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La Chanson Grise
18 avril 2019

0021 Une naissance

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Une naissance

                                 C'était à Bethléem, cité de l'Orient, au sein des vastes faubourgs extérieurs. La ville était frappée cette nuit-là des vents chauds venus du désert qui l'entourait, et, dans les airs ignorants des pollutions futures, la plupart des étoiles de renom étaient visibles - excepté l'étoile polaire, que l'Ourse Mineure un peu lasse avait délaissée.

Tout au fond d'une sombre étable, un bœuf, un âne et quelques poules discouraient bruyamment :

- Vous le verrez, ce sera un garçon déclarait le bœuf placide, tout en mâchonnant une langoureuse paille.

- Supposition est mère du mensonge, et je vous dis en vérité que ce qui sera doit être accueilli, contesta l'âne, que certains élans de sagesse traversaient parfois.

- Yapadeuf, yapadeuf !

  Pas d'œuf pas d'enfant neuf !

psalmodiaient sans se lasser les poules, dont la modeste cervelle n'associait de naissance qu'à l'œuf.

Soudain le maître de maison, homme de forte laideur, l'os aigu, le cheveu hirsute tout parsemé de sciure mais le visage bon entre les rides noires, interrompant l'animale controverse, parut courbé sur un vagissant fardeau. Il déposa sans ménagements l'enfant enveloppé d'un tissu grossier sur la paille, ses yeux crevant le plafond rustique d'une indicible haine :

- Nom de Dieu, c'est une fille !... que vont dire les Rois Mages...

Jailli de l'étable le rouge au front, on le vit alors enfui vers une improbable traversée du désert brûlant - alors qu'un certain sourire illuminait la face du baudet.

 

JCP 04 2016  pour Les Impromptus Littéraires (sujet : refaire l'histoire ou : uchronie)

 

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14 avril 2019

L'ombre de Sisyphe (0980, "Monde Neuf")

 

Comme apparue du fond des âges,

la pierre toujours dévalée qu’un même effort remonte

brûle son lent volume d’une érosion de parade,

et rien ne paraît vouloir changer.

Le rocher redescend et les pôles demeurent :

Impérieuse gravité que l’homme laborieux apprend encore à vaincre.

 

Avenir mal bâti d’une brique friable,

tu étais pourtant beau,

déposé sur la table à la lueur des lampes !

 

Mais tant d’écrits de l’homme s’érigent en vanité

qu’aux méandres de l’esprit la pensée peut grandir,

mais l’ombre de la main qui parcourt l’escalier

n’en balaiera jamais un seul grain de poussière.

 

 

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Jyssépé  01-03 / 2019

6 avril 2019

Citation

 

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Talleyrand (1754-1838)

« La politique ce n'est qu'une certaine façon d'agiter le peuple avant de s'en servir. »

 

2 avril 2019

Tsunami (P0051)

                                                   

                                      C’était en ces montagnes qui ferment tout au sud le beau pays de France et que d’aucuns, venus du nord, croient douces. Ici, une invisible ligne-frontière pourfend sans état d’âme lacs et sommets sans qu’ils en souffrent - autrement qu’à apprendre le parler du voisin.

Le périple était long, la charge pénible, et le risque était celui, banal, de la haute-montagne, incluant la chute, la blessure et la mort. Tout vrai montagnard sait. Au nord de ce sud-là, l’été, dans sa jeunesse, obéit encore au vieil hiver qui s’octroie dans l’ombre d’éternels territoires blancs.

Le sac lourdement chargé enfin déposé sur la paille d’hiver que la neige abandonne, tente montée sans empressement tout au bord du lac superbe, un repas généreux tiré du sac couronna la rude journée d’ascension. Dans la contemplation du vaste paysage, les sombres aiguilles le clôturant au sud étaient dominées toutes par le sommet longtemps rêvé, curieux pain de sucre à la cime tronquée de biais, but suprême d’un lendemain espéré beau. Et se dessine au loin une part du chemin à parcourir qui, vu du bas, parmi roche et névés, semble difficile.

Coucher de soleil étincelant mais bref reflété par les eaux du lac, la nuit tombe. Il faut dormir : le minuscule réveil à pile est sur cinq heures.

Mais au creux du sommeil un rêve se précise :

Cascades et rochers, neiges croûteuses et glacées, tout coule et s’écroule à mon passage et me poursuit ! J'esquive et reste sauf, mais pour combien de temps ? Des torrents débordés me pourchassent, et je cours à toutes jambes devant ces eaux grondeuses, qui déjà m’atteignent aux jambes et me renversent : je suis dans l’eau glacée, je suffoque, le froid me réveille.

- Et me réveille vraiment, car ce n'est plus un rêve : duvet noyé, l’eau est dans la tente ! Je tire la fermeture et malgré le noir où je suis plongé, je vois mes souliers, aspirés par le ressac bouillonnant, s’échapper sous la toile. Assis dans l’eau, tous vêtements noyés, le lac déborde par vagues !

Une fermeture éclair plus tard, grelottant dans la nuit, à quatre pattes sur la pelouse où l’eau se retire peu à peu, une muraille blanche oscille lentement devant moi, tel un navire à quai me cachant la vue. Une faible lueur à l’est annonce le lever du jour.

Alors je sus :

L’énorme pont de neige et de glace qui enjambe le torrent alimentant tout lac de montagne et subsistant tard en saison, sollicité par les premières chaleurs, avait basculé tout entier dans les eaux du lac en pleine nuit, créé un raz de marée et inondé tente et occupant endormi : quel réveil ! Tente qui, de bonne conception, résista*.

Stupide : camper à deux mètres du bord !

Soleil d’été enfin levé haut et fort (une chance), je pus courir me sécher tant bien que mal devant le poêle du refuge le plus proche où je passai la nuit suivante (duvet mouillé…) - non sans avoir escaladé sans dommage le Maupas malgré son final délicat, but de ce périple qui faillit tourner court au bord d’un « paisible » lac de montagne.

Le prestige - rare - de mourir noyé en altitude sous les marées lacustres d’un improbable mont Saint-Michel des montagnes m’ayant été refusé, je dus bien retourner, sauf mais heureux, vers les plates campagnes au vert imbécile et sans panache, des banlieues toulousaines.

Et ce fut avec verve et faconde plus que marseillaises que je me plus à conter cette histoire, plus rare pour l’humain que pour le lac de montagne en début d’été.

Ce modeste vécu, au fil des ans, finit même par se dire aventure de haute bravoure, dont la rhétorique de dithyrambe alambiqué sut transporter son auditoire plus haut que les sommets pyrénéens ! Car, qu’est-ce à la fin que conter sans embellir, sinon manquer de respect pour qui écoute, et risquer de lasser - rose sans parfum - d’un dire sans saveur.

 

 

 

 ◄►

 * Non, c'était pas du "Quechua" .

Jyssépé 02-04 2019

 

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En images (mi-Juillet 1992)

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                                                                                                             Toit des Pyrénées, l'Aneto (3.404 m., Espagne)

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Pics du Luchonnais, supérieurs à 3.000 m. pour la plupart.

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Flèche : la tente

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                                                                                         Le Maupas (3.109 m.)

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Jyssépé

 

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