Le courroux du kyosaku (0920)
DU CÔTÉ DU ZEN
Le courroux du kyosaku*
Dédié à B., V. et J.M.
Symbole d’un pouvoir au Vide pour substance,
Sur le lit de son ombre il reposait serein,
Et se laissait bercer par la cloche d’airain
Dans la ferveur des voix aux plaisantes nuances.
Sous ces chants merveilleux venus du bout du monde,
Il retenait les larmes d’émotions si profondes
Qu’il ressentait sa fibre vibrer à l’unisson,
Car il était du bois dont on fait les violons.
Mais du concert parfait on a troublé le rite.
Percussions échappées - ou notes mal écrites -
Le jetèrent à bas sur le grand tatami :
L’homme résolument n’était pas son ami !
Et la pièce de bois, d’un courroux des plus justes,
S’élevant du tapis d’un vigoureux élan,
Par la fenêtre ouverte - prodige saisissant -,
Rejoignit la forêt et redevint arbuste.
Depuis ce jour maudit, l’ombre du kyosakou
Plane sur son support. Et par les soirées calmes,
Certains disent sentir comme un souffle à leur cou :
Le bâton rituel avait-il donc une âme ?
* Le kyosaku (prononcer kyosakou) est une sorte de bâton plat (image) avec lequel les maîtres des monastères zen frappent l'épaule du disciple dont l'attention se relâche, ou qui s'assoupit au cours de la méditation. Dans les dojos zen occidentaux fréquentés par les laïcs, le maître utilise le kyosaku à la demande du pratiquant dans le but de détendre les muscles des épaules.
JCP 30 05 - 01 06 2018