Michel Audiard
Dialogues du film Les Tontons Flingueurs
Authenticité parfaite non garantie : le texte récupéré, d’une syntaxe souvent approximative, a été corrigé pour le rendre acceptable mais, malgré efforts et relectures, des erreurs peuvent encore subsister.
Des images du film ont été ajoutées car : « - Et à quoi bon un livre sans images… » (Alice sous la plume de Lewis Carroll).
JCP
DISTRIBUTION
Lino Ventura : Fernand Naudin
Bernard Blier : Raoul Volfoni
Francis Blanche : Maître Folace, le notaire de Louis « le Mexicain »
Sabine Sinjen (VF : Valérie Lagrange3) : Patricia, la fille de Louis « le Mexicain »
Claude Rich : Antoine Delafoy, le petit ami de Patricia
Robert Dalban : Jean, le majordome
Jean Lefebvre : Paul Volfoni, le frère de Raoul
Horst Frank : Théo
Venantino Venantini (VF : Charles Millot3) : Pascal
Mac Ronay (VF : André Weber3) : Bastien, le cousin germain de Pascal
Charles Régnier (VF : Michel Dupleix3) : Tomate
Pierre Bertin : Adolphe Amédée Delafoy, le père d'Antoine
Jacques Dumesnil : Louis « le Mexicain »
Paul Mercey : Henri
Dominique Davray : Madame Mado
Henri Cogan : Freddy
Georges Nojaroff : Vincent
Yves Arcanel : le contremaître
Charles Lavialle : le chauffeur taxi
Anne Marescot : l'amie de Patricia
Philippe Castelli : le tailleur
Marcel Bernier : Léon
Jean-Pierre Moutier : Le jeune homme invité en retard
Jean Luisi : un tueur à la mitraillette
Jean-Louis Castelli : le photographe du mariage
Béatrice Delfe : une invitée de Patricia
Jean-Michel Derot : un invité de Patricia
Françoise Borio : une invitée de Patricia
Paul Meurisse : Caméo du commandant Théobald Dromard, « Le Monocle », personnage d'un autre film de Lautner.
Parution du film : 1963.
Mr Fernand (Lino Ventura) :
« Les cons ça ose tout ! C’est même à ça qu’on les reconnaît ».
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Sortie de l’entreprise, à Montauban. Départ de Mr Fernand pour Paris
Mr Fernand
C'est quand même pas la première fois, non ?
Le 1er employé
J'dis pas que c'est la première fois que vous montez à Paris Mr Fernand, j'dis que ça tombe mal. Si le vent est frisquet, vous avez une couverture à l'arrière et Germaine a mis du thé dans le thermos.
Mr Fernand
Et pourquoi pas de la quinine et un passe-montagne ? On croirait vraiment que je pars au Tibet.
Le 2ème employé
Au revoir Mr Naudin.
Mr Fernand
Au revoir Gustave.
Le 1er employé
Mr Fernand, la foire battra pas son plein avant dimanche, si vous pouviez quand même être là…
Mr Fernand
Je t'ai déjà dit que j'en avais pour 48 heures maximum, et puis enfin bon Dieu quoi, vous avez quand même pas besoin de moi pour aligner 10 tracteurs dans un champ non ? Hein ? ... Tâchez plutôt qu'elle tombe pas en panne comme la dernière fois.
Le 1er employé
Qu'est ce qui a été en panne ?
Mr Fernand
La dépanneuse.
Le 1er employé
Oh ! Mr Fernand ...
Monologue de Mr Fernand
Mr Fernand
Louis de retour : présence indispensable. "présence indispensable" après 15 ans, y'en a qui poussent un peu quand même. 15 Ans d'interdiction de séjour ; pour qu'il abandonne ses cactus et qu'il revienne à Paris, faut qu'il lui en arrive une sévère au vieux Louis ; ou qu'il ait besoin de mon pognon, ou qu'il soit tombé dans une béchamel infernale.
Au bowling
Henri
Eh bien ma vieille, tu nous fais attendre, la route a pas été trop toc ?
Mr Fernand
Ben, suffisamment.
Henri
Ça fait plaisir de te revoir, le Mexicain commençait à avoir des impatiences.
Mr Fernand
La preuve qu'il est revenu, c'est pas un char.
Henri
Oh ben, je me serais pas permis.
Mr Fernand
Ça fait quand même une surprise non ?
Henri
Les surprises, t'es peut être pas au bout, viens !
Dans la chambre
Henri (au garde du corps)
C'est Fernand !
Le garde du corps à Louis
Mr Fernand est là !
Louis
Qu'il entre, qu'il entre ! Et ben c'est pas trop tôt, je croyais que t'arriverais jamais ou bien que t'arriverais trop tard.
Mr Fernand
Tu sais, 900 bornes, faut quand même les tailler.
Louis
Ça fait quand même plaisir de te revoir, vieux voyou !
Mr Fernand
A moi aussi ...
Louis
Et j'ai eu souvent peur de clamser là-bas au milieu des macaques sans avoir jamais revu une tronche amie, et c'est surtout à la tienne que je pensais.
Mr Fernand
Tu sais moi aussi c'est pas l'envie qui me manquait d'aller te voir, mais on fait pas toujours ce qu'on veut. Et toi ? J'ai pas entendu dire que le gouvernement t'avait rappelé, qu'est ce qui t'a pris de revenir ?
Au toubib
Merci toubib, merci pour tout.
Louis à Henri
Henri dis leur de monter... Henri, fais tomber 100 sacs au toubib !
Mr Fernand
Bon alors ? Qu'est ce qui se passe Louis ?
Louis
Je suis revenu pour canner ici et pour me faire enterrer à Pantin avec mes vioques. Les Amériques c'est chouette pour prendre du carbure, on peut y vivre aussi à la rigueur, mais question de laisser ses os, y'a que la France. Et je décambute bêtement, et je laisse une mouchette à la traîne, Patricia, c'est d'elle que je voudrais que tu t'occupes.
Mr Fernand
Eh ben dis donc, t'en as de bonnes toi !
Louis
T'as connu sa mère, Suzanne "Beau sourire" ?
Mr Fernand
T'es marrant dis donc c'est plutôt toi qui l'as connue.
Louis
Au point de vue oseille je te laisse de quoi faire ce qu'il faut pour la petite. J'ai des affaires qui tournent toutes seules ; maître Folace, mon notaire, t'expliquera. Bah, tu sais combien ça laisse une roulette, 60% de velours.
Mr Fernand
Et sur le plan des emmerdements, 36 fois la mise. Ah, écoute Louis, ta môme, tes affaires, tout ça c'est bien gentil mais... Moi aussi j'ai mes affaires, tu comprends ? Et les miennes en plus, elles sont légales.
Louis
Ouais, j'ai compris : les potes, c'est quand tout va bien.
Mr Fernand
Ca va pas toi, dis ? Hein ? J'ai pas dit ça !
Louis
Non, non, t'as pas dit ça, t'as pas dit ça mais tu livrerais ma petite Patricia aux vautours ; oh, mon petit ange...
Mr Fernand
Ton petit ange ton petit ange, hein ?
Louis
Oui, oh, maintenant que t'es dans l'honnête, tu peux pas savoir le nombre de malfaisants qu'il existe, le monde en est plein. Ils vont me la mettre sur la paille, ma petite fille. On va la dépouiller et on va tout lui prendre. Je l'avais faite élever chez les sœurs, apprendre l'anglais enfin ... Tout. Résultat : elle finira au tapin, et ce sera de ta faute, t'entends ? Ce sera de ta faute.
Mr Fernand
Ecoute, arrête un peu hein ? Depuis plus de vingt piges que je te connais, je te l'ai vu faire 100 fois ton guignol alors hein ? Et à propos de tout : de cigarettes, de came, de nanas, ça toujours été ton truc à toi. Et une fois je t'ai même vu chialer, alors tu vas pas me servir ça à moi non ?
Louis
Si !! Ben, tu te rends pas compte, saligaud, qu'elle va perdre son père, Patricia ; que je vais mourir ?
Mr Fernand
J'te connais, t'en est capable. Voilà dix ans que t'es barré, tu reviens et je laisse tout tomber pour te voir et c'est pour entendre ça ? Et moi comme une pomme ....
On frappe à la porte
Mr Fernand
Entrez !
Louis
Ben dis donc Théo, t'aurais pu monter tout seul ?
Théo
Si cette présence doit vous donner de la fièvre...
Louis
Oui, chez moi quand les hommes parlent, les gonzesses se taillent.
L'ami de Théo (probable homosexuel non désiré par Louis)
Je t'attends en bas, à tout de suite...
Louis
Voilà je serai bref. Je viens de céder mes parts à Fernand ici présent. C'est lui qui me succède.
Raoul Wolfoni
Mais, tu m'avais promis de m'en parler en premier !
Louis
Exact ! J'aurais pu aussi organiser un référendum, mais j'ai préféré faire comme ça. Pas d'objections ? Parce que moi j'ai rien d'autre à dire. Je crois que tout est en ordre, non ?
Les autres sortent de la pièce
Louis
Pascal ? Pascal ?
Mr Fernand
Oh Louis, ben Louis ? Quoi ? Merde, Pascal !
Louis
Je vais plus vous retenir longtemps.
Mr Fernand
Déconne pas Louis !
Louis
Tu sais de quoi je parle.
Mr Fernand
Tu veux pas que j'ouvre la fenêtre un petit peu ? Hein ? Merde. Regarde, il fait jour.
Louis
D'ici... On voit ... Que le ciel ! Mais je m'en fous du ciel ... J'y serai un petit homme. Moi ce qui m'intéresse ... C'est la rue. Et ils m'ont filé directement de l'avion dans l'ambulance ... J'ai rien pu voir. Ça a dû drôlement changer hein ?
Mr Fernand
Tu sais, pas tellement quoi !
Louis
Raconte quand même !
Mr Fernand
Eh ben ... C'est un petit matin comme tu les aimes ... Comme on les aimait quoi ... Les filles sortent du Lido, tiens ! Pareil qu'avant. Tu te souviens? C'est à c't'heure-là qu'on emballait.
Au bowling
Mr Fernand
Si un jour on m'avait dit qu'il mourrait dans son lit celui-là…
Thibault
(Tirade en allemand) ... IVième siècle avant Jésus-Christ.
Henri
On est ... On vit ... On trépasse ...c'est comme ça pour tout le monde.
Raoul Wolfoni
Pas forcément ! Enfin, je veux dire : on meurt pas forcément dans son lit ! Ben voyons !
Mr Fernand à Henri
Dis donc, j'tiens plus en l'air moi, t'aurais pas une bricole à grignoter là. C'est à toi ça? (cigarettes)
Henri
Sers-toi !
Raoul Wolfoni
Y'a vingt piges le Mexicain, tout le monde l'aurait donné à cent contre un : flingué à la surprise, mais c't'homme-là, ce qui l'a sauvé : c'est sa psychologie.
Paul Wolfoni
Tout le monde est pas forcement aussi doué.
Pascal
La psychologie, y'en a qu'une : défourailler le premier !
Théo
C'est un peu sommaire, mais ça peut être efficace.
Raoul Wolfoni
Et le Mexicain, ça été une épée, un cador; moi je suis objectif, on parlera encore de lui dans cent ans. Seulement, faut bien reconnaître qu'il avait décliné, surtout de la tête.
Paul Wolfoni
C'est vrai que sur la fin, il disait un peu n'importe quoi.
Raoul Wolfoni
Il avait comme des vapes, des caprices d'enfants.
Mr Fernand à Henri
Merci Henri.
Raoul Wolfoni
Enfin, toi qu'y a causé en dernier, t'as sûrement remarqué ?
Mr Fernand
Remarqué quoi ?
Raoul Wolfoni
T'as quand même pas pris au sérieux cette histoire de succession ?
Mr Fernand
Pourquoi ? Fallait pas ? Ben, j'ai eu tort.
Paul Wolfoni
Ah ! Et voilà ! Tu vois Raoul, c'était pas la peine de s'énerver, monsieur convient.
Raoul Wolfoni
Y'en a qui abuseraient de la situation, mais mon frère et moi c'est pas notre genre. Qu'est-ce qu'on peut faire qui t'obligerait ?
Mr Fernand
Décarrer d'ici. J'ai promis à mon pote de m'occuper de ses affaires. Seulement puisque je vous dis que j'ai eu tort. Seulement tort ou pas tort, maintenant, c'est moi le patron. Voila.
Henri (lui tendant le tél.)
Pascal !!
Pascal au tél.
Oui ?
Paul Wolfoni
Ecoute : on te connaît pas. Mais laisse-nous te dire que tu te prépares des nuits blanches, des migraines, des nervousses brékdones comme on dit de nos jours.
Mr Fernand
J'ai une santé de fer. Voilà quinze ans que je vis à la campagne, que je me couche avec le soleil, et que je me lève avec les poules.
Henri
Y'a du suif chez Tomate, trois voyous qui chahutent la partie ; les croupiers ont les foies pour la caisse, ils demandent de l'aide.
Mr Fernand
Ça arrive souvent ?
Théo
Jamais !
Pascal
Ça doit pouvoir se régler à l'amiable.
Henri
Si tu tiens à regagner ta province rapido, t'auras intérêt à aller voir, ce serait toujours ça de gagné, c'est sur ton chemin.
Henri
Oh ! Les Wolfoni. T'inquiète pas !
Théo
"La bave du crapaud n'empêche pas la caravane de passer".
Mr Fernand
Tchao ! Dis donc ça te gêne pas qu'on y aille ensemble ?
Pascal
C'est pas que vous me gênez Mr Fernand, mais je ne sais pas si ça va bien vous plaire…
Mr Fernand
Ben ça, je te le dirai !
L'ami de Théo
A ton avis, c'est un faux caïd ou un vrai branque ?
Théo
Pour moi, ce n'est rien du tout. Un coup de téléphone, et dix minutes après ... Il existe plus.
Pascal et Mr Fernand dans la voiture en chemin pour rejoindre le casino de Tomate
Pascal
J'admets qu'ils ont l'air de deux branques, mais je n'irais pas jusqu'à m'y fier, non ? C'est quand même des spécialistes. Le jeu, ils ont toujours été là-dedans les Wolfoni bernés : à Naples, à Las Vegas, partout où il y a des jetons à racler, ils tenaient les râteaux hein ?
Mr Fernand
Mais ... Et l'autre là ? Le coquet ?
Pascal
L'ami fritz ? Il s'occupe de la distillerie clandestine.
Mr Fernand
C'est quand même marrant les évolutions. Quand je l'ai connu le Mexicain, il recrutait pas chez les Teutons.
Pascal
Vous savez ce que c'est non ? L'âge, l'éloignement... A la fin de sa vie, il s'était penché sur le reclassement des légionnaires.
Mr Fernand
Ah ! Si c'est une œuvre, alors là !! Là, c'est autre chose.
Chez Tomate
Pascal
Voilà, ici c'est chez Tom Hatt.
Mr Fernand
Je m'attendais à quelque chose de plus important ; mais c'est un clapier !
Pascal
D'après Tom Hatt, ce qui passionne le joueur c'est le tapis vert, ce qui il y a autour, il s'en fout, il voit même pas.
Une voiture arrive
Pascal
Planque-toi !
Une rafale de mitraillette tirée de la voiture, Pascal riposte, la voiture va au fossé.
Pascal
A l'affût sous les arbres, ils auraient eu leur chance, seulement de nos jours il y a de moins en moins de techniciens pour le combat à pied, l'esprit fantassin n'existe plus ; c'est un tort.
Mr Fernand
Et c'est l'œuvre de qui d'après toi, des Wolfoni ?
Pascal
Ce serait assez dans leurs sales manières ; Mr Fernand ? Je serais d'avis qu'on aborde mollo, des fois qu'on serait encore attendus... Mais, sans vous commander, si vous restiez un peu en retrait... Hein ?
Mr Fernand
Ouais, n'empêche qu'à la retraite de Russie, c'est les mecs qu'étaient à la traîne qu'ont été repassés.
Chez Tomate (intérieur)
Tomate
C'est toi qui fais tout ce foin ?
Pascal
Je m'excuse. Mr Fernand, le nouveau taulier.
Tomate
J'étais pas au courant.
Pascal
Comme ça, tu l'es !
Tomate
Je suis Tomate, le gérant de la partie.
Mr Fernand
Bonjour.
Tomate
Enchanté, mais qu'est-ce que c'était que cette fusillade ? On ne se serait pas permis de vous flinguer sur le domaine.
Mr Fernand
Eh ben, on s'est permis.
Pascal
Tomate ?
Tomate
Oui ?
Pascal
Tu devrais envoyer Freddy faire un tour ; y'a une charrette dans le parc avec deux gars dedans, ça fait désordre ... Où sont les autres ?
Tomate
Quels "autres" ?
Pascal
Les mecs qui faisaient du scandale.
Tomate
Du scandale ici ? Mais j'aimerais comprendre,
Pascal
Moi aussi.
Mr Fernand
Mais c'est pas vous qui avez téléphoné ?
Tomate t
La nuit était tout ce qu'il y a de normal.
Pascal
Qu'est-ce que c'est que cette embrouille ?
Mr Fernand
Le numéro d'Henri ?
Pascal
Mazac 44 05.
Au bowling
Mr Fernand réfléchit devant le cadavre d’Henri.
Maintenant, Henri, y peut plus expliquer les choses à personne ... Trois morts subites en moins d'une demi-heure ça part sévère la voie de succession.
Mr Fernand et Pascal rentrent chez le Mexicain
Pascal
Le Mexicain l'avait achetée en viager à un procureur à la retraite. Après trois mois l'accident bête ... Une affaire !
Jean
Welcome sir, my name is John !
Mr Fernand
?
Pascal
Il est mort, il y a deux heures. On aurait pu être là plus tôt mais on a été retardés. Des espèces de contestations ; et puis ... Henri s'est fait descendre.
Maître Folace
Les Wolfoni ! Quand le lion est mort, les chacals se disputent l'empire. Enfin, on ne peut pas demander plus aux Wolfoni qu'au fils de Charlemagne. Ah ! Maître Follas, notaire.
Mr Fernand
Bonjour monsieur.
Maître Folace
Heureux de vous accueillir, j'aurais préféré bien sûr que ce soit dans d'autres circonstances. Votre chambre est prête : le mexicain avait donné des ordres.
Mr Fernand
Eh bien, vous êtes gentil, je vous remercie, mais ... ce qui m'arrangerait surtout, c'est si on pouvait régler nos affaires dans la journée.
Maître Folace
Vous étiez l'ami de Louis depuis longtemps ?
Mr Fernand
Depuis toujours.
Jean
Mademoiselle va avoir du chagrin.
Maître Folace
Ah non ... Stop ... Sujet interdit, attention messieurs, pas de fausse note, la volonté du défunt est formelle : pour Patricia, le plus longtemps possible, son papa se porte comme un charme. Il joue les santors quelque part dans les sierras mexicaines, mal desservies par la poste, ce qui explique son silence.
Pascal
Bon, je dois partir. Maître Follas sait toujours où me joindre, j'habite chez ma mère.
Mr Fernand
Oui merci,
Maître Folace
Je suis bien content que vous soyez là vous savez ? Parce que moi avec la petite, j'y arrive plus. C'est peut-être parce que je la connais depuis trop longtemps. Pensez, c'est moi qui l'ai tenu sur les fonts baptismaux.
Jean
Y'avait une belle cérémonie, mademoiselle était déjà ravissante.
Maître Folace
Dites-moi mon ami, si vous montiez les bagages de Mr Naudin ?
Jean
Yes sir
Mr Fernand
Dites moi, si ça vous fait rien, j'aimerais bien qu'on aborde un p'tit peu les choses sérieuses. Parce qu'après tout une gamine c'est bien beau ça mais faut quand même pas s'en faire pour ça non, on est bien d'accord ?
Maître Folace
Ah mais moi je ne m'en fais pas, je ne m'en fais plus. Maintenant qu'vous êtes là, c'est vous que ça regarde.
Mr Fernand
Comment ça moi ?
Maître Folace
Eh ben ? Vous avez accepté de vous occuper d'elle non ?
Mr Fernand
Ben oui.
Maître Folace
A la bonne votre mon cher. Vous allez connaître tout ce que j'ai connu : les visites aux directrices, les mots d'excuses, les billets de renvoi ...
Mr Fernand
Vous allez quand même pas dire que mademoiselle Patricia s'est fait éjecter, non ?
Maître Folace
Mademoiselle n'a jamais tenu plus de six mois ; juste le temps d'user les patiences. Oui, vraiment, je suis content que vous soyez là.
Mr Fernand
Pas pour longtemps, parce que ça va changer vite, c'est moi qui vous le dis ; la boîte que je vais lui trouver, va falloir qu'elle y reste, croyez-moi ! Ou sinon, je vais la filer chez les vraies sœurs, les vraies, pension au bagne avec le réveil au clairon et tout le toutim, non mais sans blague…
Maître Folace
Eh bien, vous le lui direz à elle.
Mr Fernand
J'vais lui dire, et puis tout de suite. Où est-elle ?
Maître Folace
Elle dort. Elle a organisé une petite sauterie qui nous a entraînés jusqu'à trois heures du matin.
Jean
Your room is ready sir !
Maître Folace
Il veut dire que votre chambre est prête.
Mr Fernand
Ah bon. Dites donc, il picole pas un peu votre British ?
Maître Folace
Oh la la ! Et puis il est pas plus British que vous et moi ; c'est une découverte du Mexicain.
Mr Fernand
Il l'a trouvé où ?
Maître Folace
Ici, il l'a même trouvé devant son coffre-fort. Y'a dix-sept ans de ça. Avant d'échouer devant l'argenterie, l'ami Jean avait fracturé la commode louis XV. Le Mexicain lui est tombé dessus juste au moment où l'artiste allait attaquer les blindages au chalumeau.
Mr Fernand
Eh bien, je vois d'ici la petite scène.
Maître Folace
Vu ses principes, le patron pouvait pas le donner à la police. Il a accepté de régler lui-même les dégâts. Résultat : Jean est resté ici trois mois au pair comme larbin, comme larbin pour régler la petite note. Et puis, la vocation lui est venue, le style aussi, peut être également la sagesse. Dans le fond, nourri, logé, blanchi, deux costumes par an, pour un type qui passait la moitié de sa vie en prison ...
Mr Fernand
Il a choisi la liberté quoi !
Patricia
Oh, c'est drôle, je vous voyais plus grand, plus bronzé, mais c'est pas grave ; vous êtes bien l'oncle Fernand ?
Mr Fernand
Ben ... Oui.
Patricia
On pourrait peut-être s'embrasser ? Ça se fait.
Mr Fernand
Ah bon ben alors ... Si ça se fait, allons-y ! Dis-donc, heureusement que je viens de me raser.
Patricia
Papa m'avait annoncé votre arrivée.
Mr Fernand
Quand ça ?
Patricia
Dans sa dernière lettre, il y a bien un mois. Ça vous étonne ?
Mr Fernand
Eeeuh ... Non.
Patricia
Y'avait trois pages, rien que sur vous : vos aventures, vos projets, sans compter tout ce que vous avez fait pour lui.
Mr Fernand
Dis-moi, tu sais, j'aimerais bien avoir un petit peu de thé et du pain, du beurre et peut être des œufs au bacon aussi. Tu pourrais pas t'occuper de ça en bas ?
Patricia
Du thé à sept heures du soir ?
Mr Fernand
C'est à dire qu'en ce moment, j'suis un tantinet décalé dans mes horaires, oui.
Patricia
Ah bon ! Oh ! Au fait, ça a dû être quelque chose la fois où vous l'avez sorti du fleuve ?
Mr Fernand
Qui ça ?
Patricia
Ben papa. Il m'annonçait dans sa lettre : "Fernand m'a sorti d'un drôle de bain". Ce qu'il a oublié de me dire, c'est quel fleuve c'était ?
Mr Fernand
Écoute, sois gentille, moi je meurs de fin, alors va t'occuper de mon petit encas, tu veux ?
Patricia
Vous ne voulez pas me répondre ?
Mr Fernand
Mais c'est pas que je veux pas, mais comment tu veux que je m'en rappelle moi, hein ? Là bas des fleuves t'as que ça, à droite, à gauche, devant, derrière, partout, et bourrés de crocodiles en plus, voilà t'es contente maintenant ? Bon alors maintenant va, et laisse-moi finir ma toilette, et puis on parlera après hein ? Parce que tu t'en doutes Patricia, faut quand même qu'on parle.
Patricia
Oui, mon oncle.
Mr Fernand
Qu'on parle de choses sérieuses.
Patricia
Oui Tonton. Ça ne vous ennuie pas que je vous appelle Tonton ? Vous en avez tué beaucoup ? ... Des crocodiles ; et là-bas y'a que ça, devant, derrière, à gauche, à droite, partout ! Bon, eh bien, je vais m'occuper de votre thé.
Maître Folace
Puisque la fermeté a l'air de vous réussir je vais vous donner l'occasion de vous distinguer.
Mr Fernand
A propos de quoi ?
Maître Folace
D'argent ! D'argent qui ne rentre pas. Depuis deux mois les Wolfoni n'ont pas versé les redevances de la péniche. Tom Hatt a plus d'un mois de retard, et Théo etc...
Mr Fernand
Mais qu'est-ce que c'est ? Une révolte ?
Maître Folace
Non sire, une révolution ! Personne ne paie plus rien !
Mr Fernand
Non mais, ces mecs auraient pas la prétention d'engourdir le pognon de ma nièce, non ?
Maître Folace
On dirait.
Mr Fernand
Le Mexicain est au courant.
Maître Folace
Ah non non surtout pas ! C'était un homme à tirer au hasard sans discernement, alors les ragots dans la presse, si c'était tombé sous les yeux de la petite, vous voyez ça d'ici !
Mr Fernand
Ouais, c'que j'vois surtout, si on doit arriver à flinguer, vous préférez que ce soit moi qui m'en charge, c'est ça ?
Maître Folace
Un tuteur, c'est pas pareil
Mr Fernand
Ça se guillotine aussi bien qu'un papa !
Maître Folace
Mais qui vous demande d'intervenir personnellement ? Nous avons Pascal. Je le convoque ou pas ?
Mr Fernand
Si je devais pas être à la foire d'Avignon dans 48 heures, j'dirais non, mais je suis pris par le temps. Et puis je reconnais que c'est jamais bon de laisser dormir les créances, et surtout de permettre au petit personnel de rêver.
Antoine Delafoy
Vous parlez de rêver, rêvez-vous en couleur ? Antoine Delafoy, le plus respectueux, le plus ancien, le plus fidèle ami de Patricia. Je vous connais monsieur et je vous admire. Patricia vous évoque vous cite vous vante en toute occasion, vous êtes le gaucho, le santor des pampas, l'oncle légendaire ...
Mr Fernand
Et moi, elle ne m'a jamais parlé de vous.
Antoine Delafoy
Elle n'a pas eu le temps, ça ne fait rien, je ferai donc mon panégyrique moi-même, c'est parfois assez édifiant et souvent assez drôle, car il m'arrive de m'attribuer des mots qui sont en général d'Alphonse Halley et des aventures puisées dans la vie des hommes illustres.
Mr Fernand
Il est toujours comme ça ?
Patricia
Absolument pas ! C'est son côté agaçant, il faut qu'il parle ; en vérité c'est un timide. Je suis sûre que vous serez séduit quand vous le connaîtrez mieux.
Mr Fernand
Parce qu'en plus, Mr séduit.
Antoine Delafoy
Je ne séduis pas : j'envoûte ... Let me do it Jean (En parlant du Whisky)
Jean
Thank you sir
Antoine Delafoy
Pour en revenir à vos rêves en couleur, savez-vous que Borowski les attribue au phosphore qui est contenu dans le poisson ? Moi je préfère m'en tenir à Freud, c'est plus rigolo. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Mr Fernand
Rien. Je ne rêve pas en couleur je ne rêve pas en noir, je ne rêve pas du tout. Je n'ai pas le temps.
Antoine Delafoy (parlant du whisky)
Je vous déconseille l'eau, ce serait un crime, il a dix ans d'âge.
Patricia
Tonton est débordé par ses affaires.
Antoine Delafoy
Vous viendrez bien avec nous demain soir.
Mr Fernand
Et où ça ?
Antoine Delafoy
Il demande où ça ? Mon dieu qu'il est drôle. Franck Emile jouera pour la première fois Bliel. Corelli, Beethoven, Chopin, tout ça c'est très dépassé, c'est très con, mais avec Bliel : ça peut devenir féroce, tigresque. Bref, tout le monde y sera.
Mr Fernand
D'accord, d'accord, je sais que c'est la coutume d'emmener l'oncle de province au cirque. Je vous remercie d'ailleurs d'y avoir pensé, mais vous irez sans moi. Moi demain à sept heures je ne serai pas loin de Montauban, quant à mademoiselle Patricia, elle sera à ses études, nous sommes bien d'accord Patricia ?
Patricia
Oui Tonton !
Antoine Delafoy
J'crois que t'as raison, faut pas le brusquer.
Mr Fernand
Qu'est ce qui se passe encore ?
Maître Folace
Notre ami va se faire un plaisir de vous l'expliquer ...
Pascal
Les Wolfoni ont organisé à la péniche une petite réunion des cadres, façon meeting si vous voyez ce que je veux dire, enfin quoi, on parle dans votre dos.
Mr Fernand
Et tu tiens ça d'où ?
Pascal
Je peux pas le dire, j'ai promis, ce serait mal.
Mr Fernand
Alors ?
Maître Folace
Eh bien, y'a deux solutions : ou on se dérange ou on méprise. Oui, évidemment, n'importe comment, une tournée d'inspection ne peut jamais nuire, bien sûr !
Mr Fernand
Eh bien, on va y aller !
Pascal
Mr Fernand ? Y'a peut-être une place pour moi dans votre auto, des fois que la réunion devienne houleuse ; j'ai une présence tranquillisante...
Patricia
Vous préférez le foie gras pour commencer ou pour finir ?
Mr Fernand
C'est à dire que je préférerais demain : j'suis obligé de sortir. Un conseil d'administration ...
Antoine Delafoy
Quoi ? Vous n'allez pas dîner avec nous ? Moi qui venais de dire à Jean de monter du champagne…
Mr Fernand
Votre invitation me bouleverse ! Bon appétit quand même !
Antoine Delafoy
C'est du bidon !
Patricia
Sûrement pas. Il vient de Strasbourg, on le paie un prix fou...
Antoine Delafoy
Non, je parle du conseil d'administration de ton oncle. Si tu veux mon avis, l'oncle va courir la gueuze.
Patricia
Tu crois ?
A l'intérieur de la péniche
Raoul Wolfoni
Voilà quinze ans qu'on fait le trottoir pour le Mexicain, j'ai pas l'intention de continuer à tapiner pour son fantôme.
Mme Lano
Le trottoir, le tapin, c'est drôle ça ? On croirait que tu cherches le mot qui blesse.
Théo
C'est des images.
Mme Lano
Les images, ça m'amusait quand j'étais petite, j'ai passé l'âge ! J'dis pas que Louis était toujours très social, non, il avait l'esprit de droit.
Tomate
Oh, dis eh !
Mme Lano
Quand tu parlais augmentation ou vacances, il sortait son flingue avant que t'aies fini. Mais il nous a tout de même apporté à tous la sécurité.
Raoul Wolfoni
Ramasser les miettes, vous appelez ça la sécurité vous ? Vous savez combien il nous a coûté le Mexicain en quinze ans ? Vous savez combien qu'il nous a coûté ?? Oh, dis leur Paul, moi j'peux plus.
Paul Wolfoni
A 500 sacs par mois, rien que de loyer, ça fait 6 briques par an : 90 briques en 15 ans.
Raoul Wolfoni
Plus 30 briques de moyenne par an sur le flambe. Vous savez à combien on arrive : à un demi-milliard! Et toi pareil pour la petite ferme. Ben, dis que c'est pas vrai !
Tomate
J'ai rien dit !
Raoul Wolfoni
Ben moi j'dis que j'lâcherai plus une thune ! Et j'vous invite tous à en faire autant.
Théo
Vous invitez, vous invitez ... C'est très aimable, mais il y a des invitations ...
Raoul Wolfoni
Qu'est ce qui te gène toi ?
Théo
Le climat : trois morts depuis hier, si ça doit tomber comme à Stalingrad... Une fois ça suffit. J'aime autant garder mes distances.
Raoul Wolfoni
Dis donc, t'essaierais pas de nous faire porter le chapeau des fois ? Faut le dire tout de suite, hein : Mr Raoul vous avez buté Henri, vous avez même buté les deux autres mecs ; vous avez peut-être aussi buté le Mexicain, puis aussi l'archiduc d'Autriche...
Pascal, Mr Fernand et maître Folace sur le pont de la péniche.
Pascal
Eh ? Léo, c'est moi, Pascal.
Léo
J'arrive, qui est avec toi ?
Pascal
Je suis avec le notaire.
Léo
Tu me dis que vous êtes deux, vous êtes trois ...
Pascal
J'annonce les employés, pas le patron...
Léo
Possible, mais j'attends un ordre de Mr Raoul.
Mr Fernand envoie, d'un coup de poing, Léo à l’eau
Maître Folace
C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases ...
Pascal
Allons !
Dans la péniche
Raoul Wolfoni
Si vous marchez tous avec moi, qu'est-ce qu'il fera votre Fernand, un procès ?
On frappe à la porte...
Maître Folace
Bonsoir messieurs ! Madame !
Raoul Wolfoni
J'croyais pas t'avoir invité ...
Mr Fernand
Mais t'avais pas à le faire, j'suis chez moi. Qu'est-ce que t'organises ? Un concile ? Tu permets ?
Raoul Wolfoni
Je les avais réunis pour décider ce qu'on faisait pour le Mexicain, rapport aux obsèques.
Mr Fernand
Si c'est des obsèques du Mexicain dont tu veux parler, c'est moi que ça regarde ; maintenant si c'est celles d'Henri ... Tu pourrais peut être les prendre à ta charge.
Raoul Wolfoni
Non, ça va pas recommencer, j'vais pas encore endosser le massacre.
Mr Fernand
On parlera de ça un peu plus tard. Pour l'instant on a d'autres petits problèmes à régler, priorités aux affaires. Je commence par le commencement. Honneur aux dames. Mme Mado peut être ?
Mme Lano
Elle même.
Mr Fernand
Chère madame, Maître Folace m'a fait part de quelques ... Pffff .... Quelques embarras dans votre gestion, momentanés j'espère. Souhaiteriez-vous nous fournir quelques explications ?
Mme Lano
Les explications Mr Fernand, y'en a deux : récession et manque de main d'œuvre. Ce n'est pas que la clientèle boude, c'est qu'elle a l'esprit ailleurs. Le furtif, par exemple, a complètement disparu.
Mr Fernand
Le furtif ?
Mme Lano
Le client qui vient en voisin : bonjour mesdemoiselles, au revoir madame. Au lieu de descendre maintenant après le dîner, il reste devant sa télé, pour voir si par hasard il serait pas un peu l'homme du xxème siècle. Et l'affectueux du dimanche : disparu aussi. Pourquoi ? Pouvez-vous me le dire ?
Mr Fernand
Encore la télé ?
Mme Lano
L'auto Mr Fernand ! L'auto !
Mr Fernand
Ah, mais dites-moi, vous parliez de pénurie de main d'œuvre tout à l'heure...
Mme Lano
Alors là Mr Fernand, c'est un désastre ! Une bonne pensionnaire, ça devient plus rare qu'une femme de ménage. Ces dames s'exportent, le mirage africain nous fait un tort terrible ; et si ça continue, elles iront à Tombouctou à la nage.
Mr Fernand
Bien je vous remercie madame Mado, on recausera de tout ça ... Qui est-ce le mec du jus de pomme ?
Théo
Ce doit être de moi dont vous voulez parler !
Mr Fernand
Dis-moi, dans ta branche, ça va pas très fort non plus ! Pourtant du pastis vrai ou faux, on en boit encore ?
Théo
Moins qu'avant, la jeunesse française boit des eaux pétillantes, et les anciens combattants : des eaux de régime. Puis surtout il y a le whisky.
Mr Fernand
Et alors ?
Théo
C'est le drame ça, le whisky ...
A l'écart, Pascal et le garde de corps de Raoul Wolfoni discutent
Bastien
Dis donc je le connais pas celui-là. Il est nouveau ?
Pascal
C'est le petit dernier de chez Beretta. J'te le conseille pour le combat de près, et puis pour les coups à travers la poche, ou le métro ou l'autobus. Mais note, hein… faut en avoir l'usage, sinon, au prix actuel, on l'amortit pas
Bastien
Le prix passe la qualité reste, c'est pas l'arme de tout le monde, ça ! T'as eu ça par qui ?
Pascal
Par l'oncle Antonio.
Bastien
Le frère de Berthe ?
Pascal
Oui
Retour dans la salle de conférence de la péniche
Théo
... Tout ça pour vous faire comprendre, Mr Fernand, que le pastis perd de l'adhérence chaque jour. Le client devient dur à suivre.
Mr Fernand
Oh tu sais, c'est un petit peu dans tous les domaines pareil, moi si je te parlais motoculture... Ouais enfin !
Mme Lano
J'espère qu'il est encore chaud (le thé)
Mr Fernand
Merci
Mr Fernand
Bien, et maintenant à nous, dans ton secteur pas de problème, le jeu a jamais aussi bien marché.
Raoul Wolfoni
Que tu dis !
Mr Fernand
C'qui vous chagrine, c'est la comptabilité, vous êtes des hommes d'action et je vous ai compris, et je vous ai arrangé votre coup.
Raoul Wolfoni
T'arranges, t'arranges, et si on était pas d'accord ?
Mr Fernand
Tu vas voir que c'est pas possible, j'ai adopté le système le plus simple, regarde ! On prend les chiffres de l'année dernière, et on les reporte.
Tomate
L'année dernière, on a battu des records !
Mr Fernand
Et bien vous les égalerez cette année ! Vous avez l'air en pleine forme là ? Gais, entreprenants, dynamiques ...
Raoul Wolfoni
Et en plus, tu nous charries, c'est complet.
Mr Fernand
Pascal ?
Pascal
Oui Mr Fernand
Mr Fernand
Tu passeras à l'encaissement chez ces messieurs sous huitaine
Raoul Wolfoni
Et si jamais on paye pas, tu nous butes ?
Pascal
Mr Raoul ...
Mr Fernand
Bien, messieurs, il ne me reste plus qu'à vous remercier de votre attention.
Raoul Wolfoni
Bastien ! Accompagne ces messieurs !
Pascal, Mr Fernand et maître Folace quittent la salle
Mme Lano
Toi Raoul Wolfoni, on peut dire que t'en es…
Raoul Wolfoni
Un quoi ?
Mme Lano
Un vrai chef.
Raoul Wolfoni
Mais y connaît pas Raoul ce mec ? Y va avoir un réveil pénible, j'ai voulu être diplomate à cause de vous tous, éviter que le sang coule, mais maintenant c'est fini, j'vais le travailler en férocité, l'faire marcher à coup de latte, à ma pogne j'veux le voir ! Et vous verrez qu'il demandera pardon et au garde à vous ...
On frappe à nouveau. Mr Fernand envoie un direct à Raoul Wolfoni.
Mr Fernand
J'avais oublié : les 10% d'amende. Pour le retard.
Raoul Wolfoni
Il a osé me frapper. Il se rend pas compte.
Pascal Mr Fernand et maître Folace reviennent à la maison du Mexicain
Maître Folace
Cette petite fête m'a rajeuni de vingt ans. Mr Naudin a quelque peu bousculé Mr Wolfoni senior.
Jean
Mes compliments monsieur
Mr Fernand
Qu'est-ce que c'est encore que ça ?
Mr Fernand entre dans la salle de séjour ou Patricia et Antoine sont couchés dans le divan et écoutent de la musique.
Antoine Delafoy
Oh non, au moment où la petite flûte allait répondre au cor, vous êtes odieux !
Patricia
C'est vrai Tonton, ces choses-là ne se font pas.
Mr Fernand
Ah surtout, je t'en prie hein ?
Patricia
Qu'est-ce qui vous arrive, mon oncle ? Vous avez été contrarié dans vos affaires?
Mr Fernand
Oh à peine. Si ça ne vous fait rien Mr Delafoy, j'aimerais bien avoir une petite explication. Remettez d'abord vos chaussures, vous êtes ridicule.
Antoine Delafoy
Qu'est-ce que vous voulez que je vous explique, cher monsieur ?
Mr Fernand
Tout ça, lumière tamisée, musique douce, et vos godasses sur les fauteuils, Louis XVI en plus !
Antoine Delafoy
La confusion doit d'abord s'expliquer, mais les termes sont inadéquats.
Mr Fernand
Ah parce que c'est peut-être pas du louis XVI ?
Antoine Delafoy
Euh, non ! C'est du louis XV. Remarquez, vous n'êtes pas tombé loin, mais les sonates de Corelli ...
Mr Fernand
Mais je suis chez moi !
Antoine Delafoy
Ah j'aime ça, la thèse est osée mais comme toutes les thèses parfaitement défendables. Mais nous allons si vous le voulez bien discuter de la musique par rapport au local de l'élixir et du flacon, du contenu et du contenant.
Mr Fernand
Patricia, mon petit, je ne voudrais pas te paraître vieux jeu ni encore moins grossier, l'homme de la pampa, parfois rude reste toujours courtois, mais la vérité m'oblige à te le dire : ton Antoine commence à me les briser menu !
Antoine Delafoy
Si nous parlions de moi pendant le dîner ?
Mr Fernand
Toi, tu vas monter dans ta chambre !
Patricia
Bonne nuit Antoine
Mr Fernand
Quant à vous brillant Jeune Homme ...
Antoine Delafoy
Ne vous donnez pas la peine, je connais le chemin ...
Mr Fernand
Justement, faudrait voir à l'oublier.
Antoine Delafoy
Ce n'est pas du tout gentil Oncle Fernand.
Mr Fernand
MONSIEUR Fernand, s'il vous plaît.
Antoine Delafoy
Soit, les manières y gagneront ce que l'affection y perdra.
Patricia
Vous m'avez terriblement déçue, vous n'avez pas été gentil avec Antoine.
Mr Fernand
C'est ce qu'aurait fait ton père, figure-toi ; il a jamais pu supporter les voyous.
Patricia
Antoine, un voyou ? Antoine est un grand compositeur, il a du génie.
Mr Fernand
Eh bien, les génies se baladent pas pieds nus, figure-toi ! Hein ?
Patricia
Et Sagan ?
Mr Fernand dîne dans la salle de séjour
Pascal
Bonsoir !
Mr Fernand
Vous êtes louf non ? Qu'est-ce que c'est que ces façons d'arriver en pleine nuit par le jardin ?
Pascal
Ben, on voulait pas sonner à cette heure-là, réveiller toute la maison. Si la demoiselle se posait des questions. A cet âge-là, on imagine.
Bastien
Et puis, on avait à vous parler.
Mr Fernand
Vous, je vous ai déjà vu quelque part ...
Bastien
Tout à l'heure, chez les Wolfoni. J'étais de l'autre côté.
Mr Fernand
Asseyez-vous, j'suis en train de becter.
Pascal
Alors là, on est vraiment confus ! Voilà, si on est venu à deux, y'a une raison ! Bastien, c'est le fils de la sœur de mon père, comme qui dirait, un cousin direct, vous saisissez la complication Mr Fernand.
Mr Fernand
Non, pas encore !
Bastien
Ben, forcément, t'as pas donné à Mr Fernand mes références : 1ère gâchette chez Wolfoni, 5 ans de labeur, de nuit comme de jour, et sans un accroc.
Pascal
Vous la voyez ce coup-là l'embrouille ? Dans le monde des caves, on appelle ça un cas de conscience, nous on dit : un point d'honneur. Entre vous et les Wolfoni, il va faire vilain temps ; en supposant que ça tourne à l'orage, Bastien et moi, on est sûrs de se retrouver face à face, flingue en pogne, avec l'honnêteté qui commande de tirer. Ah non, un truc à décimer une famille.
Mr Fernand
Ouais, je vois ... Vous voulez boire un coup ?
Bastien
Non, non merci, jamais entre les repas.
Pascal
Moi non plus, chez nous c'est la règle : santé, sobriété.
Bastien
On en a trop vu qui se sont gâtés la main aux alcools.
Mr Fernand
J'peux rien vous reprocher, les histoires de famille, ça, c'est comme une croyance, ça force le respect. Bon, alors, qu'est-ce que vous proposez ?
Pascal
Bastien a donné sa démission à Mr Raoul.
Mr Fernand
La tienne va suivre ?
Pascal
J'peux pas faire moins Mr Fernand, ' faut comprendre.
Mr Fernand
J'comprends. Ouais, quand la protection de l'enfance coïncide avec la crise du personnel, faut plus comprendre, faut prier !
Le lendemain, Mr Fernand dans la salle de séjour avec Patricia
Mr Fernand
"et si la vieille définition n'avait pas tant servi, à propos de Racine et de Corneille, nous dirions que Bossuet l’a peint tel qu'il devrait être, et que Pascal l'a peint tel qu'il est"... Comment ? Ils t'ont donné que 16/20 ? Et ben, permets moi de te dire qu'ils y vont un peu fort, parce que moi, là, je t'aurais donné un peu plus.
Patricia
Vous êtes très gentil mon oncle...
Mr Fernand
Non, Patricia, mon enfant, mercredi dernier quand je suis arrivé, nous dérivions et le navire faisait eau de toute part....
Jean
...Un Monsieur, au téléphone, un appel de Montauban, l'interlocuteur me semble - comment dirais-je ... Un peu rustique : le genre agricole.
Mr Fernand
Allo oui ? C'est moi ... Ca va, ça va ... Hein? ... Oui... Oui... Ben si je suis pas rentré vendredi c'est que je suis pas venu... Et ben, je ne sais pas moi... 8 jours, peut-être 15 .... Et ben, y'a qu'à faire le nécessaire... Enfin, c'est quand même formidable, à chaque fois que j'm'absente, c'est toujours pareil, faut toujours qu'y ait des histoires...et ben, démerdez vous ...
Jean
"Pascal l'a peint tel qu'il est"... Eh ben moi j'aurais donné à mademoiselle 20/20, et en cotant vache.
Patricia
Vous êtes gentil.
Maître Folace
Vous savez combien il reste au compte courant ? 60.000, 6 briques ...
Mr Fernand
Qu'est ce que ça veut dire ? Y'aurait du coulage ?
Maître Folace
Du coulage, oh, c'est bien plus simple... Y'a que l'argent qui devait rentrer sous huitaine, n'est toujours pas rentré. Y'a que l'éducation de la princesse, cheval, musique, peinture, etc ... atteint un budget "élyséen". Et y'a que vos dépenses somptuaires ont presque des allures africaines.
Le téléphone sonne
Maître Folace
Allô oui ? ... Oui ...oui ... Il est là. Une seconde.
Mr Fernand
Qui ça ?
Maître Folace
Justement, Raoul Wolfoni.
Mr Fernand
Allô, alors on a enfin compris, on casque !
Raoul Wolfoni
Tu fais de l'obsession, t'es la proie des idées fixes. Je te téléphonais seulement pour t'avertir qu'à la distillerie, y sont en plein baccara, tu devrais t'en occuper, c'est ton rôle, grand chef.
Mr Fernand
Mais de quoi tu t'occupes ?
Raoul Wolfoni
Tu vois comme t'es injuste, on cherche à t'obliger, t'es encore pas satisfait.
A la distillerie
Tomate
Tu crois que Raoul serait tombé dans le piège ?
Théo
Il aura pas résisté à la joie d'annoncer une mauvaise nouvelle à l'autre imbécile.
Tomate
C'est étonnant que le butor n'ait pas déjà téléphoné
Théo
Y'a des impulsifs qui téléphonent, y'en a d'autres qui se déplacent ... et voilà !
Tomate
Et c'est Wolfoni qui portera le chapeau.
Théo
T'es rassuré ?
Tomate
Ouais
Théo
En voilà un qui est pratiquement sorti du bagne. Ce n'est plus qu'une affaire de patience. Dans un mois, les Wolfoni, et les affaires du Mexicain, ça deviendra Théo, Tomate et Cie dans cinq minutes.
Mr Fernand
Alors ça vient oui ?
Théo
Voilà, j'arrive .... Vous, Mr Fernand ?
Mr Fernand
Ben quoi ? Ça a l'air de t'épater ?
Théo
Raoul Wolfoni est ridicule ! Je lui avais demandé de m'envoyer un chauffeur, pas de vous déranger.
Mr Fernand
De toutes façons, maintenant j'suis là. Entre parenthèses c'est pas commode à trouver ton coin là, ça fait une plombe que je tourne autour !
Théo
La police tourne autour depuis 10 ans, elle a jamais trouvé. C'est pour ça que je regretterai cet endroit.
Mr Fernand
Et pourquoi, tu dis ça ?
Théo
Par euh ... Désenchantement, vous n'êtes jamais en proie au vague à l'âme Mr Fernand ?
Mr Fernand
Ma foi, j'en abuse pas, non.
Théo
Vous n'avez peut-être pas les mêmes raisons. Vous avez gagné la guerre, vous.
Mr Fernand
Bon, d'accord j'ai gagné la guerre mais si j'suis venu, c'est pas pour défiler. Où est-ce que tu veux en venir ? Qu'est ce qui se passe ?
Théo
Eh bien voilà ce qui s'est passé : un chargement tout prêt. Six millions de pastis. Un client qui attend entre 11 heures et minuit à Fontainebleau ; et bien, nous ne livrons pas.
Mr Fernand
Pourquoi, qu'est ce qui te gène ?
Théo
Notre dernier chauffeur est parti hier pour le Sahara, dans le pétrole, à cause des primes et des assurances sociales : l'esprit nouveau.
Mr Fernand
Un chauffeur, ça se remplace, non ?
Théo
Mr Fernand, le transport clandestin ne réclame pas seulement des compétences, mais de l'honnêteté, contrairement aux affaires régulières, on paie comptant et en liquide. Ça peut tenter les âmes simples.
Mr Fernand
Ben moi, je vois qu'une solution ! Tu prends le bout de bois et tu livres.
Théo
Faut pouvoir !
Mr Fernand
Comment ça ?
Théo
La nuit en plein milieu de la route, un homme armé, en uniforme qui agite une lanterne et qui crie halte, qu'est-ce que vous faites ?
Mr Fernand
J'm’arrête bien sûr, je passe pas dessus !
Théo
Eh bien, c'est pour ça que vous avez encore votre permis ! Moi pas !
Mr Fernand
Bon, les papiers du bahut sont en règle au moins ?
Théo
Tout est en ordre ! Mais Mr Fernand, vous ne prétendez pas ...
Mr Fernand
... Quand y'a six briques en jeu, j'prétends n'importe quoi. J'ai conduit des tracteurs, des batteuses, et toi qui parlais de guerre, j'ai même conduit un char Patton.
Théo
C'est pas ma marque préférée.
Mr Fernand
Oui, bon, dis donc, moi j'aimerais bien savoir où je livre parce que Fontainebleau c'est grand !
Théo
Il y aura une Cadillac noire, arrêtée à l'embranchement de Melun.
Sur la route, deux hommes en armes attendent Mr Fernand
Tomate
Il devrait être passé, tu vois pas qu'il soit tombé sur un barrage ce cave ! Ce serait beau !
Théo
Il tient pas la moyenne c'est tout. Avec les prétentieux, c'est toujours pareil, moi je, moi je, sur le terrain plus personne.
Tomate
J'ai l'impression qu'on annonce Mr Dugommier.
Théo
Je crois qu'il va le regretter son char Patton.
Le camion de Mr Fernand est pris sous un tir nourri et prend feu
Tomate
Mais qu'est-ce que t'attends, allume-le !
Mr Fernand arrive en loques sur la péniche des Wolfoni et toque à la porte ; Les frères Wolfoni sont en conversation.
Raoul Wolfoni
Petit frère crois-moi, le monde moderne va vers la centralisation !
Paul Wolfoni
Et Tom Hatt, qu'est-ce que t'en fais ?
Raoul Wolfoni
Ben, s’il faut virer Tomate, on le virera. Moi, j'connais qu'une loi, celle du plus fort.
Raoul Wolfoni reçoit un coup de poing à l'ouverture de la porte
Raoul Wolfoni
C'est une manie, qu'est ce qui te prend ?
Mr Fernand
Vous êtes sur la pente fatale, les gars ! Vous vous endettez, trois briques de camion plus six briques de pastis.
Paul Wolfoni
On peut savoir de quoi tu causes ?
Mr Fernand
Une autre fois ! Hein ? Ce soir je suis pas d'humeur à bavarder. Tout m'irrite !
On frappe à nouveau à la porte
Raoul Wolfoni
T'es toujours de 50% dans l'affaire ?
Paul Wolfoni
Ben, bien sûr !
Raoul Wolfoni
Alors va ouvrir !
De retour à la maison du Mexicain, Patricia a organisé une petite fête ...
Un invité
Convocation : 9 heures ! J'ai l'impression mon cher, que nous ne sommes pas en avance. Vous êtes un ami de Pat ou un copain d'Antoine ? Je me demande si il la saute?
Mr Fernand
Qui saute qui ?
Un invité
Ben ... Antoine ... Patricia ...
Mr Fernand l’assomme d’un coup de poing
Mr Fernand
Jean ?
Jean
Une seconde, monsieur
Antoine Delafoy
Le cercle de famille s'agrandit.
Mr Fernand
Où est Patricia, et maître Folace ?
Jean
A la cuisine, il aide, lui.
Patricia
Oncle Fernand ?
Mr Fernand
Ah te voila toi ! et c'est ça que t'appelles une petite dinette au coin du feu, dis ? Tu vas m'expliquer un petit peu maintenant ?
Patricia
D'où viens-tu ?
Mr Fernand
De chez des amis.
Patricia
D'anciens Paras ? Vous avez évoqué le bon vieux temps, cooptation, close combat, vous avez joué au lance flamme ... Je t'ai demandé la permission d'inviter des amis, t'étais d'accord ; tu sais qu'ils sont tous d'excellentes famille ? Celui qui vient de t'offrir du scotch, tu sais qui c'est ? Jean-Claude Tellier, le fils du contre-amiral. Écoute, tu tiens toujours à ce que je passe mon bachot, alors sois logique ! Le bachot sans relations, c'est la charrue sans les bœufs. Le tenon sans la mortaise, bref, une nièce sans son petit oncle ! Avoue que tu n'avais jamais pensé à ça.
Mr Fernand
C'est fini oui ?
Patricia
Entre nous, à quoi penses-tu en général ?
Mr Fernand
A Montauban, on devrait jamais quitter Montauban !
Dans la cuisine
Maître Folace
Charmante soirée, n'est-ce pas ? Vous savez combien ça va nous coûter ? 2.000 francs nouveaux.
Mr Fernand
Y'en a qui gaspillent, et y'en a d'autres qui collectent ... Hein ?
Jean
' Faudrait encore des sandwiches à la purée d'anchois, ils partent bien ceux-là.
Mr Fernand
Voilà vos encaissements en retard ... et avec une avance en plus. Les Wolfoni ont essayé de me flinguer, oui maître.
Maître Folace
C'est pourtant pas leur genre
Mr Fernand
Eh ben ça prouve qu'ils ont changé de genre. Voila.
Jean
Quand ça change, ça change, faut jamais se laisser démonter.
(Il sort un pistolet du bahut, l’arme et l’empoche).
Maître Folace
Vous croyez qu'ils oseraient venir ici ?
Mr Fernand
Les cons ça ose tout ! C'est même à ça qu'on les reconnaît.
Les Wolfoni pénètrent dans la maison
Paul Wolfoni
T'es sûr que tu t'es pas gouré de crèche ?
Raoul Wolfoni
J'me goure jamais, en rien.
Un invité
Scotch ou jus de fruit ?
Raoul Wolfoni
Rien !
Raoul Wolfoni
Si c'est notre pognon qu'ils sont en train d'arroser les petits comiques, ça va saigner ! ... Dites donc mon brave,
Jean
Monsieur ?
Raoul Wolfoni
Il est là, votre patron ?
Jean
Qui demandez-vous ?
Raoul Wolfoni
Mr Fernand Naudin
Jean
Mr Fernand ....
Raoul Wolfoni
... Fernand l'emmerdeur, Fernand le malhonnête, c'est comme ça que j'l'appelle moi.
Jean
Si ces messieurs veulent bien suivre ...
Raoul Wolfoni
Et comment. Alors, tu viens dis ?
Jean
Si vous voulez vous donner la peine d'entrer…
Dans la cuisine
Raoul Wolfoni
Bougez-pas ! Les mains sur la table. J'vous préviens qu'on a la puissance de feu d'un croiseur et des flingues de concours.
Jean
Si ces messieurs veulent bien me les confier…
(Il pointe son pistolet dans leur dos)
Raoul Wolfoni
Quoi ?
Patricia fait irruption dans la cuisine
Patricia
Oh non, on est encore en panne de sandwiches. Tu sais mon oncle, si tes amis veulent danser ...
Patricia sort de la cuisine
Jean
Allons vite messieurs, quelqu'un pourrait venir, on pourrait se méprendre, et on jaserait. Nous venons déjà de frôler l'incident.
Mr Fernand
Tu sais ce que je devrais faire, rien que pour le principe ...
Raoul Wolfoni
Tu trouves pas que c'est un peu rapproché ?
Paul Wolfoni
J'te disais que cette démarche ne s'imposait pas. Au fond maintenant, les diplomates prendraient plutôt le pas sur les hommes d'action. L'époque serait aux tables rondes et à la détente. Hein ? Qu'est-ce que t'en penses ?
Mr Fernand
J'dis pas non.
Raoul Wolfoni
Bé dis donc, on est quand même pas venus pour beurrer des sandwiches ?
Paul Wolfoni
Pourquoi pas ? Au contraire, les tâches ménagères ne sont pas sans noblesse. Surtout lorsqu'elles constituent le premier pas vers des négociations fructueuses. Hein ?
Mr Fernand
Maître Folace, vous avez oublié de planquer les motifs de fâcherie.
(La sacoche débordant de billets posée sur la table).
Paul Wolfoni
Oh, Mr Fernand.
Mr Fernand
Tu connais la vie Mr Paul .... Mais pour en revenir au travail manuel, ce que vous disiez est finement observé. Et puis, ça reste une base.
Raoul Wolfoni
Ca, c'est bien vrai. Si on rigolait plus souvent, on aurait moins souvent la tête aux bêtises.
Une invitée fait irruption dans la cuisine ...
Une invitée
Jean ? Mais il est où Jean ?
Maître Folace
Qu'est ce que vous lui voulez ?
Une invitée
Y'a plus de glace et y'a plus de scotch !
Mr Fernand
Maître Folace, donnez-lui des jus de fruit, allez ...
Une invitée
Pas de jus de fruit, du scotch, vos jus de fruit vous pouvez vous les...
Maître Folace
... Allons mademoiselle ! L'oncle de Patricia vous dit qu'il n'y a plus de scotch, un point c'est tout.
Une invitée
Vous n'avez qu'à en acheter, avec ça.
(La sacoche aux billets)
Maître Folace
Touche pas au grisbi, salope !!
Raoul Wolfoni
L'alcool à ç't'age là !
Mr Fernand
C'est un scandale hein ?
Raoul Wolfoni
Nous par contre, on est des adultes, on pourrait peut-être s'en faire un petit ?
Mr Fernand
Maître Folace ?
Maître Folace
Seulement, le tout-venant a été piraté par les mômes. Qu'est-ce qu'on fait, on s'risque sur le bizarre ? Ca va rajeunir personne.
Raoul Wolfoni
Ben nous voilà sauvés.
Jean, qui entre
Tiens, vous avez sorti le vitriol ?
Mr Fernand
Pourquoi vous dites ça ?
Raoul Wolfoni
Il a pourtant un air honnête.
Mr Fernand
Sans être franchement malhonnête, aux premiers abords, comme ça, il ... a l'air assez curieux.
Maître Folace
Il date du Mexicain, du temps des grandes heures, seulement on a dû arrêter la fabrication, y'a des clients qui devenaient aveugles.
Maître Folace
Oh, ça faisait des histoires.
Ils boivent
Raoul Wolfoni
Faut reconnaître, c'est du brutal !
(Les larmes aux yeux)
Paul Wolfoni
Vous avez raison, il est curieux hein ?
Mr Fernand
J'ai connu une Polonaise qu'en prenait au petit déjeuner. Faut quand même admettre que c'est plutôt une boisson d'homme.
Raoul Wolfoni
Tu sais pas ce qu'il me rappelle ? C't'espèce de drôlerie qu'on buvait dans une petite taule de Bien Ho Har pas tellement loin de Saïgon. Les volets rouges et la taulière, une blonde komac. Comment qu'elle s'appelait nom de dieu ?
Mr Fernand
Lulu la Nantaise.
Raoul Wolfoni
T'as connu ?
Paul Wolfoni
J'lui trouve un goût de pomme.
Maître Folace
Y'en a.
Raoul Wolfoni
Eh bien c'est devant chez elle que Lucien le Cheval s'est fait dessouder.
Mr Fernand
Et par qui ? Hein ?
Raoul Wolfoni
Ben v'la qu’ j'ai pu ma tête.
Mr Fernand
Par l'fondu de Montréal qui travaillait qu'à la dynamite.
Raoul Wolfoni
Toute une époque !
Dans la salle à manger
Patricia
Tu boudes ?
Antoine Delafoy
Bouder moi tu plaisantes. N'empêche que je commence à en avoir assez des amours clandestines ; s'embrasser par téléphone deux fois par jour, c'est bien mignon, mais j'suis un homme moi tu comprends ? Tout ça à cause de ton oncle. Ecoute, c'est vraiment trop bête, on dirait vraiment que vous avez tous peur de lui. Mais j'vais aller lui parler moi.
Patricia
Tu vas lui parler de quoi ?
Antoine Delafoy
Je vais lui parler de notre mariage, de toi, de moi, de nous.
Patricia
Répète un peu ce que tu viens de dire !
Antoine Delafoy
De toi, de moi,
Patricia
Non, non juste le premier mot. C'était le meilleur.
De nouveau dans la cuisine
Maître Folace
D'accord, d'accord, je dis pas qu'à la fin de sa vie Jo le Trembleur il avait pas un peu baissé. Mais n'empêche que pendant les années terribles, sous l'occup', il butait à tout va. Il a quand même décimé toute une division de panzers.
Raoul Wolfoni
Ah ? Il était dans les chars ?
Maître Folace
Non, dans la limonade, suis c'qu'on t'dit !
Raoul Wolfoni
J'ai plus ma tête ...
Maître Folace
Il avait son secret le loup
Raoul Wolfoni se lève précipitamment
C'est où ?
Jean
A droite, au fond du couloir.
Maître Folace
Et ... Et ... Et ... 50 kilos de patates, un sac de sciure de bois, il te sortait 25 litres de 3 étoiles à l'alambic ; un vrai magicien Jo. Et c'est pour ça que je permets d'intimer l'ordre à certains salisseurs de mémoire qu'ils feraient mieux de fermer leur claque-merde !
Paul Wolfoni
Vous avez beau dire, y'a pas seulement que de la pomme, y'a autre chose, ce serait pas des fois de la betterave ? Hein ?
Mr Fernand
Si, y'en a aussi,
Raoul Wolfoni dans la salle à manger
Raoul Wolfoni
On vous apprend quoi à l'école mon petit chat ? Les jolies filles en savent toujours trop. Vous savez comment je l'vois votre avenir ? Vous voulez le savoir ?
Patricia
Non, non, non ...
Raoul Wolfoni
Ben j'vais vous dire quand même, j'vois une carrière internationale, des voyages, ouais, l'Egypte par exemple, c'est pas commun ça l'Egypte ? C'qui a d'bien là-bas, c'est qu'l'artiste est toujours gâté.
Antoine Delafoy
Monsieur désire un renseignement ?
Patricia
Non, monsieur me proposait une tournée en Egypte.
Antoine Delafoy
Hein ?
Raoul Wolfoni
Non, j'disais l'Egypte comme ça ! J'aurais aussi bien pu dire ......... Le Liban.
Antoine Delafoy
Je vois, Monsieur dirige sans doute une agence de voyage ?
Patricia
Mais non voyons chéri, Monsieur fait la traite des blanches, c'est courant, allez, viens !
De retour dans la cuisine
Mr Fernand
J'reprendrais bien quelque chose de consistant moi !
Raoul Wolfoni
Dis donc, elle est maquée à un jaloux ta nièce ? J'faisais un brin de causette, le genre réservé, tu m'connais, voilà tout d'un coup qu'un petit cave est venu me chercher, les gros mots et tout !
Mr Fernand
Monsieur Antoine !
Jean
Je serais pas étonné qu'on ferme !
Mr Fernand
et les autres en chœur DEHORS ! DEHORS ! TOUT LE MONDE DEHORS !
Le lendemain, Maître Folace vient réveiller Mr Fernand.
Maître Folace
Oh! Oh ! Réveillez-vous !
Mr Fernand
Dis donc, qu'est-ce que vous faîtes là vous ?
Maître Folace
J'ai le regret de vous faire savoir que Mademoiselle Patricia ne s'est pas rendue à son cours ce matin.
Mr Fernand
Quoi ?
Maître Folace
Patricia, n'est pas allée aux cours ce matin ; l'institution vient de téléphoner.
Mr Fernand
J'vous garantis qu'elle va y aller à son cours. Elle va même y aller tout de suite.
Ils se rendent dans la chambre
Mr Fernand
Mais enfin, elle est partie, c'est pas possible ?
Maître Folace
Vous avez connu sa mère ?
Mr Fernand
Quel est le rapport ?
Maître Folace
L'hérédité. Cette manie qu'elle avait, la maman, de toujours faire les valises.
Mr Fernand
Suzanne Beau sourire a été élevé à Bagneux dans la zone ; et à seize ans elle était sujet vedette chez Mme Reine alors j'vous répète, j'vois pas le rapport.
Maître Folace
On pourrait peut-être prévenir la police ?
Mr Fernand
Vous voulez que le Mexicain se retourne dans sa tombe. Sa fille recherchée par les perdreaux ; y'a vraiment des fois où vous déconnez ferme ... Jean ?
Jean
Monsieur ?
Mr Fernand
Dites donc, euh ... Vous avez vu partir la petite vous ce matin ?
Jean
Oui, Monsieur, comme d'habitude à huit heures.
Mr Fernand
Et vous avez rien remarqué ?
Jean
Si Monsieur, les valises.
Mr Fernand
Comment, c'est maintenant qu'y m'dit ça : une môme qui s'en va soit disant à l'école avec des valoches et vous, vous trouvez ça naturel ?
Maître Folace
Go on, go on or he'll break your dirty face
Mr Fernand
On peut dire que je suis comblé. Merci Messieurs, merci !
Mr Fernand
Qu'est-ce que c'est que ça ?
Jean
C'est le numéro du radio-taxi qu'elle a pris. YES SIR.
Mr Fernand dans le taxi
Mr Fernand
Vous êtes sûr que c'est là ?
Le taxi
Un peu, j'ai coltiné les bagages à la troisième baraque.
Mr Fernand
Non mais elle est folle ?
Le taxi
C'est toujours ce qu'on a tendance à croire chaque fois qu'elles nous font la malle.
Mr Fernand
Attendez-moi, j'en ai pour cinq minutes.
Le taxi
Ah, j'aimerais mieux que vous appeliez un collègue, si la petite dame me voit, j'aurais le vilain rôle. Six cinquante. Et puis nous, dans le métier, les ruptures, les retrouvailles, toutes les fluctuations de la fesse, on préfère pas s'en mêler. Moi j'ai un collègue comme ça, transporteur de cocu, y s'est retrouvé criblé en plein jour, rue Godeau, par une maladroite.
Mr Fernand
Oui ben ça va ça va.
Le taxi
Merci bien Monsieur ... Soyez quand même pas trop dur ...
Mr Fernand entre dans l'appartement d’Antoine
Antoine Delafoy
Ah nom de Dieu, de nom de Dieu, mais où faut-il s'expatrier mon Dieu pour avoir la paix ? Au Groënland, à la Terre de feu, j'allais toucher l'anti-accord absolu, vous entendez : ABSOLU. La musique des sphères ... Mais qu'est-ce que j'essaie de vous faire comprendre, homme singe !
Mr Fernand
Vous permettez ?
Antoine Delafoy
Ah non !
Mr Fernand
Monsieur Delafoy, lorsque vous aurez terminé avec vos instruments de ménage ...
Antoine Delafoy
Oh, vous entendez ça, des instruments de ménage, l'ironie du primate, l'humour Louis Phillipard, le sarcasme Prud’homesque. Monsieur Naudin, vous faites sans doute autorité en matière de Bulldozer, de tracteur et Caterpillar, mais vos opinions sur la musique moderne et sur l'art en général, je vous conseille de ne les utiliser qu'en suppositoires. Voila ! Et encore, pour enfant. J'ajouterai qu'ayant dormi à la porte de chez vous, je comprends mal ...
Mr Fernand
Où est Patricia ?
Antoine Delafoy
Je comprends mal disais-je votre présence chez moi !
Mr Fernand
OU EST PATRICIA ?
Patricia
Ici mon Oncle ... Bonjour !
Mr Fernand
Mais enfin ... Mais enfin Patricia, qu'est-ce que tu fais là ? Qu'est-ce que ça veut dire tout ça ?
Patricia
Tu vois, je civette, je bainmarise, je ragougnasse. Je donne à Antoine tout apaisement dans l'avenir. Logique non ? Il doit passer sa vie avec moi.
Mr Fernand
Passer sa vie ?
Patricia
Naturellement, tu restes déjeuner avec nous ? Chéri !
Antoine Delafoy
Oui ?
Patricia
Tu devrais descendre chez l'Italien, je crois que nous allons manquer de vin.
Antoine Delafoy
Oncle Fernand préfère le Bordeaux ou le Bourgogne ? Hein ? ... ... Ben on prendra les deux.
Patricia
Ça ne va pas, qu'est-ce que tu as ?
Mr Fernand
Euh ... J'deviens louf', c'est tout !
Patricia
Oh, mon civet qui brûle ! Tu peux venir tu sais.
Mr Fernand
Écoute Patricia ... Qu'est ce qui t'a pris de partir comme ça? Tu nous as fait faire un mauvais sang du diable !
Patricia
Qu'est ce qui t'a pris de mettre Antoine à la porte ?
Mr Fernand
Tu veux mon avis ?
Patricia
C'est bien pour ça que je te le fais goûter
Mr Fernand
Non, mais c'est pas de ça qu'il s'agit, c'est de mon avis sur ton Antoine
Patricia
MON Antoine, tu ne crois pas si bien dire, il m'épouse.
Mr Fernand
Patricia, attention, ne nous emballons pas ; d'abord est ce que tu l'aimes, ben ... Est-ce que tu l'aimes assez pour l'épouser ?
Patricia
Oh, presque trop, c'est du gâchis ; ça méritait une liaison malheureuse, tragique, quelque chose d'Espagnol, même de Russe. Allez, viens donc boire un petit scotch va, ça te fera oublier ceux d'hier.
Mr Fernand
Hier, j'ai rien bu. Mais alors pas ça !
Patricia
Alors, pourquoi tu déambulais toute la nuit ? Tu as même fait couler deux bains.
Mr Fernand
Les nerfs ! Dis-moi, tu comptes rentrer pas trop tard. Oui, il faudrait pas que la future belle-famille aille s'imaginer que ... Nous menons une vie de bohème quand même. Parce que ton Antoine, il est bien gentil avec ses airs là, mais tu vas voir qu'il va nous faire surgir une famille comme tout le monde.
Au repas
Antoine Delafoy
Bref, seul rescapé d'une famille ébranlée par les guerres coloniales, les divorces et les accidents de la route, Papa, Adolphe Amédée Delafoy dit "Le Président", un personnage : il collectionne les pendules et les contraventions, les déceptions sentimentales et les décorations ; il les a toutes sauf la médaille de sauvetage, la plus belle selon lui, mais la plus difficile à décrocher quand on est pas Breton.
Mr Fernand
Un homme curieux, dites-donc !
Antoine Delafoy
Un père ... Adolphe Amédée témoigne en matière d'art de perversion assez voisine des vôtres, défenseur de Reynald de Houe...
Mr Fernand
' Connais pas.
Antoine Delafoy
... Lui, si ! A part ça, ce qu'il est convenu d'appeler un grand honnête homme. Porté sur la morale et les soubrettes, la religion et les jetons de présence ... Vous connaissez sa dernière ? Il vient de se faire bombarder vice-président du Fonds Monétaire International.
Mr Fernand
Oh ?
Patricia
A quoi penses-tu ?
Mr Fernand
Fonds Monétaire, pas bête ça tu sais !
Dans la chambre le lendemain matin, Jean, Maître Folace et Patricia souhaitent l'anniversaire de Mr Fernand.
Jean, Maître Folace et Patricia en chœur
Happy birthday to you, happy birthday to you ...happy birthday Fernand ...
Patricia
Bon anniversaire, mon Oncle !
Maître Folace
Joyeux anniversaire, mon cher.
Jean
Good health and hapiness, Sir ! Santé et prospérité, Sir !
Mr Fernand
C'est vraiment trop gentil.
Patricia
On m'a apporté celui-là tout à l'heure. Expéditeur : Wolfoni frères.
Mr Fernand
On a beau avoir fait la paix, ça fait quand même quelque chose. Et j'dois dire, le geste est délicat.
Patricia
C'est sûrement une pendule, écoute !
Mr Fernand prend le paquet et le jette par la fenêtre, une déflagration secoue la pièce.
Plus tard, Mr Fernand arrive sur la péniche des Wolfoni, frappe à la porte, Raoul Wolfoni lui ouvre.
Mr Fernand
Happy birthday to you, Happy birthday to you, Happy birthday to you, Happy birthday to you ...
Mr Fernand décoche un coup de poing à Raoul Wolfoni et se retire.
Paul Wolfoni
Il est parti.
Raoul Wolfoni
Non, mais t'a déjà vu ça ? En pleine paix, il chante et puis PAF, un bourre pif ! Il est complètement fou ce mec. Mais moi, les dingues, je les soigne. J'vais lui faire une ordonnance et une sévère ... J'vais lui montrer qui c'est Raoul. Aux quat' coins d'Paris qu'on va l'retrouver éparpillé par petits bouts, façon Puzzle. Moi, quand on m'en fait trop j'correctionne plus : j'dynamite, j'disperse, j'ventile.
Les Wolfoni arrivent chez le Mexicain.
Paul Wolfoni
On aurait pas dû venir.
Raoul Wolfoni
Ta gueule !
Raoul Wolfoni
Assure-toi qu'il est bien recouché !
Raoul Wolfoni
Alors, y dort le gros con ? Ben y dormira encore mieux quand il aura pris ça dans la gueule ! Il entendra chanter les anges, le gugus de Montauban ; j'vais l'renvoyer tout droit à la maison mère, au terminus des prétentieux...
A l'hôpital, les deux frères sur leur lit
Raoul Wolfoni
Fumier va !
Mr Fernand lit le journal dans la salle de séjour de la maison du Mexicain
Mr Fernand
Enigme dans l'affaire du camion incendié parmi les bouteilles de pastis clandestin transportées par les fraudeurs, certains contenaient de l'essence. Evidemment ça brûle mieux.
Pascal
Oui, mais Mr Fernand, ce que vous avez fait aux Wolfoni, c'est pas bien !
Bastien
C'est surtout, pas juste !
Mr Fernand
Elle est bien belle celle-là ! Comment, ils me flinguent à vue, il me butent Henri ...
Pascal
Justement pas !
Bastien
Ah ... Tiens explique, toi !
Pascal
Mr Fernand, si les Wolfoni vous avaient seringué, vous et Henri, qui aurait été aux commandes, hein ?
Bastien
Moi, première gâchette !
Mr Fernand
Et c'était pas toi !
Mr Fernand
Dîtes-donc, Théo, l'ami Fritz là, question mentalité, quelle cote vous lui donnez ?
Pascal
Ben, c'est pas blanc bleu.
Mr Fernand
Ça vous dirait de faire une petite commission pour moi ?
Pascal
Nous, si les Wolfoni sont plus dans le tourbillon…
Bastien
Présenté comme ça, la chose peut nous séduire.
Mr Fernand
Ben alors vous pourriez peut être passer voir Théo à la campagne. Il a sans doute besoin de parler, de causer et à vous qu'il connaît bien, il se confierait peut-être ?
Pascal
Je vois pas de raisons pour qu'il nous fasse des cachotteries.
Bastien
J'vois pas non plus ...
Pascal
Ou alors, ce serait carrément le goût de taquiner !
Pascal et Bastien téléphonent de la distillerie
Pascal
Alors voilà, Mr Fernand, on est passé à la distillerie. Théo était pas là, on est tombé sur Tomate, curieux non ?
Mr Fernand
Qu'est ce qu'il faisait là ?
Pascal
Détendez-vous, Mr Fernand, il nous l'a dit ce qu'il faisait là.
(Tomate a été dessoudé dans la distillerie par Bastien et Pascal)
Théo et son ami retournent dans la distillerie et trouvent Tomate raide
Théo
Pauvre Tomate; je le voyais pas s'en aller si vite.
L'ami de Théo
Comme ça, on aura pas à le faire, puisque c'est pas lui qu'on devait clôturer.
Théo
C'est tout ce que t'as trouvé, tu comprends que si Tom Hatt est descendu, c'est que l'autre branque a compris et que ça sera bientôt notre tour. Seulement maintenant, on a le droit pour nous.
L'ami de Théo
Le droit ?
Théo
Légitime défense. Avec moi, ça ne pardonne pas.
A la maison du Mexicain
Maître Folace
Mon cher, nous avons de la visite !
Mr Fernand
Comme effet de surprise, c'est réussi ! V'là qu'on s'fait flinguer.
Mr Fernand s'adressant à Jean qui ouvre un coffre-fort
J'te demande pas si tu sais les ouvrir !
Jean tendant un pistolet à Mr Fernand
Je ne demande pas à Monsieur si Monsieur sait s'en servir !
Amédée de la Foy arrive en pleine fusillade et se dirige vers la maison, où il sonne à la porte.
Jean
Monsieur attendait quelqu'un ?
Maître Follas
D'après Monsieur, serait-ce une feinte de l'ennemi ?
Amédée de la Foy
Voulez-vous m'annoncer auprès de Mr Fernand Naudin, je vous prie?
(Il est affligé de surdité)
Jean
D'la part de qui ? ... DE LA PART DE QUI MONSIEUR ?
Amédée Delafoy
Quoi, qu'est-ce qu'il y a mon ami ? Articulez !
Jean
De la part de qui monsieur ?
Amédée Delafoy
De la part du président Delafoy, le père d'Antoine Delafoy.
Jean à Mr Fernand
Le Président Delafoy !
Amédée Delafoy
Puisqu'on ne m'annonce pas, je le fais moi-même : Prrésident Delafoy ...
Coup de feu
Mr Fernand
Moi aussi, je suis ravi de faire votre connaissance...
Coup de feu
Amédée Delafoy
Je vois que vous êtes habitué à mener les choses rondement. Ce n'est pas pour me déplaire d'ailleurs, j'aime l'action, l'initiative ; quand j'étais jeune, je jouais au hockey sur gazon ...
Coup de feu
Amédée Delafoy (une horloge sonne)
Mon Dieu, fin XVIIIème, de Ferdinand Bertaud. A moins que ma future belle-fille n'y tienne vraiment, je l'échangerais bien contre autre chose. Oui, pardonnez-moi, j'anticipe. Eh bien, Monsieur, j'ai l'honneur de vous demander la main de votre nièce Patricia pour mon fils Antoine.
Mr Fernand fait signe à Jean
Amédée Delafoy
Ce oui est un cri du cœur, je n'en attendais pas moins. Cette maison est un ravissement, cette verdure, ce calme; Voyez-vous Monsieur, rien ne vaut ces vieilles demeures de famille, ces greniers où nous avons joué enfants.
Amédée Delafoy
Il me semble avoir entendu ...
Mr Fernand
Oui, c'est le jardinier qui ... tue les taupes !
Mr Fernand
Jean ! Voulez-vous lui dire de faire un peu moins de bruit s'il vous plaît ?
Jean
J'vais essayer de lui faire comprendre Monsieur.
Amédée Delafoy
Dites-moi que c'est un héritage, un cadeau, un objet de famille, mais ne me dites pas que vous l'avez trouvé à Paris, vous me tueriez !
Mr Fernand
Quoi ?
Amédée Delafoy
Ça !
Une balle frappe le plafond et fait tomber du plâtre sur le Président
Amédée Delafoy
Ouh ! Mais qu'est-ce que c'est ?
Mr Fernand
Des termites.
Amédée Delafoy
Hein ?
Mr Fernand
Des termites, ça bouffe tout les termites ! L'ennui de ces vieilles demeures où nous avons joué enfants. Sales bêtes !
Pascal et Bastien arrivent et sont repérés par Théo et sa bande qui stationnent dans le Jardin
Théo
Les horribles !
Son acolyte
Séparément ils sont déjà pas drôles, j'suis pas pressé de connaître leur numéro de siamois.
Théo
Il faut bien admettre qu'exceptionnellement, Dieu n'est pas avec nous ! Mais il ne sera pas dit que nous ayons sorti le matériel pour rien ...
Les Wolfoni sortent de l'hôpital, Théo et sa bande passent en trombe devant eux et les mitraillent.
Théo
Je ne dis pas que c'est pas injuste, je t'ai dit que ça soulage !
Chez le Tailleur
Le tailleur
Parfait, absolument parfait, et pourtant, une jaquette c'est difficile à porter ! Et Monsieur la porte à ravir ; Monsieur a une morphologie de diplomate.
Mr Fernand
Très bien, très bien, soyez assez gentil de m'envoyer votre facture le plus vite possible, parce que moi, je repars en Province après demain, hein ?
Chez le photographe
Le photographe
Ne bougeons plus !
Patricia
Mon oncle, c'est merveilleux, je n'aurais jamais pensé qu'on avait autant d'amis.
Mr Fernand
Nous en avons encore beaucoup plus que tu ne le penses !
Antoine Delafoy
Vous avez l'air exceptionnellement détendu, Oncle Fernand, heureux de vivre !
Mr Fernand
Ah oui, ça, vous pouvez le dire. Maintenant que ma mission de tuteur est terminée, et croyez moi ... Et quant aux diverses affaires constituant la dot de notre petite Patricia ; votre père a accepté de les prendre en charge. Elles sont sans doute un petit peu particulières mais enfin, avec un vice-président du fonds monétaire à leur tête, ben moi je pense que tout ira bien !
Antoine Delafoy
Oui, surtout avec Papa, il ne comprend rien au passé, rien au présent, rien à l'avenir, enfin, rien à la France, rien à l'Europe enfin rien à rien ; mais il comprendrait l'incompréhensible dès qu'il s'agit d'argent.
Mr Fernand
C'est pas du toc au moins ?
Jean
Mr Fernand, du vieux Paris.
Pascal
Mr Fernand, Mr FERNAND
Pascal
Y'a du nouveau : Théo est réapparu, il est à la distillerie avec tout son petit monde.
Mr Fernand
Quoi ?
Pascal
Ils démontent le matériel ; on dirait qu'ils vont se faire la malle.
Mr Fernand
Et t'es là ? Jean ?
Pascal
Mais Bastien monte la garde. On aurait pu les flinguer sans douleur, mais on a pensé que Théo vous revenait de droit. On a déjà vu des patrons se vexer.
Mr Fernand
Jean ! Dites à mademoiselle que j'ai une course urgente à faire et que je les rejoins quand j'ai fini hein, voilà !
Jean
Pour ce genre de courses, je conseille à Monsieur, si Monsieur me permet, de ne pas partir la musette vide.
Pascal
Oh dis donc, tu m'a déjà vu pas emporter ce qu'il faut, où il faut et quand il faut ?
Jean
Oh excusez-moi, Mr Pascal, mais des jours comme aujourd'hui, on a plus sa tête
Mr Fernand
Allez vite !
Pascal et Mr Fernand arrivent à la distillerie, ils rejoignent Bastien
Bastien
Ils sont là, j'en ai déjà repéré trois ! Y'en a peut-être d'autres ?
Pascal
Qu'est-ce qu'on fait ? on attend qu'ils sortent ? On fait un fermé ou un rabat ?
Mr Fernand
J'ai pas le temps d'attendre moi, j'ai une cérémonie à dix heures ! Bon !
Bastien
Ils arrivent
Pascal observant l'arme de Bastien
Qu'est-ce que je vois là ?
Bastien
J'l'avais en cas qu'il aurait fallu tirer en rafale, des fois qu'ils seraient tous sortis d'un coup, TATATATATA ......Hop !
Pascal
C'est marrant que t'aies gardé ce côté maquisard, t'es pas en âge d'arrêter tes momeries ?
Mr Fernand
Bon, c'est fini oui ? Puisque je vous dis que je suis pressé !
La fusillade éclate, Théo parvient à s'échapper. Mr Fernand, Pascal et Bastien se rejoignent à leur voiture.
Pascal (observant la chemise déchirée de Mr Fernand).
Patron ?
Mr Fernand
Oh ! Merde !
Tout le monde se retrouve à l'église.
La cantatrice chante, une explosion vient secouer l'église, Bastien et Pascal rentrent dans l'Eglise...
Fin
JCP 01 2018