans le parc avec deux gars dedans, ça fait désordre ... Où sont les autres ? 

 

Tomate

Quels "autres" ? 

 

Pascal 

Les mecs qui faisaient du scandale. 

 

Tomate

Du scandale ici ? Mais j'aimerais comprendre, 

 

Pascal 

Moi aussi. 

 

Mr Fernand 

Mais c'est pas vous qui avez téléphoné ? 

 

Tomate t

La nuit était tout ce qu'il y a de normal. 

 

Pascal 

Qu'est-ce que c'est que cette embrouille ? 

 

Mr Fernand 

Le numéro d'Henri ? 

 

Pascal 

Mazac 44 05.   

                    

              Au bowling 

 

Mr Fernand réfléchit devant le cadavre d’Henri.

Maintenant, Henri, y peut plus expliquer les choses à personne ... Trois morts subites en moins d'une demi-heure ça part sévère la voie de succession.

 

             Mr Fernand et Pascal rentrent chez le Mexicain 

Pascal 

Le Mexicain l'avait achetée en viager à un procureur à la retraite. Après trois mois l'accident bête ... Une affaire ! 

 

Jean 

Welcome sir, my name is John ! 

 

Mr Fernand 

 

Pascal 

Il est mort, il y a deux heures. On aurait pu être là plus tôt mais on a été retardés. Des espèces de contestations ; et puis ... Henri s'est fait descendre. 

 

Maître Folace 

Les Wolfoni ! Quand le lion est mort, les chacals se disputent l'empire. Enfin, on ne peut pas demander plus aux Wolfoni qu'au fils de Charlemagne. Ah ! Maître Follas, notaire. 

 

Mr Fernand 

Bonjour monsieur. 

 

Maître Folace 

Heureux de vous accueillir, j'aurais préféré bien sûr que ce soit dans d'autres circonstances.  Votre chambre est prête : le mexicain avait donné des ordres. 

 

Mr Fernand 

Eh bien, vous êtes gentil, je vous remercie, mais ... ce qui m'arrangerait surtout, c'est si on pouvait régler nos affaires dans la journée. 

 

Maître Folace 

Vous étiez l'ami de Louis depuis longtemps ? 

 

Mr Fernand 

Depuis toujours. 

 

Jean 

Mademoiselle va avoir du chagrin. 

 

Maître Folace 

Ah non ... Stop ... Sujet interdit, attention messieurs, pas de fausse note, la volonté du défunt est formelle : pour Patricia, le plus longtemps possible, son papa se porte comme un charme. Il joue les santors quelque part dans les sierras mexicaines, mal desservies par la poste, ce qui explique son silence. 

 

Pascal 

Bon, je dois partir. Maître Follas sait toujours où me joindre, j'habite chez ma mère. 

 

Mr Fernand 

Oui merci, 

 

Maître Folace 

Je suis bien content que vous soyez là vous savez ? Parce que moi avec la petite, j'y arrive plus. C'est peut-être parce que je la connais depuis trop longtemps. Pensez, c'est moi qui l'ai tenu sur les fonts baptismaux.

 

Jean 

Y'avait une belle cérémonie, mademoiselle était déjà ravissante. 

 

Maître Folace 

Dites-moi mon ami, si vous montiez les bagages de Mr Naudin ? 

 

Jean 

Yes sir 

 

Mr Fernand 

Dites moi, si ça vous fait rien, j'aimerais bien qu'on aborde un p'tit peu les choses sérieuses.  Parce qu'après tout une gamine c'est bien beau ça mais faut quand même pas s'en faire pour ça non, on est bien d'accord ? 

 

Maître Folace 

Ah mais moi je ne m'en fais pas, je ne m'en fais plus. Maintenant qu'vous êtes là, c'est vous que ça regarde. 

 

Mr Fernand 

Comment ça moi ? 

 

Maître Folace 

Eh ben ? Vous avez accepté de vous occuper d'elle non ? 

 

Mr Fernand 

Ben oui. 

 

Maître Folace 

A la bonne votre mon cher. Vous allez connaître tout ce que j'ai connu : les visites aux directrices, les mots d'excuses, les billets de renvoi ... 

 

Mr Fernand 

Vous allez quand même pas dire que mademoiselle Patricia s'est fait éjecter, non ? 

 

Maître Folace 

Mademoiselle n'a jamais tenu plus de six mois ; juste le temps d'user les patiences. Oui, vraiment, je suis content que vous soyez là. 

 

Mr Fernand 

Pas pour longtemps, parce que ça va changer vite, c'est moi qui vous le dis ; la boîte que je vais lui trouver, va falloir qu'elle y reste, croyez-moi ! Ou sinon, je vais la filer chez les vraies sœurs, les vraies, pension au bagne avec le réveil au clairon et tout le toutim, non mais sans blague… 

 

Maître Folace 

Eh bien, vous le lui direz à elle.

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Mr Fernand 

J'vais lui dire, et puis tout de suite. Où est-elle ? 

 

Maître Folace 

Elle dort. Elle a organisé une petite sauterie qui nous a entraînés jusqu'à trois heures du matin. 

 

Jean 

Your room is ready sir ! 

 

Maître Folace 

Il veut dire que votre chambre est prête. 

 

Mr Fernand 

Ah bon. Dites donc, il picole pas un peu votre British ? 

 

Maître Folace 

Oh la la ! Et puis il est pas plus British que vous et moi ; c'est une découverte du Mexicain. 

 

Mr Fernand 

Il l'a trouvé où ? 

 

Maître Folace 

Ici, il l'a même trouvé devant son coffre-fort. Y'a dix-sept ans de ça. Avant d'échouer devant l'argenterie, l'ami Jean avait fracturé la commode louis XV. Le Mexicain lui est tombé dessus juste au moment où l'artiste allait attaquer les blindages au chalumeau. 

 

Mr Fernand 

Eh bien, je vois d'ici la petite scène. 

 

Maître Folace 

Vu ses principes, le patron pouvait pas le donner à la police. Il a accepté de régler lui-même les dégâts. Résultat : Jean est resté ici trois mois au pair comme larbin, comme larbin pour régler la petite note. Et puis, la vocation lui est venue, le style aussi, peut être également la sagesse. Dans le fond, nourri, logé, blanchi, deux costumes par an, pour un type qui passait la moitié de sa vie en prison ... 

 

Mr Fernand 

Il a choisi la liberté quoi ! 

 

Patricia 

Oh, c'est drôle, je vous voyais plus grand, plus bronzé, mais c'est pas grave ; vous êtes bien l'oncle Fernand ? 

 

Mr Fernand 

Ben ... Oui. 

 

Patricia 

On pourrait peut-être s'embrasser ? Ça se fait. 

 

Mr Fernand 

Ah bon ben alors ... Si ça se fait, allons-y ! Dis-donc, heureusement que je viens de me raser. 

 

Patricia 

Papa m'avait annoncé votre arrivée. 

 

Mr Fernand 

Quand ça ? 

 

Patricia 

Dans sa dernière lettre, il y a bien un mois. Ça vous étonne ? 

 

Mr Fernand 

Eeeuh ... Non.

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Patricia 

Y'avait trois pages, rien que sur vous : vos aventures, vos projets, sans compter tout ce que vous avez fait pour lui. 

 

Mr Fernand 

Dis-moi, tu sais, j'aimerais bien avoir un petit peu de thé et du pain, du beurre et peut être des œufs au bacon aussi. Tu pourrais pas t'occuper de ça en bas ? 

 

Patricia 

Du thé à sept heures du soir ? 

 

Mr Fernand 

C'est à dire qu'en ce moment, j'suis un tantinet décalé dans mes horaires, oui. 

 

Patricia 

Ah bon ! Oh ! Au fait, ça a dû être quelque chose la fois où vous l'avez sorti du fleuve ? 

 

Mr Fernand 

Qui ça ? 

 

Patricia 

Ben papa. Il m'annonçait dans sa lettre : "Fernand m'a sorti d'un drôle de bain". Ce qu'il a oublié de me dire, c'est quel fleuve c'était ? 

 

Mr Fernand 

Écoute, sois gentille, moi je meurs de fin, alors va t'occuper de mon petit encas, tu veux ? 

 

Patricia 

Vous ne voulez pas me répondre ? 

 

Mr Fernand 

Mais c'est pas que je veux pas, mais comment tu veux que je m'en rappelle moi, hein ? Là bas des fleuves t'as que ça, à droite, à gauche, devant, derrière, partout, et bourrés de crocodiles en plus, voilà t'es contente maintenant ? Bon alors maintenant va, et laisse-moi finir ma toilette, et puis on parlera après hein ? Parce que tu t'en doutes Patricia, faut quand même qu'on parle. 

 

Patricia 

Oui, mon oncle. 

 

Mr Fernand 

Qu'on parle de choses sérieuses. 

 

Patricia 

Oui Tonton. Ça ne vous ennuie pas que je vous appelle Tonton ? Vous en avez tué beaucoup ? ... Des crocodiles ; et là-bas y'a que ça, devant, derrière, à gauche, à droite, partout ! Bon, eh bien, je vais m'occuper de votre thé. 

 

Maître Folace 

Puisque la fermeté a l'air de vous réussir je vais vous donner l'occasion de vous distinguer. 

 

Mr Fernand 

A propos de quoi ? 

 

Maître Folace 

D'argent ! D'argent qui ne rentre pas. Depuis deux mois les Wolfoni n'ont pas versé les redevances de la péniche. Tom Hatt a plus d'un mois de retard, et Théo etc... 

 

Mr Fernand 

Mais qu'est-ce que c'est ? Une révolte ? 

 

Maître Folace 

Non sire, une révolution ! Personne ne paie plus rien ! 

 

Mr Fernand 

Non mais, ces mecs auraient pas la prétention d'engourdir le pognon de ma nièce, non ? 

 

Maître Folace 

On dirait.

 

Mr Fernand 

Le Mexicain est au courant. 

 

Maître Folace 

Ah non non surtout pas ! C'était un homme à tirer au hasard sans discernement, alors les ragots dans la presse, si c'était tombé sous les yeux de la petite, vous voyez ça d'ici ! 

 

Mr Fernand 

Ouais, c'que j'vois surtout, si on doit arriver à flinguer, vous préférez que ce soit moi qui m'en charge, c'est ça ? 

 

Maître Folace 

Un tuteur, c'est pas pareil 

 

Mr Fernand 

Ça se guillotine aussi bien qu'un papa ! 

 

Maître Folace 

Mais qui vous demande d'intervenir personnellement ? Nous avons Pascal. Je le convoque ou pas ? 

 

Mr Fernand 

Si je devais pas être à la foire d'Avignon dans 48 heures, j'dirais non, mais je suis pris par le temps. Et puis je reconnais que c'est jamais bon de laisser dormir les créances, et surtout de permettre au petit personnel de rêver. 

 

Antoine Delafoy 

Vous parlez de rêver, rêvez-vous en couleur ? Antoine Delafoy, le plus respectueux, le plus ancien, le plus fidèle ami de Patricia. Je vous connais monsieur et je vous admire. Patricia vous évoque vous cite vous vante en toute occasion, vous êtes le gaucho, le santor des pampas, l'oncle légendaire ... 

 

Mr Fernand 

Et moi, elle ne m'a jamais parlé de vous.

 

Antoine Delafoy 

Elle n'a pas eu le temps, ça ne fait rien, je ferai donc mon panégyrique moi-même, c'est parfois assez édifiant et souvent assez drôle, car il m'arrive de m'attribuer des mots qui sont en général d'Alphonse Halley et des aventures puisées dans la vie des hommes illustres. 

 

Mr Fernand 

Il est toujours comme ça ? 

 

Patricia 

Absolument pas ! C'est son côté agaçant, il faut qu'il parle ; en vérité c'est un timide. Je suis sûre que vous serez séduit quand vous le connaîtrez mieux. 

 

Mr Fernand 

Parce qu'en plus, Mr séduit.

 

Antoine Delafoy 

Je ne séduis pas : j'envoûte ... Let me do it Jean (En parlant du Whisky) 

 

Jean 

Thank you sir 

 

Antoine Delafoy 

Pour en revenir à vos rêves en couleur, savez-vous que Borowski les attribue au phosphore qui est contenu dans le poisson ? Moi je préfère m'en tenir à Freud, c'est plus rigolo. Qu'est-ce que vous en pensez ? 

 

Mr Fernand 

Rien. Je ne rêve pas en couleur je ne rêve pas en noir, je ne rêve pas du tout. Je n'ai pas le temps. 

 

Antoine Delafoy (parlant du whisky) 

Je vous déconseille l'eau, ce serait un crime, il a dix ans d'âge. 

 

Patricia 

Tonton est débordé par ses affaires. 

 

Antoine Delafoy 

Vous viendrez bien avec nous demain soir. 

 

Mr Fernand 

Et où ça ? 

 

Antoine Delafoy 

Il demande où ça ? Mon dieu qu'il est drôle. Franck Emile jouera pour la première fois Bliel.  Corelli, Beethoven, Chopin, tout ça c'est très dépassé, c'est très con, mais avec Bliel : ça peut devenir féroce, tigresque. Bref, tout le monde y sera. 

 

Mr Fernand 

D'accord, d'accord, je sais que c'est la coutume d'emmener l'oncle de province au cirque. Je vous remercie d'ailleurs d'y avoir pensé, mais vous irez sans moi. Moi demain à sept heures je ne serai pas loin de Montauban, quant à mademoiselle Patricia, elle sera à ses études, nous sommes bien d'accord Patricia ? 

 

Patricia

Oui Tonton ! 

 

Antoine Delafoy 

J'crois que t'as raison, faut pas le brusquer. 

 

Mr Fernand 

Qu'est ce qui se passe encore ? 

 

Maître Folace 

Notre ami va se faire un plaisir de vous l'expliquer ... 

 

Pascal 

Les Wolfoni ont organisé à la péniche une petite réunion des cadres, façon meeting si vous voyez ce que je veux dire, enfin quoi, on parle dans votre dos. 

 

Mr Fernand 

Et tu tiens ça d'où ? 

 

Pascal 

Je peux pas le dire, j'ai promis, ce serait mal.  

 

Mr Fernand 

Alors ? 

 

Maître Folace 

Eh bien, y'a deux solutions : ou on se dérange ou on méprise. Oui, évidemment, n'importe comment, une tournée d'inspection ne peut jamais nuire, bien sûr ! 

 

Mr Fernand 

Eh bien, on va y aller ! 

 

Pascal 

Mr Fernand ? Y'a peut-être une place pour moi dans votre auto, des fois que la réunion devienne houleuse ; j'ai une présence tranquillisante... 

 

Patricia 

Vous préférez le foie gras pour commencer ou pour finir ? 

 

Mr Fernand 

C'est à dire que je préférerais demain : j'suis obligé de sortir. Un conseil d'administration ... 

 

Antoine Delafoy 

Quoi ? Vous n'allez pas dîner avec nous ? Moi qui venais de dire à Jean de monter du champagne…

 

Mr Fernand 

Votre invitation me bouleverse ! Bon appétit quand même ! 

 

Antoine Delafoy 

C'est du bidon ! 

 

Patricia 

Sûrement pas. Il vient de Strasbourg, on le paie un prix fou... 

 

Antoine Delafoy 

Non, je parle du conseil d'administration de ton oncle. Si tu veux mon avis, l'oncle va courir la gueuze. 

 

Patricia 

Tu crois ? 

 

                 A l'intérieur de la péniche

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Raoul Wolfoni 

Voilà quinze ans qu'on fait le trottoir pour le Mexicain, j'ai pas l'intention de continuer à tapiner pour son fantôme. 

 

Mme Lano 

Le trottoir, le tapin, c'est drôle ça ? On croirait que tu cherches le mot qui blesse.

 

Théo 

C'est des images.

 

Mme Lano 

Les images, ça m'amusait quand j'étais petite, j'ai passé l'âge ! J'dis pas que Louis était toujours très social, non, il avait l'esprit de droit. 

 

Tomate

Oh, dis eh ! 

 

Mme Lano 

Quand tu parlais augmentation ou vacances, il sortait son flingue avant que t'aies fini. Mais il nous a tout de même apporté à tous la sécurité. 

 

Raoul Wolfoni 

Ramasser les miettes, vous appelez ça la sécurité vous ? Vous savez combien il nous a coûté le Mexicain en quinze ans ? Vous savez combien qu'il nous a coûté ?? Oh, dis leur Paul, moi j'peux plus. 

 

Paul Wolfoni 

A 500 sacs par mois, rien que de loyer, ça fait 6 briques par an : 90 briques en 15 ans. 

 

Raoul Wolfoni 

Plus 30 briques de moyenne par an sur le flambe. Vous savez à combien on arrive : à un demi-milliard! Et toi pareil pour la petite ferme. Ben, dis que c'est pas vrai ! 

 

Tomate 

J'ai rien dit ! 

 

Raoul Wolfoni  

Ben moi j'dis que j'lâcherai plus une thune ! Et j'vous invite tous à en faire autant. 

 

Théo 

Vous invitez, vous invitez ... C'est très aimable, mais il y a des invitations ... 

 

Raoul Wolfoni 

Qu'est ce qui te gène toi ? 

 

Théo 

Le climat : trois morts depuis hier, si ça doit tomber comme à Stalingrad... Une fois ça suffit.  J'aime autant garder mes distances. 

 

Raoul Wolfoni 

Dis donc, t'essaierais pas de nous faire porter le chapeau des fois ? Faut le dire tout de suite, hein : Mr Raoul vous avez buté Henri, vous avez même buté les deux autres mecs ; vous avez peut-être aussi buté le Mexicain, puis aussi l'archiduc d'Autriche... 

 

    Pascal, Mr Fernand et maître Folace sur le pont de la péniche. 

Pascal 

Eh ? Léo, c'est moi, Pascal.

 

Léo 

J'arrive, qui est avec toi ? 

 

Pascal 

Je suis avec le notaire. 

 

Léo 

Tu me dis que vous êtes deux, vous êtes trois ... 

 

Pascal 

J'annonce les employés, pas le patron... 

 

Léo 

Possible, mais j'attends un ordre de Mr Raoul.

 

                 Mr Fernand envoie, d'un coup de poing, Léo à l’eau 

 

Maître Folace 

C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases ... 

 

Pascal 

Allons ! 

 

                        Dans la péniche 

Raoul Wolfoni 

Si vous marchez tous avec moi, qu'est-ce qu'il fera votre Fernand, un procès ? 

 

                    On frappe à la porte... 

 

Maître Folace 

Bonsoir messieurs ! Madame ! 

 

Raoul Wolfoni 

J'croyais pas t'avoir invité ... 

 

Mr Fernand 

Mais t'avais pas à le faire, j'suis chez moi. Qu'est-ce que t'organises ? Un concile ? Tu permets ? 

 

Raoul Wolfoni 

Je les avais réunis pour décider ce qu'on faisait pour le Mexicain, rapport aux obsèques. 

 

Mr Fernand 

Si c'est des obsèques du Mexicain dont tu veux parler, c'est moi que ça regarde ; maintenant si c'est celles d'Henri ... Tu pourrais peut être les prendre à ta charge. 

 

Raoul Wolfoni 

Non, ça va pas recommencer, j'vais pas encore endosser le massacre. 

 

Mr Fernand 

On parlera de ça un peu plus tard. Pour l'instant on a d'autres petits problèmes à régler, priorités aux affaires. Je commence par le commencement. Honneur aux dames. Mme Mado peut être ? 

 

Mme Lano 

Elle même. 

 

Mr Fernand 

Chère madame, Maître Folace m'a fait part de quelques ... Pffff .... Quelques embarras dans votre gestion, momentanés j'espère. Souhaiteriez-vous nous fournir quelques explications ? 

 

Mme Lano 

Les explications Mr Fernand, y'en a deux : récession et manque de main d'œuvre. Ce n'est pas que la clientèle boude, c'est qu'elle a l'esprit ailleurs. Le furtif, par exemple, a complètement disparu. 

 

Mr Fernand 

Le furtif ?

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Mme Lano  

Le client qui vient en voisin : bonjour mesdemoiselles, au revoir madame. Au lieu de descendre maintenant après le dîner, il reste devant sa télé, pour voir si par hasard il serait pas un peu l'homme du xxème siècle. Et l'affectueux du dimanche : disparu aussi. Pourquoi ? Pouvez-vous me le dire ? 

 

Mr Fernand 

Encore la télé ? 

 

Mme Lano 

L'auto Mr Fernand ! L'auto ! 

 

Mr Fernand 

Ah, mais dites-moi, vous parliez de pénurie de main d'œuvre tout à l'heure... 

 

Mme Lano 

Alors là Mr Fernand, c'est un désastre ! Une bonne pensionnaire, ça devient plus rare qu'une femme de ménage. Ces dames s'exportent, le mirage africain nous fait un tort terrible ; et si ça continue, elles iront à Tombouctou à la nage. 

 

Mr Fernand 

Bien je vous remercie madame Mado, on recausera de tout ça ... Qui est-ce le mec du jus de pomme ? 

 

Théo 

Ce doit être de moi dont vous voulez parler ! 

 

Mr Fernand 

Dis-moi, dans ta branche, ça va pas très fort non plus ! Pourtant du pastis vrai ou faux, on en boit encore ? 

 

Théo 

Moins qu'avant, la jeunesse française boit des eaux pétillantes, et les anciens combattants : des eaux de régime. Puis surtout il y a le whisky. 

 

Mr Fernand 

Et alors ? 

 

Théo 

C'est le drame ça, le whisky ... 

 

      A l'écart, Pascal et le garde de corps de Raoul Wolfoni discutent 

 

Bastien 

Dis donc je le connais pas celui-là. Il est nouveau ? 

 

Pascal 

C'est le petit dernier de chez Beretta. J'te le conseille pour le combat de près, et puis pour les coups à travers la poche, ou le métro ou l'autobus. Mais note, hein… faut en avoir l'usage, sinon, au prix actuel, on l'amortit pas 

 

Bastien 

Le prix passe la qualité reste, c'est pas l'arme de tout le monde, ça ! T'as eu ça par qui ? 

 

Pascal 

Par l'oncle Antonio. 

 

Bastien 

Le frère de Berthe ? 

 

Pascal 

Oui 

 

               Retour dans la salle de conférence de la péniche

 

Théo 

... Tout ça pour vous faire comprendre, Mr Fernand, que le pastis perd de l'adhérence chaque jour. Le client devient dur à suivre. 

 

Mr Fernand 

Oh tu sais, c'est un petit peu dans tous les domaines pareil, moi si je te parlais motoculture... Ouais enfin ! 

 

Mme Lano 

J'espère qu'il est encore chaud (le thé) 

 

Mr Fernand 

Merci 

 

Mr Fernand 

Bien, et maintenant à nous, dans ton secteur pas de problème, le jeu a jamais aussi bien marché. 

 

Raoul Wolfoni 

Que tu dis ! 

 

Mr Fernand 

C'qui vous chagrine, c'est la comptabilité, vous êtes des hommes d'action et je vous ai compris, et je vous ai arrangé votre coup.

 

Raoul Wolfoni 

T'arranges, t'arranges, et si on était pas d'accord ? 

 

Mr Fernand

Tu vas voir que c'est pas possible, j'ai adopté le système le plus simple, regarde ! On prend les chiffres de l'année dernière, et on les reporte.

 

Tomate 

L'année dernière, on a battu des records ! 

 

Mr Fernand 

Et bien vous les égalerez cette année ! Vous avez l'air en pleine forme là ? Gais, entreprenants, dynamiques ... 

 

Raoul Wolfoni 

Et en plus, tu nous charries, c'est complet. 

 

Mr Fernand 

Pascal ? 

 

Pascal 

Oui Mr Fernand 

 

Mr Fernand 

Tu passeras à l'encaissement chez ces messieurs sous huitaine 

 

Raoul Wolfoni 

Et si jamais on paye pas, tu nous butes ?

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Pascal 

Mr Raoul ... 

 

Mr Fernand 

Bien, messieurs, il ne me reste plus qu'à vous remercier de votre attention. 

 

Raoul Wolfoni 

Bastien ! Accompagne ces messieurs ! 

 

                Pascal, Mr Fernand et maître Folace quittent la salle 

 

Mme Lano 

Toi Raoul Wolfoni, on peut dire que t'en es… 

 

Raoul Wolfoni 

Un quoi ? 

 

Mme Lano 

Un vrai chef. 

 

Raoul Wolfoni 

Mais y connaît pas Raoul ce mec ? Y va avoir un réveil pénible, j'ai voulu être diplomate à cause de vous tous, éviter que le sang coule, mais maintenant c'est fini, j'vais le travailler en férocité, l'faire marcher à coup de latte, à ma pogne j'veux le voir ! Et vous verrez qu'il demandera pardon et au garde à vous ... 

 

 

          On frappe à nouveau. Mr Fernand envoie un direct à Raoul Wolfoni

 

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Mr Fernand 

J'avais oublié : les 10% d'amende. Pour le retard. 

 

Raoul Wolfoni 

Il a osé me frapper. Il se rend pas compte.

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          Pascal Mr Fernand et maître Folace reviennent à la maison du Mexicain 

 

Maître Folace   

Cette petite fête m'a rajeuni de vingt ans. Mr Naudin a quelque peu bousculé Mr Wolfoni senior.

 

Jean 

Mes compliments monsieur 

 

Mr Fernand 

Qu'est-ce que c'est encore que ça ? 

 

                        Mr Fernand entre dans la salle de séjour ou Patricia et Antoine sont couchés dans le divan et écoutent de la musique.

 

Antoine Delafoy 

Oh non, au moment où la petite flûte allait répondre au cor, vous êtes odieux ! 

 

Patricia 

C'est vrai Tonton, ces choses-là ne se font pas. 

 

Mr Fernand 

Ah surtout, je t'en prie hein ? 

 

Patricia 

Qu'est-ce qui vous arrive, mon oncle ? Vous avez été contrarié dans vos affaires? 

 

Mr Fernand 

Oh à peine. Si ça ne vous fait rien Mr Delafoy, j'aimerais bien avoir une petite explication. Remettez d'abord vos chaussures, vous êtes ridicule.

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Antoine Delafoy 

Qu'est-ce que vous voulez que je vous explique, cher monsieur ? 

 

Mr Fernand 

Tout ça, lumière tamisée, musique douce, et vos godasses sur les fauteuils, Louis XVI en plus ! 

 

Antoine Delafoy 

La confusion doit d'abord s'expliquer, mais les termes sont inadéquats. 

 

Mr Fernand 

Ah parce que c'est peut-être pas du louis XVI ? 

 

Antoine Delafoy 

Euh, non ! C'est du louis XV. Remarquez, vous n'êtes pas tombé loin, mais les sonates de Corelli ... 

 

Mr Fernand 

Mais je suis chez moi ! 

 

Antoine Delafoy 

Ah j'aime ça, la thèse est osée mais comme toutes les thèses parfaitement défendables. Mais nous allons si vous le voulez bien discuter de la musique par rapport au local de l'élixir et du flacon, du contenu et du contenant. 

 

Mr Fernand 

Patricia, mon petit, je ne voudrais pas te paraître vieux jeu ni encore moins grossier, l'homme de la pampa, parfois rude reste toujours courtois, mais la vérité m'oblige à te le dire : ton Antoine commence à me les briser menu ! 

 

Antoine Delafoy 

Si nous parlions de moi pendant le dîner ? 

 

Mr Fernand 

Toi, tu vas monter dans ta chambre ! 

 

Patricia 

Bonne nuit Antoine 

 

Mr Fernand 

Quant à vous brillant Jeune Homme ... 

 

Antoine Delafoy 

Ne vous donnez pas la peine, je connais le chemin ... 

 

Mr Fernand 

Justement, faudrait voir à l'oublier. 

 

Antoine Delafoy 

Ce n'est pas du tout gentil Oncle Fernand. 

 

Mr Fernand 

MONSIEUR Fernand, s'il vous plaît. 

 

Antoine Delafoy 

Soit, les manières y gagneront ce que l'affection y perdra. 

 

Patricia 

Vous m'avez terriblement déçue, vous n'avez pas été gentil avec Antoine.

 

Mr Fernand 

C'est ce qu'aurait fait ton père, figure-toi ; il a jamais pu supporter les voyous. 

 

Patricia 

Antoine, un voyou ? Antoine est un grand compositeur, il a du génie.

 

Mr Fernand 

Eh bien, les génies se baladent pas pieds nus, figure-toi ! Hein ? 

 

Patricia 

Et Sagan ? 

 

                Mr Fernand dîne dans la salle de séjour   

Pascal 

Bonsoir ! 

 

Mr Fernand 

Vous êtes louf non ? Qu'est-ce que c'est que ces façons d'arriver en pleine nuit par le jardin ? 

 

Pascal 

Ben, on voulait pas sonner à cette heure-là, réveiller toute la maison. Si la demoiselle se posait des questions. A cet âge-là, on imagine. 

 

Bastien 

Et puis, on avait à vous parler.

 

Mr Fernand 

Vous, je vous ai déjà vu quelque part ... 

 

Bastien 

Tout à l'heure, chez les Wolfoni. J'étais de l'autre côté. 

 

Mr Fernand 

Asseyez-vous, j'suis en train de becter. 

 

Pascal 

Alors là, on est vraiment confus ! Voilà, si on est venu à deux, y'a une raison ! Bastien, c'est le fils de la sœur de mon père, comme qui dirait, un cousin direct, vous saisissez la complication Mr Fernand. 

 

Mr Fernand 

Non, pas encore ! 

 

Bastien 

Ben, forcément, t'as pas donné à Mr Fernand mes références : 1ère gâchette chez Wolfoni, 5 ans de labeur, de nuit comme de jour, et sans un accroc. 

 

Pascal 

Vous la voyez ce coup-là l'embrouille ? Dans le monde des caves, on appelle ça un cas de conscience, nous on dit : un point d'honneur. Entre vous et les Wolfoni, il va faire vilain temps ; en supposant que ça tourne à l'orage, Bastien et moi, on est sûrs de se retrouver face à face, flingue en pogne, avec l'honnêteté qui commande de tirer. Ah non, un truc à décimer  une famille. 

 

Mr Fernand 

Ouais, je vois ... Vous voulez boire un coup ? 

 

Bastien 

Non, non merci, jamais entre les repas. 

 

Pascal 

Moi non plus, chez nous c'est la règle : santé, sobriété. 

 

Bastien 

On en a trop vu qui se sont gâtés la main aux alcools.

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Mr Fernand 

J'peux rien vous reprocher, les histoires de famille, ça, c'est comme une croyance, ça force le respect. Bon, alors, qu'est-ce que vous proposez ? 

 

Pascal 

Bastien a donné sa démission à Mr Raoul. 

 

Mr Fernand 

La tienne va suivre ? 

 

Pascal 

J'peux pas faire moins Mr Fernand, ' faut comprendre. 

 

Mr Fernand 

J'comprends. Ouais, quand la protection de l'enfance coïncide avec la crise du  personnel, faut plus comprendre, faut prier ! 

 

       Le lendemain, Mr Fernand dans la salle de séjour avec Patricia 

 

Mr Fernand 

"et si la vieille définition n'avait pas tant servi, à propos de Racine et de Corneille, nous dirions que Bossuet l’a peint tel qu'il devrait être, et que Pascal l'a peint tel qu'il est"... Comment ? Ils t'ont donné que 16/20 ? Et ben, permets moi de te dire qu'ils y vont un peu fort, parce que moi, là, je t'aurais donné un peu plus. 

 

Patricia 

Vous êtes très gentil mon oncle... 

 

Mr Fernand 

Non, Patricia, mon enfant, mercredi dernier quand je suis arrivé, nous dérivions et le navire faisait eau de toute part.... 

 

Jean 

...Un Monsieur, au téléphone, un appel de Montauban, l'interlocuteur me semble - comment dirais-je ... Un peu rustique : le genre agricole. 

 

Mr Fernand 

Allo oui ? C'est moi ... Ca va, ça va ... Hein? ... Oui... Oui... Ben si je suis pas rentré vendredi c'est que je suis pas venu... Et ben, je ne sais pas moi... 8 jours, peut-être 15 .... Et  ben, y'a qu'à faire le nécessaire... Enfin, c'est quand même formidable, à chaque fois que j'm'absente, c'est toujours pareil, faut toujours qu'y ait des histoires...et ben, démerdez vous ... 

 

Jean 

"Pascal l'a peint tel qu'il est"... Eh ben moi j'aurais donné à mademoiselle 20/20, et en cotant vache. 

 

Patricia 

Vous êtes gentil. 

 

Maître Folace  

Vous savez combien il reste au compte courant ? 60.000, 6 briques ... 

 

Mr Fernand 

Qu'est ce que ça veut dire ? Y'aurait du coulage ? 

 

Maître Folace 

Du coulage, oh, c'est bien plus simple... Y'a que l'argent qui devait rentrer sous huitaine, n'est toujours pas rentré. Y'a que l'éducation de la princesse, cheval, musique, peinture, etc ... atteint un budget "élyséen". Et y'a que vos dépenses somptuaires ont presque des allures africaines. 

 

                            Le téléphone sonne 

 

Maître Folace 

Allô oui ? ... Oui ...oui ... Il est là. Une seconde. 

 

Mr Fernand 

Qui ça ? 

 

Maître Folace 

Justement, Raoul Wolfoni. 

 

Mr Fernand 

Allô, alors on a enfin compris, on casque ! 

 

Raoul Wolfoni 

Tu fais de l'obsession, t'es la proie des idées fixes. Je te téléphonais seulement pour t'avertir qu'à la distillerie, y sont en plein baccara, tu devrais t'en occuper, c'est ton rôle, grand chef. 

 

Mr Fernand 

Mais de quoi tu t'occupes ? 

 

Raoul Wolfoni 

Tu vois comme t'es injuste, on cherche à t'obliger, t'es encore pas satisfait.

 

                                 A la distillerie 

 

Tomate

Tu crois que Raoul serait tombé dans le piège ? 

 

Théo 

Il aura pas résisté à la joie d'annoncer une mauvaise nouvelle à l'autre imbécile. 

 

Tomate

C'est étonnant que le butor n'ait pas déjà téléphoné 

 

Théo 

Y'a des impulsifs qui téléphonent, y'en a d'autres qui se déplacent ... et voilà ! 

 

Tomate

Et c'est Wolfoni qui portera le chapeau. 

 

Théo 

T'es rassuré ? 

 

Tomate 

Ouais 

 

Théo 

En voilà un qui est pratiquement sorti du bagne. Ce n'est plus qu'une affaire de patience.  Dans un mois, les Wolfoni, et les affaires du Mexicain, ça deviendra Théo, Tomate et Cie dans cinq minutes. 

 

Mr Fernand 

Alors ça vient oui ? 

 

Théo 

Voilà, j'arrive .... Vous, Mr Fernand ? 

 

Mr Fernand 

Ben quoi ? Ça a l'air de t'épater ? 

 

Théo 

Raoul Wolfoni est ridicule ! Je lui avais demandé de m'envoyer un chauffeur, pas de vous déranger.

 

Mr Fernand 

De toutes façons, maintenant j'suis là. Entre parenthèses c'est pas commode à trouver ton coin là, ça fait une plombe que je tourne autour ! 

 

Théo 

La police tourne autour depuis 10 ans, elle a jamais trouvé. C'est pour ça que je regretterai cet endroit. 

 

Mr Fernand 

Et pourquoi, tu dis ça ? 

 

Théo 

Par euh ... Désenchantement, vous n'êtes jamais en proie au vague à l'âme Mr Fernand ? 

 

Mr Fernand 

Ma foi, j'en abuse pas, non. 

 

Théo 

Vous n'avez peut-être pas les mêmes raisons. Vous avez gagné la guerre, vous. 

 

Mr Fernand 

Bon, d'accord j'ai gagné la guerre mais si j'suis venu, c'est pas pour défiler. Où est-ce que tu veux en venir ? Qu'est ce qui se passe ? 

 

Théo 

Eh bien voilà ce qui s'est passé : un chargement tout prêt. Six millions de pastis. Un client qui attend entre 11 heures et minuit à Fontainebleau ; et bien, nous ne livrons pas. 

 

Mr Fernand 

Pourquoi, qu'est ce qui te gène ? 

 

Théo 

Notre dernier chauffeur est parti hier pour le Sahara, dans le pétrole, à cause des primes et des assurances sociales : l'esprit nouveau. 

 

Mr Fernand 

Un chauffeur, ça se remplace, non ? 

 

Théo 

Mr Fernand, le transport clandestin ne réclame pas seulement des compétences, mais de l'honnêteté, contrairement aux affaires régulières, on paie comptant et en liquide. Ça peut tenter les âmes simples.

 

Mr Fernand 

Ben moi, je vois qu'une solution ! Tu prends le bout de bois et tu livres. 

 

Théo 

Faut pouvoir ! 

 

Mr Fernand 

Comment ça ? 

 

Théo 

La nuit en plein milieu de la route, un homme armé, en uniforme qui agite une lanterne et qui crie halte, qu'est-ce que vous faites ? 

 

Mr Fernand 

J'm’arrête bien sûr, je passe pas dessus ! 

 

Théo 

Eh bien, c'est pour ça que vous avez encore votre permis ! Moi pas ! 

 

Mr Fernand 

Bon, les papiers du bahut sont en règle au moins ? 

 

Théo 

Tout est en ordre ! Mais Mr Fernand, vous ne prétendez pas ... 

 

Mr Fernand 

... Quand y'a six briques en jeu, j'prétends n'importe quoi. J'ai conduit des tracteurs, des batteuses, et toi qui parlais de guerre, j'ai même conduit un char Patton. 

 

Théo

C'est pas ma marque préférée. 

 

Mr Fernand

Oui, bon, dis donc, moi j'aimerais bien savoir où je livre parce que Fontainebleau c'est grand ! 

 

Théo 

Il y aura une Cadillac noire, arrêtée à l'embranchement de Melun.

 

               Sur la route, deux hommes en armes attendent Mr Fernand 

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Tomate 

Il devrait être passé, tu vois pas qu'il soit tombé sur un barrage ce cave ! Ce serait beau ! 

 

Théo 

Il tient pas la moyenne c'est tout. Avec les prétentieux, c'est toujours pareil, moi je, moi je, sur le terrain plus personne.

 

Tomate 

J'ai l'impression qu'on annonce Mr Dugommier. 

 

Théo 

Je crois qu'il va le regretter son char Patton. 

 

                Le camion de Mr Fernand est pris sous un tir nourri et prend feu

Tomate

Mais qu'est-ce que t'attends, allume-le ! 

 

                                        Mr Fernand arrive en loques sur la péniche des Wolfoni et toque à la porte ; Les frères Wolfoni sont en conversation. 

 

Raoul Wolfoni 

Petit frère crois-moi, le monde moderne va vers la centralisation ! 

 

Paul Wolfoni 

Et Tom Hatt, qu'est-ce que t'en fais ? 

 

Raoul Wolfoni 

Ben, s’il faut virer Tomate, on le virera. Moi, j'connais qu'une loi, celle du plus fort. 

 

            Raoul Wolfoni reçoit un coup de poing à l'ouverture de la porte 

 

Raoul Wolfoni 

C'est une manie, qu'est ce qui te prend ? 

 

Mr Fernand 

Vous êtes sur la pente fatale, les gars ! Vous vous endettez, trois briques de camion plus six briques de pastis.

 

Paul Wolfoni 

On peut savoir de quoi tu causes ? 

 

Mr Fernand 

Une autre fois ! Hein ? Ce soir je suis pas d'humeur à bavarder. Tout m'irrite ! 

 

                                 On frappe à nouveau à la porte 

 

Raoul Wolfoni 

T'es toujours de 50% dans l'affaire ? 

 

Paul Wolfoni 

Ben, bien sûr ! 

 

Raoul Wolfoni 

Alors va ouvrir ! 

 

                                De retour à la maison du Mexicain, Patricia a organisé une petite fête ... 

 

Un invité 

Convocation : 9 heures ! J'ai l'impression mon cher, que nous ne sommes pas en avance.  Vous êtes un ami de Pat ou un copain d'Antoine ? Je me demande si il la saute? 

 

Mr Fernand 

Qui saute qui ? 

 

Un invité 

Ben ... Antoine ... Patricia ... 

 

                                      Mr Fernand l’assomme d’un coup de poing

 

Mr Fernand 

Jean ? 

 

Jean 

Une seconde, monsieur 

 

Antoine Delafoy 

Le cercle de famille s'agrandit.

 

Mr Fernand 

Où est Patricia, et maître Folace ? 

 

Jean 

A la cuisine, il aide, lui.

 

Patricia 

Oncle Fernand ? 

 

Mr Fernand 

Ah te voila toi ! et c'est ça que t'appelles une petite dinette au coin du feu, dis ? Tu vas m'expliquer un petit peu maintenant ? 

 

Patricia 

D'où viens-tu ? 

 

Mr Fernand

De chez des amis. 

 

Patricia

D'anciens Paras ? Vous avez évoqué le bon vieux temps, cooptation, close combat, vous avez joué au lance flamme ... Je t'ai demandé la permission d'inviter des amis, t'étais d'accord ; tu sais qu'ils sont tous d'excellentes famille ? Celui qui vient de t'offrir du scotch, tu sais qui c'est ? Jean-Claude Tellier, le fils du contre-amiral. Écoute, tu tiens toujours à ce que je passe mon bachot, alors sois logique ! Le bachot sans relations, c'est la charrue sans les  bœufs. Le tenon sans la mortaise, bref, une nièce sans son petit oncle ! Avoue que tu n'avais jamais pensé à ça. 

 

Mr Fernand 

C'est fini oui ? 

 

Patricia 

Entre nous, à quoi penses-tu en général ? 

 

Mr Fernand 

A Montauban, on devrait jamais quitter Montauban ! 

 

                               Dans la cuisine 

Maître Folace 

Charmante soirée, n'est-ce pas ? Vous savez combien ça va nous coûter ? 2.000 francs nouveaux. 

 

Mr Fernand 

Y'en a qui gaspillent, et y'en a d'autres qui collectent ... Hein ? 

 

Jean 

' Faudrait encore des sandwiches à la purée d'anchois, ils partent bien ceux-là. 

 

Mr Fernand 

Voilà vos encaissements en retard ... et avec une avance en plus. Les Wolfoni ont essayé de me flinguer, oui maître. 

 

Maître Folace 

C'est pourtant pas leur genre 

 

Mr Fernand 

Eh ben ça prouve qu'ils ont changé de genre. Voila.

 

Jean 

Quand ça change, ça change, faut jamais se laisser démonter. 

(Il sort un pistolet du bahut, l’arme et l’empoche).

 

Maître Folace 

Vous croyez qu'ils oseraient venir ici ? 

 

Mr Fernand 

Les cons ça ose tout ! C'est même à ça qu'on les reconnaît. 

 

                          Les Wolfoni pénètrent dans la maison 

Paul Wolfoni 

T'es sûr que tu t'es pas gouré de crèche ?

 

Raoul Wolfoni 

J'me goure jamais, en rien. 

 

Un invité 

Scotch ou jus de fruit ? 

 

Raoul Wolfoni 

Rien ! 

 

Raoul Wolfoni 

Si c'est notre pognon qu'ils sont en train d'arroser les petits comiques, ça va saigner ! ... Dites donc mon brave, 

 

Jean 

Monsieur ? 

 

Raoul Wolfoni

Il est là, votre patron ? 

 

Jean 

Qui demandez-vous ? 

 

Raoul Wolfoni 

Mr Fernand Naudin 

 

Jean 

Mr Fernand .... 

 

Raoul Wolfoni 

... Fernand l'emmerdeur, Fernand le malhonnête, c'est comme ça que j'l'appelle moi. 

 

Jean 

Si ces messieurs veulent bien suivre ... 

 

Raoul Wolfoni 

Et comment. Alors, tu viens dis ? 

 

Jean

Si vous voulez vous donner la peine d'entrer…

 

                                Dans la cuisine 

Raoul Wolfoni 

Bougez-pas ! Les mains sur la table. J'vous préviens qu'on a la puissance de feu d'un croiseur et des flingues de concours. 

 

Jean

Si ces messieurs veulent bien me les confier… 

(Il pointe son pistolet dans leur dos)

 

Raoul Wolfoni 

Quoi ? 

 

                       Patricia fait irruption dans la cuisine 

 

Patricia

Oh non, on est encore en panne de sandwiches. Tu sais mon oncle, si tes amis veulent danser ... 

 

                       Patricia sort de la cuisine 

 

Jean

Allons vite messieurs, quelqu'un pourrait venir, on pourrait se méprendre, et on jaserait. Nous venons déjà de frôler l'incident. 

 

Mr Fernand 

Tu sais ce que je devrais faire, rien que pour le principe ... 

 

Raoul Wolfoni 

Tu trouves pas que c'est un peu rapproché ?

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 Paul Wolfoni 

J'te disais que cette démarche ne s'imposait pas. Au fond maintenant, les diplomates prendraient plutôt le pas sur les hommes d'action. L'époque serait aux tables rondes et à la détente. Hein ? Qu'est-ce que t'en penses ? 

 

Mr Fernand 

J'dis pas non.

 

Raoul Wolfoni 

Bé dis donc, on est quand même pas venus pour beurrer des sandwiches ? 

 

Paul Wolfoni 

Pourquoi pas ? Au contraire, les tâches ménagères ne sont pas sans noblesse. Surtout lorsqu'elles constituent le premier pas vers des négociations fructueuses. Hein ? 

 

Mr Fernand 

Maître Folace, vous avez oublié de planquer les motifs de fâcherie. 

(La sacoche débordant de billets posée sur la table).

 

Paul Wolfoni

Oh, Mr Fernand. 

 

Mr Fernand 

Tu connais la vie Mr Paul .... Mais pour en revenir au travail manuel, ce que vous disiez est finement observé. Et puis, ça reste une base. 

 

Raoul Wolfoni 

Ca, c'est bien vrai. Si on rigolait plus souvent, on aurait moins souvent la tête aux bêtises. 

 

                    Une invitée fait irruption dans la cuisine ... 

Une invitée 

Jean ? Mais il est où Jean ? 

 

Maître Folace 

Qu'est ce que vous lui voulez ? 

 

Une invitée 

Y'a plus de glace et y'a plus de scotch ! 

 

Mr Fernand 

Maître Folace, donnez-lui des jus de fruit, allez ... 

 

Une invitée 

Pas de jus de fruit, du scotch, vos jus de fruit vous pouvez vous les... 

 

Maître Folace 

... Allons mademoiselle ! L'oncle de Patricia vous dit qu'il n'y a plus de scotch, un point c'est tout. 

 

Une invitée 

Vous n'avez qu'à en acheter, avec ça.

(La sacoche aux billets)

 

Maître Folace 

Touche pas au grisbi, salope !! 

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 Raoul Wolfoni 

L'alcool à ç't'age là ! 

 

Mr Fernand 

C'est un scandale hein ? 

 

Raoul Wolfoni 

Nous par contre, on est des adultes, on pourrait peut-être s'en faire un petit ? 

 

Mr Fernand 

Maître Folace ? 

 

Maître Folace 

Seulement, le tout-venant a été piraté par les mômes. Qu'est-ce qu'on fait, on s'risque sur le bizarre ? Ca va rajeunir personne. 

 

Raoul Wolfoni 

Ben nous voilà sauvés. 

 

Jean, qui entre

Tiens, vous avez sorti le vitriol ?

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Mr Fernand 

Pourquoi vous dites ça ? 

 

Raoul Wolfoni 

Il a pourtant un air honnête. 

 

Mr Fernand 

Sans être franchement malhonnête, aux premiers abords, comme ça, il ... a l'air assez curieux. 

 

Maître Folace 

Il date du Mexicain, du temps des grandes heures, seulement on a dû arrêter la fabrication, y'a des clients qui devenaient aveugles. 

 

Maître Folace 

Oh, ça faisait des histoires. 

 

                                    Ils boivent 

Raoul Wolfoni 

Faut reconnaître, c'est du brutal ! 

(Les larmes aux yeux)

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 Paul Wolfoni 

Vous avez raison, il est curieux hein ? 

 

Mr Fernand 

J'ai connu une Polonaise qu'en prenait au petit déjeuner. Faut quand même admettre que c'est plutôt une boisson d'homme. 

 

Raoul Wolfoni 

Tu sais pas ce qu'il me rappelle ? C't'espèce de drôlerie qu'on buvait dans une petite taule de Bien Ho Har pas tellement loin de Saïgon. Les volets rouges et la taulière, une blonde komac.  Comment qu'elle s'appelait nom de dieu ? 

 

Mr Fernand 

Lulu la Nantaise. 

 

Raoul Wolfoni 

T'as connu ? 

 

Paul Wolfoni 

J'lui trouve un goût de pomme. 

 

Maître Folace 

Y'en a.

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Raoul Wolfoni 

Eh bien c'est devant chez elle que Lucien le Cheval s'est fait dessouder. 

 

Mr Fernand 

Et par qui ? Hein ? 

 

Raoul Wolfoni 

Ben v'la qu’ j'ai pu ma tête. 

 

Mr Fernand 

Par l'fondu de Montréal qui travaillait qu'à la dynamite. 

 

Raoul Wolfoni 

Toute une époque ! 

 

                                  Dans la salle à manger 

Patricia 

Tu boudes ? 

 

Antoine Delafoy 

Bouder moi tu plaisantes. N'empêche que je commence à en avoir assez des amours  clandestines ; s'embrasser par téléphone deux fois par jour, c'est bien mignon, mais j'suis un homme moi tu comprends ? Tout ça à cause de ton oncle. Ecoute, c'est vraiment trop bête, on dirait vraiment que vous avez tous peur de lui. Mais j'vais aller lui parler moi. 

 

Patricia 

Tu vas lui parler de quoi ? 

 

Antoine Delafoy 

Je vais lui parler de notre mariage, de toi, de moi, de nous. 

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 Patricia 

Répète un peu ce que tu viens de dire ! 

 

Antoine Delafoy 

De toi, de moi, 

 

Patricia 

Non, non juste le premier mot. C'était le meilleur. 

 

                               De nouveau dans la cuisine 

Maître Folace 

D'accord, d'accord, je dis pas qu'à la fin de sa vie Jo le Trembleur il avait pas un peu baissé.  Mais n'empêche que pendant les années terribles, sous l'occup', il butait à tout va. Il a quand même décimé toute une division de panzers. 

 

Raoul Wolfoni 

Ah ? Il était dans les chars ? 

 

Maître Folace 

Non, dans la limonade, suis c'qu'on t'dit ! 

 

Raoul Wolfoni 

J'ai plus ma tête ... 

 

Maître Folace 

Il avait son secret le loup 

 

                      Raoul Wolfoni se lève précipitamment

C'est où ? 

 

Jean 

A droite, au fond du couloir.

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Maître Folace 

Et ... Et ... Et ... 50 kilos de patates, un sac de sciure de bois, il te sortait 25 litres de 3 étoiles à l'alambic ; un vrai magicien Jo. Et c'est pour ça que je permets d'intimer l'ordre à certains salisseurs de mémoire qu'ils feraient mieux de fermer leur claque-merde ! 

 

Paul Wolfoni 

Vous avez beau dire, y'a pas seulement que de la pomme, y'a autre chose, ce serait pas des fois de la betterave ? Hein ? 

 

Mr Fernand 

Si, y'en a aussi, 

 

                          Raoul Wolfoni dans la salle à manger 

Raoul Wolfoni 

On vous apprend quoi à l'école mon petit chat ? Les jolies filles en savent toujours trop.  Vous savez comment je l'vois votre avenir ? Vous voulez le savoir ? 

 

Patricia 

Non, non, non ... 

 

Raoul Wolfoni 

Ben j'vais vous dire quand même, j'vois une carrière internationale, des voyages, ouais, l'Egypte par exemple, c'est pas commun ça l'Egypte ? C'qui a d'bien là-bas, c'est qu'l'artiste est toujours gâté. 

 

Antoine Delafoy 

Monsieur désire un renseignement ? 

 

Patricia 

Non, monsieur me proposait une tournée en Egypte. 

 

Antoine Delafoy 

Hein ?

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Raoul Wolfoni 

Non, j'disais l'Egypte comme ça ! J'aurais aussi bien pu dire ......... Le Liban. 

 

Antoine Delafoy 

Je vois, Monsieur dirige sans doute une agence de voyage ? 

 

Patricia 

Mais non voyons chéri, Monsieur fait la traite des blanches, c'est courant, allez, viens ! 

 

                                De retour dans la cuisine 

Mr Fernand 

J'reprendrais bien quelque chose de consistant moi ! 

 

Raoul Wolfoni 

Dis donc, elle est maquée à un jaloux ta nièce ? J'faisais un brin de causette, le genre réservé, tu m'connais, voilà tout d'un coup qu'un petit cave est venu me chercher, les gros mots et tout !  

 

Mr Fernand 

Monsieur Antoine ! 

 

Jean 

Je serais pas étonné qu'on ferme ! 

 

Mr Fernand

et les autres en chœur  DEHORS ! DEHORS ! TOUT LE MONDE DEHORS ! 

 

                     Le lendemain, Maître Folace vient réveiller Mr Fernand. 

Maître Folace 

Oh! Oh ! Réveillez-vous ! 

 

Mr Fernand 

Dis donc, qu'est-ce que vous faîtes là vous ? 

 

Maître Folace 

J'ai le regret de vous faire savoir que Mademoiselle Patricia ne s'est pas rendue à son cours ce matin. 

 

Mr Fernand 

Quoi ? 

 

Maître Folace 

Patricia, n'est pas allée aux cours ce matin ; l'institution vient de téléphoner. 

 

Mr Fernand 

J'vous garantis qu'elle va y aller à son cours. Elle va même y aller tout de suite. 

 

                            Ils se rendent dans la chambre 

Mr Fernand 

Mais enfin, elle est partie, c'est pas possible ? 

 

Maître Folace 

Vous avez connu sa mère ? 

 

Mr Fernand 

Quel est le rapport ? 

 

Maître Folace 

L'hérédité. Cette manie qu'elle avait, la maman, de toujours faire les valises. 

 

Mr Fernand 

Suzanne Beau sourire a été élevé à Bagneux dans la zone ; et à seize ans elle était sujet vedette chez Mme Reine alors j'vous répète, j'vois pas le rapport. 

 

Maître Folace 

On pourrait peut-être prévenir la police ? 

 

Mr Fernand 

Vous voulez que le Mexicain se retourne dans sa tombe. Sa fille recherchée par les perdreaux ; y'a vraiment des fois où vous déconnez ferme ... Jean ? 

 

Jean 

Monsieur ? 

 

Mr Fernand 

Dites donc, euh ... Vous avez vu partir la petite vous ce matin ? 

 

Jean 

Oui, Monsieur, comme d'habitude à huit heures. 

 

Mr Fernand 

Et vous avez rien remarqué ? 

 

Jean 

Si Monsieur, les valises. 

 

Mr Fernand 

Comment, c'est maintenant qu'y m'dit ça : une môme qui s'en va soit disant à l'école avec des valoches et vous, vous trouvez ça naturel ? 

 

Maître Folace 

Go on, go on or he'll break your dirty face 

 

Mr Fernand 

On peut dire que je suis comblé. Merci Messieurs, merci ! 

 

Mr Fernand 

Qu'est-ce que c'est que ça ? 

 

Jean 

C'est le numéro du radio-taxi qu'elle a pris. YES SIR.

 

                               Mr Fernand dans le taxi 

Mr Fernand 

Vous êtes sûr que c'est là ? 

 

Le taxi 

Un peu, j'ai coltiné les bagages à la troisième baraque. 

 

Mr Fernand 

Non mais elle est folle ? 

 

Le taxi 

C'est toujours ce qu'on a tendance à croire chaque fois qu'elles nous font la malle.

 

Mr Fernand 

Attendez-moi, j'en ai pour cinq minutes. 

 

Le taxi 

Ah, j'aimerais mieux que vous appeliez un collègue, si la petite dame me voit, j'aurais le vilain rôle. Six cinquante. Et puis nous, dans le métier, les ruptures, les retrouvailles, toutes les fluctuations de la fesse, on préfère pas s'en mêler. Moi j'ai un collègue comme ça, transporteur de cocu, y s'est retrouvé criblé en plein jour, rue Godeau, par une maladroite. 

 

Mr Fernand 

Oui ben ça va ça va. 

 

Le taxi 

Merci bien Monsieur ... Soyez quand même pas trop dur ... 

 

                                      Mr Fernand entre dans l'appartement d’Antoine

Antoine Delafoy 

Ah nom de Dieu, de nom de Dieu, mais où faut-il s'expatrier mon Dieu pour avoir la paix ?  Au Groënland, à la Terre de feu, j'allais toucher l'anti-accord absolu, vous entendez : ABSOLU. La musique des sphères ... Mais qu'est-ce que j'essaie de vous faire comprendre, homme singe ! 

 

Mr Fernand 

Vous permettez ? 

 

Antoine Delafoy 

Ah non ! 

 

Mr Fernand 

Monsieur Delafoy, lorsque vous aurez terminé avec vos instruments de ménage ...

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Antoine Delafoy 

Oh, vous entendez ça, des instruments de ménage, l'ironie du primate, l'humour Louis Phillipard, le sarcasme Prud’homesque. Monsieur Naudin, vous faites sans doute autorité en matière de Bulldozer, de tracteur et Caterpillar, mais vos opinions sur la musique moderne et sur l'art en général, je vous conseille de ne les utiliser qu'en suppositoires. Voila ! Et encore, pour enfant. J'ajouterai qu'ayant dormi à la porte de chez vous, je comprends mal ... 

 

Mr Fernand 

Où est Patricia ? 

 

Antoine Delafoy 

Je comprends mal disais-je votre présence chez moi ! 

 

Mr Fernand 

OU EST PATRICIA ? 

 

Patricia 

Ici mon Oncle ... Bonjour ! 

 

Mr Fernand 

Mais enfin ... Mais enfin Patricia, qu'est-ce que tu fais là ? Qu'est-ce que ça veut dire tout ça ? 

 

Patricia

Tu vois, je civette, je bainmarise, je ragougnasse. Je donne à Antoine tout apaisement dans l'avenir. Logique non ? Il doit passer sa vie avec moi. 

 

Mr Fernand 

Passer sa vie ? 

 

Patricia 

Naturellement, tu restes déjeuner avec nous ? Chéri ! 

 

Antoine Delafoy 

Oui ? 

 

Patricia 

Tu devrais descendre chez l'Italien, je crois que nous allons manquer de vin.

 

Antoine Delafoy 

Oncle Fernand préfère le Bordeaux ou le Bourgogne ? Hein ? ... ... Ben on prendra les deux.

 

Patricia 

Ça ne va pas, qu'est-ce que tu as ? 

 

Mr Fernand 

Euh ... J'deviens louf', c'est tout ! 

 

Patricia 

Oh, mon civet qui brûle ! Tu peux venir tu sais. 

 

Mr Fernand 

Écoute Patricia ... Qu'est ce qui t'a pris de partir comme ça? Tu nous as fait faire un mauvais sang du diable ! 

 

Patricia 

Qu'est ce qui t'a pris de mettre Antoine à la porte ? 

 

Mr Fernand 

Tu veux mon avis ? 

 

Patricia 

C'est bien pour ça que je te le fais goûter

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Mr Fernand 

Non, mais c'est pas de ça qu'il s'agit, c'est de mon avis sur ton Antoine 

 

Patricia  

MON Antoine, tu ne crois pas si bien dire, il m'épouse. 

 

Mr Fernand 

Patricia, attention, ne nous emballons pas ; d'abord est ce que tu l'aimes, ben ... Est-ce que tu l'aimes assez pour l'épouser ? 

 

Patricia 

Oh, presque trop, c'est du gâchis ; ça méritait une liaison malheureuse, tragique, quelque chose d'Espagnol, même de Russe. Allez, viens donc boire un petit scotch va, ça te fera oublier ceux d'hier. 

 

Mr Fernand 

Hier, j'ai rien bu. Mais alors pas ça ! 

 

Patricia 

Alors, pourquoi tu déambulais toute la nuit ? Tu as même fait couler deux bains. 

 

Mr Fernand 

Les nerfs ! Dis-moi, tu comptes rentrer pas trop tard. Oui, il faudrait pas que la future belle-famille aille s'imaginer que ... Nous menons une vie de bohème quand même. Parce que ton Antoine, il est bien gentil avec ses airs là, mais tu vas voir qu'il va nous faire surgir une famille comme tout le monde. 

 

                                   Au repas 

Antoine Delafoy 

Bref, seul rescapé d'une famille ébranlée par les guerres coloniales, les divorces et les accidents de la route, Papa, Adolphe Amédée Delafoy dit "Le Président", un personnage : il collectionne les pendules et les contraventions, les déceptions sentimentales et les décorations ; il les a toutes sauf la médaille de sauvetage, la plus belle selon lui, mais la plus difficile à décrocher quand on est pas Breton. 

 

Mr Fernand

Un homme curieux, dites-donc ! 

 

Antoine Delafoy 

Un père ... Adolphe Amédée témoigne en matière d'art de perversion assez voisine des vôtres, défenseur de Reynald de Houe... 

 

Mr Fernand 

' Connais pas.

 

Antoine Delafoy 

... Lui, si ! A part ça, ce qu'il est convenu d'appeler un grand honnête homme. Porté sur la morale et les soubrettes, la religion et les jetons de présence ... Vous connaissez sa dernière ? Il vient de se faire bombarder vice-président du Fonds Monétaire International. 

 

Mr Fernand 

Oh ? 

 

Patricia 

A quoi penses-tu ? 

 

Mr Fernand 

Fonds Monétaire, pas bête ça tu sais ! 

 

                   Dans la chambre le lendemain matin, Jean, Maître Folace et Patricia souhaitent  l'anniversaire de Mr Fernand. 

Jean, Maître Folace et Patricia en chœur

Happy birthday to you, happy birthday to you ...happy birthday Fernand ...

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Patricia 

Bon anniversaire, mon Oncle ! 

 

Maître Folace 

Joyeux anniversaire, mon cher. 

 

Jean 

Good health and hapiness, Sir ! Santé et prospérité, Sir ! 

 

Mr Fernand 

C'est vraiment trop gentil.

 

Patricia 

On m'a apporté celui-là tout à l'heure. Expéditeur : Wolfoni frères. 

 

Mr Fernand 

On a beau avoir fait la paix, ça fait quand même quelque chose. Et j'dois dire, le geste est délicat. 

 

Patricia 

C'est sûrement une pendule, écoute ! 

 

                               Mr Fernand prend le paquet et le jette par la fenêtre, une déflagration secoue la pièce. 

 

                               Plus tard, Mr Fernand arrive sur la péniche des Wolfoni, frappe à la porte, Raoul Wolfoni lui ouvre. 

Mr Fernand 

Happy birthday to you, Happy birthday to you, Happy birthday to you, Happy birthday to you ... 

 

              Mr Fernand décoche un coup de poing à Raoul Wolfoni et se retire. 

 

Paul Wolfoni 

Il est parti.

 

Raoul Wolfoni 

Non, mais t'a déjà vu ça ? En pleine paix, il chante et puis PAF, un bourre pif ! Il est complètement fou ce mec. Mais moi, les dingues, je les soigne. J'vais lui faire une ordonnance et une sévère ... J'vais lui montrer qui c'est Raoul. Aux quat' coins d'Paris qu'on va l'retrouver éparpillé par petits bouts, façon Puzzle. Moi, quand on m'en fait trop j'correctionne plus :  j'dynamite, j'disperse, j'ventile.

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                Les Wolfoni arrivent chez le Mexicain.

Paul Wolfoni 

On aurait pas dû venir. 

 

Raoul Wolfoni 

Ta gueule ! 

 

Raoul Wolfoni 

Assure-toi qu'il est bien recouché ! 

 

Raoul Wolfoni 

Alors, y dort le gros con ? Ben y dormira encore mieux quand il aura pris ça dans la gueule !  Il entendra chanter les anges, le gugus de Montauban ; j'vais l'renvoyer tout droit à la maison mère, au terminus des prétentieux... 

 

                                    A l'hôpital, les deux frères sur leur lit 

Raoul Wolfoni 

Fumier va ! 

 

   Mr Fernand lit le journal dans la salle de séjour de la maison du Mexicain 

Mr Fernand 

Enigme dans l'affaire du camion incendié parmi les bouteilles de pastis clandestin transportées par les fraudeurs, certains contenaient de l'essence. Evidemment ça brûle mieux. 

 

Pascal 

Oui, mais Mr Fernand, ce que vous avez fait aux Wolfoni, c'est pas bien ! 

 

Bastien 

C'est surtout, pas juste ! 

 

Mr Fernand 

Elle est bien belle celle-là ! Comment, ils me flinguent à vue, il me butent Henri ... 

 

Pascal 

Justement pas ! 

 

Bastien 

Ah ... Tiens explique, toi ! 

 

 Pascal 

Mr Fernand, si les Wolfoni vous avaient seringué, vous et Henri, qui aurait été aux commandes, hein ? 

 

Bastien 

Moi, première gâchette ! 

 

Mr Fernand 

Et c'était pas toi ! 

 

Mr Fernand 

Dîtes-donc, Théo, l'ami Fritz là, question mentalité, quelle cote vous lui donnez ?

 

Pascal 

Ben, c'est pas blanc bleu. 

 

Mr Fernand 

Ça vous dirait de faire une petite commission pour moi ? 

 

Pascal 

Nous, si les Wolfoni sont plus dans le tourbillon… 

 

Bastien 

Présenté comme ça, la chose peut nous séduire. 

 

Mr Fernand 

Ben alors vous pourriez peut être passer voir Théo à la campagne. Il a sans doute besoin de parler, de causer et à vous qu'il connaît bien, il se confierait peut-être ? 

 

Pascal 

Je vois pas de raisons pour qu'il nous fasse des cachotteries. 

 

Bastien 

J'vois pas non plus ... 

 

Pascal 

Ou alors, ce serait carrément le goût de taquiner ! 

 

                Pascal et Bastien téléphonent de la distillerie 

Pascal 

Alors voilà, Mr Fernand, on est passé à la distillerie. Théo était pas là, on est tombé sur Tomate, curieux non ? 

 

Mr Fernand 

Qu'est ce qu'il faisait là ? 

 

Pascal 

Détendez-vous, Mr Fernand, il nous l'a dit ce qu'il faisait là. 

           (Tomate a été dessoudé dans la distillerie par Bastien et Pascal) 

 

                      Théo et son ami retournent dans la distillerie et trouvent Tomate raide 

Théo 

Pauvre Tomate; je le voyais pas s'en aller si vite. 

 

L'ami de Théo 

Comme ça, on aura pas à le faire, puisque c'est pas lui qu'on devait clôturer. 

 

Théo 

C'est tout ce que t'as trouvé, tu comprends que si Tom Hatt est descendu, c'est que l'autre branque a compris et que ça sera bientôt notre tour. Seulement maintenant, on a le droit pour nous. 

 

L'ami de Théo 

Le droit ? 

 

Théo 

Légitime défense. Avec moi, ça ne pardonne pas. 

 

                                A la maison du Mexicain 

Maître Folace 

Mon cher, nous avons de la visite ! 

 

Mr Fernand 

Comme effet de surprise, c'est réussi ! V'là qu'on s'fait flinguer. 

 

             Mr Fernand s'adressant à Jean qui ouvre un coffre-fort 

J'te demande pas si tu sais les ouvrir ! 

 

Jean tendant un pistolet à Mr Fernand 

Je ne demande pas à Monsieur si Monsieur sait s'en servir ! 

 

                                   Amédée de la Foy arrive en pleine fusillade et se dirige vers la maison, où il sonne à la porte. 

 

Jean 

Monsieur attendait quelqu'un ? 

 

Maître Follas 

D'après Monsieur, serait-ce une feinte de l'ennemi ? 

 

Amédée de la Foy 

Voulez-vous m'annoncer auprès de Mr Fernand Naudin, je vous prie?

(Il est affligé de surdité) 

 

Jean 

D'la part de qui ? ... DE LA PART DE QUI MONSIEUR ? 

 

Amédée Delafoy 

Quoi, qu'est-ce qu'il y a mon ami ? Articulez ! 

 

Jean 

De la part de qui monsieur ? 

 

Amédée Delafoy

De la part du président Delafoy, le père d'Antoine Delafoy. 

 

Jean à Mr Fernand 

Le Président Delafoy ! 

 

Amédée Delafoy 

Puisqu'on ne m'annonce pas, je le fais moi-même : Prrésident Delafoy ... 

 

                               Coup de feu

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Mr Fernand

Moi aussi, je suis ravi de faire votre connaissance... 

 

                               Coup de feu 

 

Amédée Delafoy

Je vois que vous êtes habitué à mener les choses rondement. Ce n'est pas pour me déplaire d'ailleurs, j'aime l'action, l'initiative ; quand j'étais jeune, je jouais au hockey sur gazon ... 

 

                               Coup de feu 

 

Amédée Delafoy (une horloge sonne) 

Mon Dieu, fin XVIIIème, de Ferdinand Bertaud. A moins que ma future belle-fille n'y tienne vraiment, je l'échangerais bien contre autre chose. Oui, pardonnez-moi, j'anticipe. Eh bien, Monsieur, j'ai l'honneur de vous demander la main de votre nièce Patricia pour mon fils Antoine.

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                     Mr Fernand fait signe à Jean 

 

Amédée Delafoy

Ce oui est un cri du cœur, je n'en attendais pas moins. Cette maison est un ravissement, cette verdure, ce calme; Voyez-vous Monsieur, rien ne vaut ces vieilles demeures de famille, ces greniers où nous avons joué enfants. 

 

Amédée Delafoy

Il me semble avoir entendu ... 

 

Mr Fernand 

Oui, c'est le jardinier qui ... tue les taupes ! 

 

Mr Fernand 

Jean ! Voulez-vous lui dire de faire un peu moins de bruit s'il vous plaît ? 

 

Jean 

J'vais essayer de lui faire comprendre Monsieur. 

 

Amédée Delafoy

Dites-moi que c'est un héritage, un cadeau, un objet de famille, mais ne me dites pas que vous l'avez trouvé à Paris, vous me tueriez ! 

 

Mr Fernand 

Quoi ? 

 

Amédée Delafoy

Ça ! 

 

                               Une balle frappe le plafond et fait tomber du plâtre sur le Président

Amédée Delafoy

Ouh ! Mais qu'est-ce que c'est ? 

 

Mr Fernand

Des termites. 

 

Amédée Delafoy 

Hein ? 

 

Mr Fernand 

Des termites, ça bouffe tout les termites ! L'ennui de ces vieilles demeures où nous avons joué enfants. Sales bêtes ! 

 

                      Pascal et Bastien arrivent et sont repérés par Théo et sa bande qui stationnent dans le Jardin

Théo 

Les horribles ! 

 

Son acolyte 

Séparément ils sont déjà pas drôles, j'suis pas pressé de connaître leur numéro de siamois. 

 

Théo 

Il faut bien admettre qu'exceptionnellement, Dieu n'est pas avec nous ! Mais il ne sera pas dit que nous ayons sorti le matériel pour rien ... 

 

Les Wolfoni sortent de l'hôpital, Théo et sa bande passent en trombe devant eux et les mitraillent. 

 

Théo 

Je ne dis pas que c'est pas injuste, je t'ai dit que ça soulage ! 

 

                            Chez le Tailleur 

Le tailleur 

Parfait, absolument parfait, et pourtant, une jaquette c'est difficile à porter ! Et Monsieur la porte à ravir ; Monsieur a une morphologie de diplomate.

 

Mr Fernand 

Très bien, très bien, soyez assez gentil de m'envoyer votre facture le plus vite possible, parce que moi, je repars en Province après demain, hein ? 

 

                           Chez le photographe 

Le photographe 

Ne bougeons plus ! 

 

Patricia 

Mon oncle, c'est merveilleux, je n'aurais jamais pensé qu'on avait autant d'amis. 

 

Mr Fernand 

Nous en avons encore beaucoup plus que tu ne le penses ! 

 

Antoine Delafoy 

Vous avez l'air exceptionnellement détendu, Oncle Fernand, heureux de vivre ! 

 

Mr Fernand 

Ah oui, ça, vous pouvez le dire. Maintenant que ma mission de tuteur est terminée, et croyez moi ... Et quant aux diverses affaires constituant la dot de notre petite Patricia ; votre père a accepté de les prendre en charge. Elles sont sans doute un petit peu particulières mais enfin, avec un vice-président du fonds monétaire à leur tête, ben moi je pense que tout ira bien ! 

 

Antoine Delafoy 

Oui, surtout avec Papa, il ne comprend rien au passé, rien au présent, rien à l'avenir, enfin, rien à la France, rien à l'Europe enfin rien à rien ; mais il comprendrait l'incompréhensible dès qu'il s'agit d'argent. 

 

Mr Fernand 

C'est pas du toc au moins ? 

 

Jean 

Mr Fernand, du vieux Paris. 

 

Pascal 

Mr Fernand, Mr FERNAND 

 

Pascal 

Y'a du nouveau : Théo est réapparu, il est à la distillerie avec tout son petit monde. 

 

Mr Fernand 

Quoi ? 

 

Pascal 

Ils démontent le matériel ; on dirait qu'ils vont se faire la malle. 

 

Mr Fernand 

Et t'es là ? Jean ? 

 

Pascal 

Mais Bastien monte la garde. On aurait pu les flinguer sans douleur, mais on a pensé que Théo vous revenait de droit. On a déjà vu des patrons se vexer. 

 

Mr Fernand 

Jean ! Dites à mademoiselle que j'ai une course urgente à faire et que je les rejoins quand j'ai fini hein, voilà ! 

 

Jean 

Pour ce genre de courses, je conseille à Monsieur, si Monsieur me permet, de ne pas partir la musette vide.

 

Pascal 

Oh dis donc, tu m'a déjà vu pas emporter ce qu'il faut, où il faut et quand il faut ? 

 

Jean 

Oh excusez-moi, Mr Pascal, mais des jours comme aujourd'hui, on a plus sa tête 

 

Mr Fernand 

Allez vite ! 

 

                            Pascal et Mr Fernand arrivent à la distillerie, ils rejoignent Bastien 

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Bastien 

Ils sont là, j'en ai déjà repéré trois ! Y'en a peut-être d'autres ? 

 

Pascal 

Qu'est-ce qu'on fait ? on attend qu'ils sortent ? On fait un fermé ou un rabat ? 

 

Mr Fernand 

J'ai pas le temps d'attendre moi, j'ai une cérémonie à dix heures ! Bon ! 

 

Bastien 

Ils arrivent 

 

Pascal observant l'arme de Bastien 

Qu'est-ce que je vois là ? 

 

Bastien 

J'l'avais en cas qu'il aurait fallu tirer en rafale, des fois qu'ils seraient tous sortis d'un coup,  TATATATATA ......Hop ! 

 

Pascal 

C'est marrant que t'aies gardé ce côté maquisard, t'es pas en âge d'arrêter tes momeries ? 

 

Mr Fernand 

Bon, c'est fini oui ? Puisque je vous dis que je suis pressé ! 

 

                                La fusillade éclate, Théo parvient à s'échapper. Mr Fernand, Pascal et Bastien se rejoignent à leur voiture. 

 

Pascal (observant la chemise déchirée de Mr Fernand). 

Patron ? 

 

Mr Fernand 

Oh ! Merde ! 

 

                       Tout le monde se retrouve à l'église. 

                       La cantatrice chante, une explosion vient secouer l'église, Bastien et Pascal rentrent dans l'Eglise... 

 

Notre-film-culte-du-dimanche-soir-Les-Tontons-flingueurs-de-Georges-Lautner

 

Fin

 

JCP 01 2018

25 septembre 2019

More (Film de Barbet Schroeder)

 

 

More* ou : Chemins obliques

 

Par l’éclat de lumière qui partout se répand,

Il n’est plus en tous lieux que milliers d’éclairs blancs.

- Faudra-t-il vivre aveugle ou coudre ses paupières ?

- Où se cache la mort, est-ce la fin des temps ?

 

Un bouillonnement sourd partout se fait entendre,

l’horizon s’est courbé en arc tendu à rompre,

et les ombres les plus sombres

s’éclairent de lents éclairs violets.

 

Mais la crainte se retire

sous un déferlement de beautés indicibles.

Et, les yeux débordants d’étoiles,

on court à pleine haleine

aux flaques spiralées

d’un arc-en-ciel déliquescent

qui se répand sur les rochers,

dégoutte en larmes irisées,

coule dans la mer,

et s’y fond en fumées rousses.

 

Le silence se fait sur ce prodige,

à peine troublé d’un sifflement très doux

rythmé des battements plus lents

d’un cœur qui s’apaise.

 

Accrochées au ciel,

des ailes de géant

ferment soudainement

l’accès à la mer :

il faut combattre.

 

Et le guerrier,

blessé mais victorieux,

reçoit dans l’herbe douce le baiser sans fin,

celui que la Femme-serpent

doit au héros de légende.

 

Sur la roche brûlante de soleil,

c’est dans ce plat de terre

que tout un monde fascinant,

sans cesse à la poursuite de son ombre,

trouve la lumière et la décompose

aux rapides éclats du vif-argent.

 

Creuset unique où se fond toute perception,

le monde neuf qui vient de naître

se ramifie sans cesse,

et fait corps avec un mental

qui se réjouit de ces beautés uniques :

il faut vivre cette vie sans limites.

 

Sur la colline embaumée de fleurs,

offertes toutes au soleil qui se lève,

l’éternelle syllabe d’un Orient de mystère

se répand sur la mer, qui brasse ses diamants

sous un ciel aux couleurs prodigieuses :

- Ooommm…

- Ooommm…

Quitter cet univers se verrait déchirement -

et la mort vaudrait mieux !

 

Mais l’irréel comme le rêve

ne sont que fleurs fragiles,

y graviter confiant pèse à la vie future…

 

Toujours un présent neuf

vient détrôner l’ancien :

les sons, les couleurs et les sensations

au vent de cette fête n’étaient que rêverie,

et ce souffle si doux s’apaise tristement.

 

Tout s’écroule.

Le temps reprend ses jouets.

Tout disparaît.

Morne et banale, la vie aux saveurs fades reparaît.

- Sans rémission ?

- Le vécu, le connu ne peuvent-ils se revivre ?

 

L’irrésistible désir d’un nouveau périple

fait alors son chemin,

germe dans le terreau fertile d’un corps déjà soumis,

que l’esprit entraîne puissamment…

 

Trop puissamment.

 

Jusqu’au bout.

Jusqu’à la fin.

Jusqu’au grand silence de la fin.

 

La fin.

 

 

Images en diaporama du film de Barbet Schroeder

 

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* « More », de l’anglais « plus, davantage, toujours plus loin », film de Barbet Shroeder (1969), où le personnage principal, entraîné par la passion amoureuse, connaît la descente aux enfers de la drogue jusqu’à la mort. Musique : Pink Floyd.

24 septembre 2019

Le ruban de Möbius

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La poésie se loge ici dans la non-perception de la forme, là où la raison s'égare...

 

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Le ruban de Möbius (August Ferdinand Möbius, 1790-1868), présente des particularités géométriques étonnantes, voire stupéfiantes selon le degré émotif de qui s’y intéresse - le rencontrant pour la première fois.

 

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Réaliser soi-même l'expérience :

(Rien n'est montré de ce qui s'obtient : place à la découverte personnelle.)

 

Accessoires nécessaires :

- Papier (A4 par exemple)

- Ciseaux

- Bande adhésive type scotch

- Stylo feutre ou crayon

 

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Premier exercice :

1 - Découpez un ruban ABCD selon croquis.

2 - Assemblez-le (scotch) selon un anneau vrillé, A coïncidant avec C et D avec B.

3 - Découpez-le suivant la ligne médiane (ciseaux).

4 - Que constatez-vous ?

 

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Second exercice :

5 - Réitérez l’opération sur le ruban déjà découpé (découpez-le à nouveau suivant la ligne médiane).

6 - Que constatez-vous ?

 

Troisième exercice :

7 - Confectionnez un autre ruban identique au premier et assemblez-le de la même façon.

8 - Au lieu de le découper suivant la ligne médiane, découpez-le en suivant une ligne tracée au tiers du bord.

9 - Que constatez-vous ?

- Étonnant, non ? Pourquoi obtient-on un résultat tout différent de celui de l'exercice 1 ?...

 

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Remarques :

1 - Le ruban de Möbius n’a qu’une face et ne possède qu’un seul côté :

Pour vous en convaincre, passez un feutre tout au long de son bord... qui n'en finit pas ;

et suivez ensuite la face unique avec le même feutre (ou avec le doigt).

 

2 - Ci-dessous :

- Le ruban de Möbius (en vert) a été choisi comme symbole du recyclage (continuité).

- Quelques réalisations artistiques autour du célèbre ruban.

 

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En savoir plus :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ruban_de_M%C3%B6bius

 

Jyssépé

24 septembre 2019

Citation : Nahman De Braslaw

 

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« Ne demande jamais ton chemin à quelqu’un qui le connaît,

car tu ne pourrais pas t’égarer ! »

 

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24 septembre 2019

Terreurs félines (1043)

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                                                                                                                          Pimpano "lou cat" au lever du jour

 

Terreurs félines                          

 

Sur la bordure hésitante de la nuit

qu’une défaite sans combat destitue,

renaît dans ses cris rauques

ce même monde inapproché.

 

Veille inquiète au jour levé

dans l’attente des prodigalités d’une eau chagrine,

la longue bordure de porcelaine

où s’efface la souillure du temps

demeure toujours muette.

 

L’espoir quotidien en appelle à toute clarté

mais le jour, venu masquer l’ignorance à flots de lumière,

inexorable, convoque à la vie des jours lassés

les tourments de l’inexpliqué.

 

La raison qui s’émeut ne peut décroître encore,

ce front à la pensée obscure

n’a pas mesure humaine,

et rien ne sera su des terreurs du chat

                 Devant son reflet dans l’eau.

 

 

08-09 2019

JCP

18 septembre 2019

Citation : Henri Michaux

 

Henri Michaux, né à Namur le 24 mai 1899 et mort à Paris le 19 octobre 1984, est un écrivain, poète et peintre d'origine belge d'expression française naturalisé français en 1955.

(Et accessoirement un des poètes les plus lus par l'auteur de ce blog)

 

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« La poésie est un cadeau de la nature, une grâce, pas un travail. La seule ambition de faire un poème suffit à le tuer. »

Henri Michaux

 

16 septembre 2019

L'étrange destin de la planète Exomar

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 Jean-Claude Paillous

 

L’étrange destin de la planète Exomar

 

 DROITS RÉSERVÉS

 ◄►

 

1  - Atterrissage

 

                                   C’est dans une nuée de poussière que l’astronef se posait sur la vaste plateforme, dont la tour de contrôle n’avait enregistré de trafic depuis des mois. L’approche requit plus de temps qu’à l’ordinaire, les cinq cylindres du train d’atterrissage marquant, dans des sifflements brefs, plusieurs ajustements saccadés : le pilote automatique de l’appareil paraissait hésiter.

Le vaisseau qui se posait sur l’astroport de la ville de Norcyca (planète Exomar) provenait d’Antorhaï, planète d’orbite immédiatement extérieure à celle d'Exomar, elle-même troisième par la taille du système héliocentrique Urdis de la galaxie RGS 9056. Exomar avait été atteinte en 7.398, et colonisée peu après pour ses ressources en métaux précieux et terres rares, utiles à l’hypertronique et à la construction spatiale. La ville de Norcyca, plaque tournante du trafic avec les provinces d’Exomar comme avec les autres planètes du Système Urdis, dans une dynamique de ruée vers les matières premières, s’était développée en ville champignon, et comptait aujourd’hui plus de 600.000 résidents.

Pour des difficultés que l’on tenait confidentielles sur Exomar, l’équipe de scientifiques venue d’Antorhaï, et qui descendait la passerelle en ce moment, était venue en renfort à ses homologues Exomariens. Antorhaï, première planète colonisée du Système Urdis, possédait les ressources humaines et les universités les plus réputées parmi les planètes habitées du Système. Faire appel au savoir-faire et à la connaissance de pointe revenait, immanquablement, à solliciter Antorhaï et, même si des noyaux de chercheurs et de concepteurs de plus en plus qualifiés s’étaient, au fil du temps, constitués sur d’autres planètes, Antorhaï demeurait le cerveau du système héliocentrique Urdis.

Les scientifiques se dirigèrent vers le sas grand ouvert qui les attendait en bout de plateforme, et la double porte métallique se referma sur eux dans un claquement sourd. On remit à chacun un appareil respiratoire individuel capable d’enrichir l’air respiré en oxygène, dont la teneur était ici de 21% inférieure au seuil humain requis. Cet appareil, dont on pouvait se passer sans gêne respiratoire notable au repos, ou lors du sommeil, devenait par contre indispensable dans l’effort physique ou lors d’une marche soutenue. La faune qui peuplait Exomar bien avant l’homme était adaptée à cette déficience, mais il était vivement déconseillé d’y amener ses propres animaux de compagnie.

Les deux femmes et les trois hommes furent accueillis par le chef de station, John Escart, et le scientifique Paul Courtis, accompagné de son aide Tania Kristov dans le hall qui jouxtait le sas, où déjà deux opérateurs décontaminaient matériel et bagages déposés par les arrivants.

Présentations et salutations d’usage s’achevèrent sur une banalité courtoise :

- Avez-vous fait bon voyage ? fit John Escart.

- C’eût été parfait répondit Laura - sans cette ceinture de Rydhas, qui nous a passablement malmenés. Mais vous connaissez l’obstacle, où tant de vaisseaux de première génération disparurent ; pourtant voyez, nous avons survécu ! fit-elle dans un rire aérien, mains tournées vers sa poitrine, geste qui eut le don d’éclairer le visage de son interlocuteur d’un sourire prolongé - sourire où l’on pouvait même lire plus.

- Dans ce cas, nous allons vous montrer vos quartiers où vous pourrez vous détendre jusqu’à la réunion de tierce-journée, et où nous vous ferons porter vos repas. Vous connaissez la durée de nos jours, tellement plus longs que les vôtres. Aussi avons-nous pensé que vous aimeriez passer vos premières journées entre repos et tourisme, pour mieux vous adapter à notre rythme de vie.

- Nous apprécions cette attention, répondit Édouard Lantani, premier pilote, je suis moi-même rompu de fatigue après ce long périple.

- Tania va vous conduire et s’occuper de votre confort.

Celle-ci les entraîna vers un des couloirs qui desservaient le vaste hall d’accueil.

 

 

2  - Réunion de travail

                                 Outre John Escart et Paul Courtis, deux autres personnes  attendaient les scientifiques antorhiens dans la salle où Tania les fit entrer. Les larges baies vitrées de la pièce au sol couvert de moquette claire dominaient le quartier le plus désolé de la métropole, désormais abandonné. Certains immeubles étaient partiellement affaissés, d’autres, murs éventrés, montraient une armature oxydée et tordue, et l’on aurait pu croire aux effets d’un tremblement de terre - désolation qui contrastait avec un ciel bleu et sans nuages. Les Antorhiens s’étaient approchés des vitres et observaient, interrogatifs, le quartier sinistré. Contre le flanc de la colline qui bordait la ville à l’ouest, dépassant d’un interminable alignement de bâtiments aux murs grisâtres, on apercevait les hautes tours de transformation faites de treillis métallique, où des émanations de vapeurs montraient des usines en activité. Dans le lointain, comme jaillie d’un mirage, brillait aux lueurs de l’étoile solaire Elistar déjà basse l’étendue vaste de la mer. Et plus au sud, au pied des hautes roches brunes qui bordaient la côte, on distinguait la station balnéaire de Sorhidor, destination estivale très prisée des Exomariens. Constatant que les regards retournaient au quartier sinistré, anticipant les questions, John Escart fit :

- Le voici notre problème : des mouvements de sol récurrents minent nos constructions les plus fragiles. Pour éviter tout mouvement de panique, nous avons prétexté jusqu’ici un effondrement des galeries d’exploitation désaffectées qui, en effet, sillonnent le sous-sol de ce quartier, le plus ancien de la ville. Mais aujourd’hui ces raisons ne suffisent plus : bien qu’au premier stade encore, d’autres cités présentent des symptômes identiques. Mais nous en parlerons mieux assis, fit-il montrant la table. Celle-ci, ovale et de bois clair, était chargée de documents épars, et l’on avait servi des boissons.

Tous assis, John poursuivit :

- Ces mouvements du sol sont très lents, mais vous avez pu juger de leurs effets, comme ici, approximativement sur une décennie. La piste où vous avez atterri se déforme de même. Le défaut de planéité, encore peu sensible, n’a pas échappé à votre pilote automatique, qui l’a signalé à notre tour de contrôle, et je vous présente nos excuses pour le désagrément.

- A peine perceptible, rétorqua Édouard Lantani, beaucoup d’entre nous ne l’auront même pas remarqué je pense.

Le murmure qui s’éleva du tour de table confirmait la présomption du pilote.

- Il nous est impossible d’engager des travaux pour ces fluctuations incessantes, les chantiers seraient permanents. Nous parons au plus pressé, ajouta John Escart.

- Nous voici donc dans le vif du sujet, fit Ed Richardson, chef de la délégation scientifique antorhienne, homme mince et de grande taille à la chevelure grise assez peu soignée.  Nous sommes prêts, poursuivit-il, à effectuer des relevés topographiques à grande échelle durant une année exomarienne sur l’ensemble de la planète ; le matériel attend dans les soutes. Et sont réservés, conformément à votre demande, les créneaux horaires d’accès à notre télescope du mont Gorhis, où l’on est prêt à programmer les observations complémentaires à distance.

- Quand pouvez-vous commencer ? fit John.

- Sous quelques jours, à peine.

- Parfait, vous pourrez disposer d’un vaisseau léger, et d’un pilote rompu aux approches délicates.

Les questions de local d’entrepôt, de bureaux d’opérations et de personnel d’assistance étant réglées, la réunion s’étirait, chacune, chacun y allait de son hypothèse quant aux mouvements du sol, et les arguments devenaient fantaisistes. Ce fut Ed Richardson qui, voyant que l’on s’égarait, coupa court :

- Eh bien, je crois qu’il est inutile de pousser plus loin, nous nous mettrons au travail après cette visite aérienne de la planète, que j’ai hâte de voir, si nous devons toujours l’effectuer demain, John ?

- Certainement, rendez-vous demain à sept heures, salle d’embarquement 3A. Vos grandes vacances sur Exomar commencent !

Malgré la gravité du sujet discuté, on se quitta dans la bonne humeur.

 

 

3  - En visite

                                Les scientifiques venus d’Antorhaï virent Exomar, et furent conquis. Rivières, torrents, lacs, forêts, océans et montagnes, offraient sur les trois continents toute variété de paysage à la contemplation. L’univers exomarien comptait un vaste désert de sable blanc aux éperons rocheux qui, tels de longs dos écailleux de dinosaures enfouis, couronnaient les dunes en un réseau de reliefs rougeâtres à la beauté envoûtante. Une chaîne de hauts volcans éteints, envahis d’une végétation luxuriante, bordait vers l’équateur l’océan des tempêtes, ainsi nommé aux premières heures de la colonisation, océan qui s’était avéré par la suite plutôt paisible. Les pôles cependant, aux rigueurs glaciaires, présentaient un enchevêtrement de pics noirâtres élevés, ceinturés de glaciers dont la surface, étrangement granuleuse vue depuis le vaisseau, résultait des orages de glace qui la pilonnaient régulièrement. Difficilement prévisible, ce dangereux bombardement s’opposait à l’exploration des pôles, délaissés à la suite de tentatives dramatiques.

- Ces pôles sont le côté obscur de notre planète, fit John Escart dans un rire jovial, qu’il interrompit soudainement pour tendre la main vers les hublots :

- Regardez !

Il fit remarquer la rare position des deux lunes jumelles qu’on aurait cru s’allant percuter, bien que d’orbites distantes. Lentement, l’une éclipsa l’autre, alors que la troisième émergeait au sud, énorme dans le ciel, et rougie sous la lumière faiblissante du couchant, qui éclairait des visages fascinés à travers les hublots. En silence, ils contemplèrent longuement le spectacle grandiose.

- Unique dans tout le Système Urdis souligna John, avec une certaine fierté. Jugeant à la fois de l’heure tardive et de l’étirement horaire qui se lisait sur les visages, celui-ci conclut :

- Je crois que nous vous avons montré l’essentiel des beautés de notre monde depuis le ciel, mais vous aurez l’occasion de visiter nos sites touristiques majeurs depuis le sol, au cours de votre long séjour.

 

 

4  Étude scientifique

                                  L’équipe antorhienne se mit au travail dès le surlendemain. Le vaisseau mis à disposition leur permit de sillonner la planète selon un programme préétabli, y posant une myriade de balises émettrices qui diffusaient leurs trois dimensions spatiales, ajoutées à l’indispensable quatrième : la mesure du temps tel qu’il s’écoulait sur Exomar. Un supracomputer centralisant les mesures affichait chiffres et graphiques en consultation permanente. Ils contactèrent les opérateurs du télescope du mont Gorhis, sollicitant images et mesures à période fixe, accessibles sur une fréquence sécurisée.

Une année exomarienne leur suffit pour constater l’irréfutable : Exomar était sujette à une déformation constante. Ses pôles se rapprochaient l’un de l’autre, et la matière s’étirait au niveau de l’équateur comme qui écrase entre ses doigts une boulette de mie de pain. Le cercle équatorial, non seulement grandissait, mais se muait en ellipse. Ceci à une vitesse effarante à l’échelle cosmique, propre à envisager une évacuation de la planète au terme de quelques siècles à peine. Ils notèrent de plus un raccourcissement du jour exomarien, peu significatif les premiers mois, mais dont la diminution croissante confirma leurs craintes : sous une force centrifuge titanesque, la transformation paraissait bien provenir d’un emballement de la vitesse de rotation de la planète.

Tous furent affligés qu’un tel épilogue soit possible pour Exomar - où il faisait si bon vivre. Et, difficile soit-il de l’annoncer, il fallut le faire auprès des populations - qui avaient déjà d’elles-mêmes pressenti le mal, mais n’y voyaient pas telle ampleur.

 

5 - Loi cosmique

                                             Inexorable, la transformation de la planète se poursuivit, et il fallut neuf siècles à Exomar pour se figer dans la forme qu’on lui connaît aujourd’hui, en 8.856 : une sorte de galette de forme elliptique, dont la longueur atteint 29.000 kilomètres et la largeur 18.000, pour une épaisseur inégale de 7 à 12 milliers de kilomètres. Des reliefs avaient subsisté, certains renversés ou étirés ; d’autres au contraire, compressés par les masses en mouvement, s’étaient élevés en aiguilles vertigineuses. Enfin, libérées par les pressions formidables, des coulures de lave s’étaient répandues en vastes cordons de soudure paraissant unir à jamais, refroidies, plaques tectoniques et reliefs.

Inconnue de l’homme, une catastrophe naturelle de cette ampleur occasionna d’importantes pertes humaines. Malgré une vaste campagne d’information apte à presser l’évacuation, qui se fit vers Antorhaï, nombre d’incrédules demeurèrent sur Exomar et y périrent. D’autres ne purent être informés à temps et d’autres encore, venus trouver sur Exomar une vie proche de la nature en contempteurs du progrès, n’eurent pas davantage connaissance de la menace, malgré des secousses telluriques pourtant annonciatrices.

Océans, lacs, fleuves et torrents, quelque temps mêlés dans le bouleversement, avaient fini par trouver leur nouveau lit, et le calme était revenu sur la planète plate, dont les journées s’étaient désormais stabilisées à 19 heures GMU, en lieu des 42 précédentes. Les variations de température y étaient plus modestes, les régions polaires, dont les glaces avaient fondu à la rencontre des laves libérées et grandi les mers, s’étant réduites lentement. L’année se chiffrait à 697 jours.

L’humain disparu (on disait que certains, ayant refusé de partir, auraient survécu, fait peu probable en ce chaos meurtrier vite privé de nourriture…), d’autres espèces, insectes, oiseaux et petits mammifères en majorité, purent s’adapter. Et le végétal, par la graine ensevelie ou portée par les flots, reparut dans sa splendeur première, d’autant que non exploité - autrement que par les animaux pour leur seule survie.

Mais l’homme, ce curieux, ce découvreur insatiable et cupide, ne laissa pas longtemps Exomar à sa paix tranquille, et l’on vit bientôt des quantités croissantes de colons s’y installer à nouveau, d’autant que l’atmosphère y étant devenue directement respirable, on se passait du suroxygèneur. Cet argument, ajouté à un sol fertile et un climat favorable, fut décisif pour le repeuplement.

Ainsi, tout semblait retourner à la normale sur Exomar, et on aurait pu lui prédire un avenir radieux - pour une planète de morphologie plate (on s’accorda sur le néologisme « slimimorphe »). Car il n’y avait d’autre cas dans l’univers connu de planète de ce type. Cette caractéristique, que les astrophysiciens de tout temps virent impossible, voire hérétique à leur doctrine, couvrait leur front du rouge de la honte et certains, par leur ego blessé, prédisaient à peine quelques siècles de vie à ce « biscuit mal cuit », dont ils déconseillaient vivement qu’on allât s’y établir. Contrairement à ses collègues scientifiques, Hubert Lesélène, de l’université Beckeroise d’Antorhaï, affirmait avoir eu vent de tel slimimorphisme, en vigueur autrefois sur certaine planète, mais il ne fut pas écouté. L’heure était à l’effondrement des intelligences, et le « Principe d’Incertitude » de la vieille école de Copenhague, triste manifestation du non-savoir des premiers temps de la science, fut exhumé et enseigné.

Ainsi discréditée, la communauté scientifique demeurait abattue.

On vit des suicides.

Mais cet état d’incertitude ne ralentissait pas - tels ceux qui emménagent à flanc de volcan -, le flot grandissant des colons. Tout au contraire, l’attrait de la nouveauté était le plus puissant des facteurs poussant le touriste curieux à venir en visite, et peu après à s’installer sur Exomar, première planète slimimorphe de la création en cours.

 

 

 

 6 - Destinée

                                        Cependant, à quelques dizaines d’années-lumière à peine de là, assis les pieds ballants au bord d’un large trou noir dont il avait aménagé la bordure en siège confortable, une sorte d’humanoïde très âgé, la peau fossilisée par des millénaires d’exposition aux rigueurs du cosmos, longue barbe et cheveux blancs emmêlés débordant sur une robe immaculée ceinte d’une corde de fibre dorée, n’avait rien perdu de l’étrange transformation d’Exomar. Excepté qu’il l’avait vue, lui, assujetti à son propre espace-temps, évoluer en un claquement de doigts. Quelque peu désabusé par cet Univers ennuyeux où plus rien de notable n’advenait, la planète aplatie avait réveillé l’attention du vieillard, lui qui affectait un demi-sommeil de chat depuis si longtemps. Cela évoquait en lui, fugitivement, certains souvenirs de jeunesse profondément enfouis en sa mémoire sommeilleuse. Mais tout demeurait vague en son esprit, d’où rien de précis ne parvenait à émerger.

- Jésus, viens voir, fit-il à son fils qui s’occupait, pour tuer le temps, à pétanquer des astéroïdes, et dont la fougue impatiente s’étiolait dans l’inaction.

- Oui, Père.

- Vois-tu cette curieuse planète plate, tout à l’orient-boréal de la DPU 8534 ? (il s’agissait bien de la galaxie RGS 9056, que père et fils nommaient ainsi, selon leur propre catalogue), on la dirait peuplée fit-il, la désignant de son index noueux.

- En effet, Père, comme c’est étrange ! Enfin du neuf à contempler, que dis-je : du jamais vu…

- Si, … si… je crois bien que ça me rappelle quelque chose… ça va me revenir, il y a si longtemps…

- Eh bien, poursuivit le Père, descends donc un peu sur cette planète, interroge les gens, discrètement bien entendu, et vois si l’on ne pourrait pas y implanter quelque religion nouvelle, comme au bon vieux temps, te souviens-tu ? Je ne sais pourquoi, mais cette platitude m’inspire et je vais, à tout hasard, leur préparer une de ces doctrines dont tu me diras des nouvelles…

- Ah, oui, Père, c’est une excellente idée répondit Jésus… mais en douceur s’il te plaît : de vieilles douleurs s’éveillent encore en mes extrémités, surtout par les nuits d’orage cosmique.

- Sois rassuré, ton vieux père s’est assagi, tu n’auras pas à te plaindre de moi. Mais ne tarde pas, d’autres convoitent peut-être la même matière première encore vierge…

Alors Jésus, heureux de reprendre du service, étendit les bras et, d’une gracieuse flexion-extension, plongea sans plus attendre, les mains jointes, dans le vide sidéral.

- Hé, attends ! Trop tard, il ne m’entend déjà plus…

 

Il aurait voulu lui dire qu’il ne pourrait plus compter sur les émissaires ailés. Ceux-ci en effet, exaspérés par les brûlantes pénétrations atmosphériques, et dont même la plume titane n’avait amélioré le sort, refusant désormais toute mission, s’étaient retirés sur les îles côtières d’une très vieille planète… Et voilà… dont il avait aussi perdu le nom !… ; incarnés tous en grands oiseaux blancs qui passaient leur temps à plonger dans les eaux tête première comme des fous - voyez comme on devient ; mon Dieu !

Jésus s’en passerait, voilà tout ; et d’ailleurs, reconnaissant ses erreurs passées, il allait concevoir une religion tout à fait aimable et douce, poser les bases d’un concept innovant de vie heureuse en planète, et lever certains interdits - concurrence oblige !

Le Fils ne fut bientôt qu’un tout petit point aux confins de l’espace, et le Père se remit en position d’observation au bord du trou noir. Peu sensible au formidable pouvoir d’attraction de ces objets du ciel profond - légère brise pour lui -, il aimait à contempler le flot, hétéroclite et incessant, de tout ce qui pouvait s’engouffrer dans la gueule grande ouverte de ces véritables éboueurs du cosmos. Et rien n’égalait, comme en ce moment précis, le spectacle d’une géante rouge qui disparaissait, étirée en lourdes larmes de feu, illuminant un moment le gosier vorace dans ce feulement sourd qui parvenait encore à l’effrayer. Venus comme un énorme étirement de guimauve, les longs filaments d’une naine blanche en fusion encore lointaine, et dont la forte densité opposait résistance, furent aspirés, entraînant avec eux le globe laiteux, en méduse échouée sur la grève, et que le ressac étire. Dans des vapeurs irisées, le chuintement lourd de la succion gargantuesque lui offrit quelques frissons. Le flot d’une ceinture d’astéroïdes, avalée en chapelet de petits pois dans un chant de crécelle, le divertit un moment, puis il revint à son état semi-méditatif habituel, en syntonisation large sur la mélodie envoûtante des ondes cosmiques, dont il savait apprécier les litanies, rythmant leur cadence lente du bout du pied.

L’univers, qu’il ne se lassait pas de contempler, provoquait toujours en lui le même questionnement :

- Quel Créateur fou a bien pu réaliser tout cela…

Il fut alors traversé d’une pensée tendre pour son fils dont l’image de la mère, sa propre épouse pourtant, sans doute logée dans la même région mémorielle que l’intrigante planète d’autrefois, ne lui revenait pas non plus.

- Ainsi vont les mystères célestes, se dit-il résolu. Pourtant, par les nuits glaciales des hivers cosmiques, il avait parfois souhaité la présence de la femme - à laquelle les simples mortels vouaient tant de passion.

D’un effort de mémoire qui lui coûta, il put revoir les premiers succès religieux de son fils sur cette très vieille planète… tiens, liée à une idée de platitude aussi… oui, celle des Anges contestataires, c’est bien ça ! Les portes de sa mémoire consentaient enfin à s’entrouvrir, et une oreille exercée aurait pu entendre gémir leurs gonds rouillés.

Le vieillard s’écria : - La Terre, bien sûr, c’était la Terre !

Une planète bien mal habitée, en effet déclarée plate autrefois par quelques résidents à robe écarlate, aujourd’hui petite boule gris-lune et déserte, d’où s’élevaient encore quelques fumeroles.

Les imbéciles !

Imitant la force brutale de leur soleil et l’emprisonnant dans des tubes, ils étaient parvenus à s’entretuer. Jusqu’au dernier !

Plus besoin de religion dans ce triste coin de l’univers.

« Aimez-vous les uns les autres »… Jésus, qui jadis leur porta cette bonne parole, en était demeuré traumatisé trois millénaires, et s’était peu à peu désintéressé de la religion. Lui aussi devait avoir oublié la Terre dont, tacitement, on ne parlait plus.

Que de souvenirs… et tout ce temps… tout ce temps qui s’écoulait si vite sans qu’on pût le retenir ! Combien de systèmes, combien d’étoiles, de planètes, de galaxies entières avait-il vu s’écrouler, s’éteindre en nébulosités dans des explosions aux fulgurances prodigieuses, dans des fusions de couleurs jamais vues, et combien d’autres, plus discrètement, s’étaient formées et se formaient encore, en ce moment même, étincelles lointaines...

Mais Jésus, malgré son visage encore frais, ses impatiences, sa démarche féline, n’était plus très jeune lui aussi : saurait-il encore prêcher, saurait-il convaincre ? Cependant, on ne l’apercevait déjà plus. N’aurait-il rien perdu de sa célérité, jadis plus prompte que la pensée ? Peut-être avait-il déjà pris pied sur la planète plate, peut-être même en ce moment réunissait-il les foules…

- S’il subsistait encore chez l’homme quelque demande religieuse…

 

Et le vieil homme laissa échapper, dans un souffle las :

- On sait jamais…

 
 
 

 FIN

 
 

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Note de l’auteur

L’écriture de ces lignes n’a pu se faire sans une pensée émue pour les pionniers de l’astrophysique, dont certains périrent dans les flammes de l’Inquisition pour simple curiosité scientifique. En ces temps-là, où l’obscurantisme religieux tenait lieu de science, le texte ci-dessus n’aurait pas manqué d’avoir un effet semblable.

A tout humain combustible :

Au nom de la liberté, tolérons, acceptons les religions, mais au nom de la même liberté soyons vigilants.

 

 Place du Salin, Toulouse, lieu d’autodafé jusqu’au 17ème siècle.

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 Jouxtent la place : l’église réformée du Salin, l’Institut Catholique de Toulouse, le Palais de Justice de Toulouse.

On notera au passage que le dernier autodafé eut lieu en 1619 : triste quadricentenaire.

 

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 JCP 01-05/2018 revu 04 et 09/2019 (La lecture du panneau ci-dessus a inspiré une bonne part de cette nouvelle).

 

DROITS RÉSERVÉS JCP

 

9 septembre 2019

La Porte du vent

 

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La Porte du vent                                                       

                                                                                  

                                                                  Impassible voyageur du rêve, il voulut savoir le vent. Voir quelle béance inouïe donne le jour à cet enfant de la couche éphémère qu’en toute saison la froidure, lasse de ses hivers, ouvre à la chaleur des étés.

                                Imprévisible nourrisson de croissance prodigieuse, adulte en un éclair ou vieillard sénile à la pyramide des heures écroulée, il le voulut pétrir de ses membres frêles, il désira le voir de ses yeux aveuglés.

                                                           Il le vit à l’aile de l’oiseau, le vit à la feuille, le vit à la ride des eaux, crut saisir à la voile sa forme impénétrable, remonta son flot des journées entières ; il connut son reflux auprès du flanc des monts, son silence au plus profond des forêts, son hurlement aux cols et aux cimes, il le vit abattre des arbres, écrouler des villes entières et sombrer des navires ;

il crut enfin mourir dans le désert profond sous l’aiguillon des sables,

                                                                                         Mais il ne put trouver la Porte du vent.

 

 

 Jyssépé 08-09 2019

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