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La Chanson Grise
30 septembre 2015

Das Auto !

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Das Auto !*

 

 

5 Avril 1975, journal télévisé de 20 H., TF1 :

"- La crise est là, certes, les prix s'envolent, le prix du baril de pétrole flambe mais, heureusement, un nouveau type de moteur, jusqu'ici réservé aux poids lourds et aux navires de haute mer est enfin disponible sur nos automobiles : le moteur diesel.

Cette motorisation révolutionnaire, venue à point nommé en ces temps difficiles, réunit en effet d'immenses avantages : faible coût du carburant et consommation basse, puissance à bas régime pour une usure mécanique réduite, ajoutés au taux de pollution le plus bas jamais obtenu sur un moteur automobile.

L'avenir est dans le diesel : luttons tous contre la crise en roulant diesel !"

 

23 Septembre 2013, journal de 20 heures, France 2 :

"- La vérité sur le diesel nous est enfin révélée : ces moteurs affichent - les derniers tests sont accablants -, un taux de pollution inacceptable pour l'homme et l'environnement.

Mais, fort heureusement, les constructeurs l'affirment et c'est une excellente nouvelle, les filtres à particules qui équipent les nouveaux modèles réduisent à néant ce qui n'était qu'un défaut de conception : Nous pouvons continuer à rouler - économiquement et proprement - avec les nouveaux véhicules diesel !"

  

18 Avril 2015, info en continu, BFMTV :

"- La vérité sur le diesel nous est enfin révélée : les filtres à particules ne tiennent pas leurs promesses : des tests d'un type nouveau montrent clairement qu'ils sont inopérants.

Mais les constructeurs, qui ne sont pas restés inactifs, nous proposent de nouvelles motorisations essence qui, elles, offrent enfin toutes les garanties.

Il est donc de notre devoir envers la planète et les générations futures de rouler avec ces véhicules de dernière génération qui - on nous l'assure -, sont les plus économiques et les moins polluants jamais conçus !"

 

Ajouté en janvier 2019 : les filtres à particules ont fait de tels progrès que le moteur diesel est incontestablement devenu le moins polluant. Cependant, ces progrès sont tus soigneusement, et les constructeurs ne s'en plaignent pas, car les gogos, convaincus du contraire, se débarrrassent de leur diesel au profit d'une auto flambant neuve à essence dans le souci d'être "dans le coup" et d'en mettre plein la vue à son prochain.

Comme on fait, singeant les USA et soutenus par les médias, d'excellents et dociles moutons dans notre pays ! À quand la lobotomie complète et le "gogo-conso" absolu ?

Décembre 2020 : Ne parlons pas de l'engouement provoqué par les médias pour la voiture électrique, environ deux fois plus polluante pour la planète qu'essence et diesel, chose qu'on nous cache avec le plus grand soin ! Sans parler non plus du redoutable recyclage des millards de batteries dont on ne sait quoi faire, et des populations soumises au cancer et à l'exode par l'expoitation des matériaux rares... La messe est dite.

 

* "Das Auto" : slogan publicitaire adopté par "certain" constructeur allemand

 

  

JCP 09 15 Pour les Impromptus Littéraires (sujet : "Un beau salopard")

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12 septembre 2015

Maudite parure

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Maudite parure

 

1

                                          Tout au fond de la vaste remise au sol de terre battue, une moue à la lèvre, l'antiquaire évaluait le mobilier qu'il venait d'acquérir pour un coup de chapeau, meubles misérables pour la plupart, d'où se détachait pourtant la commode aux poignées argentées, sans style, mais qui avait motivé son obole à des héritiers ignoblement pressés.

Il en retira les deux tiroirs supérieurs alors que celui du bas, demeurant bloqué, montrait par les ouvertures un empilage de vieux linge jauni, qu'il extirpa pour découvrir trois banals portraits de femmes montés en sous-verre, les deux premiers notablement anciens, le troisième plutôt récent. Il les déposa verticalement sur le dessus de la commode, adossés au mur, les observa un moment et s'en fut porter la brassée de sous-vêtements féminins - dont le contact soyeux l'émut un moment et ralentit son pas - au container des déchets du fond de la pièce.

 

 

2

A peine l'homme en eut-il laissé retomber le grand couvercle, qu'il crut discerner des chuchotements paraissant venir de l'autre bout de la remise déserte.

Suspectant des indésirables à cette heure tardive, voire des cambrioleurs, celui-ci s'avança de quelques pas silencieux pour se dissimuler derrière une armoire. On ne voyait rien ni personne mais on pouvait entendre, tout à fait distinctement maintenant, les voix de plusieurs femmes en grande conversation sur la mode, la parure et la beauté, alors que la source de ces voix semblait se confondre avec la nouvelle commode - auprès de laquelle on ne constatait aucune présence...

Peu porté sur les croyances et les voix tombées du ciel, l'antiquaire s'approcha sans bruit du meuble où trônaient les trois portraits, et ce qu'il entendit fit chanceler ses incrédulités comme ses jambes :

- Pour moi, amies très chères, déclarait la voix jaillie du premier portrait sans doute plus que séculaire, tout est dans le chapeau - où l'artiste amoncelle pour nous mille mignardises -, et que l'on élève en miroir aux alouettes, que dis-je, en phare rayonnant sur l'océan des hommes, phare qui retourne autant la jalousie des rivales que l'œil échauffé du galant : rien ne vaut croyez-moi le chapeau, qui flatte notre image à l'esprit masculin - si facile à tromper comme vous le savez.

Et, il me faut le dire, mariée contre mon gré à un gros imbécile rougeaud bien que fortuné, je ne dénombre plus les hommages rendus à mes chapeaux, prétexte pour en faire sans tarder de plus intimes à ma propre personne.

Je tire voyez-vous mes amants - pour ainsi dire - du chapeau.

Le chapeau c'est épatant ! 

- Ho la mémé, fit la seconde, blonde vaporeuse hollywoodienne, un chapeau, douze jupons enfilés l'un sur l'autre et ta triste chemise boutonnée ras du cou, c'est les cagots que tu vas piéger - et encore si ces tartuffes-là s'en vont pas après la messe retrouver quelque danseuse incognito !

Tu te goures, le gugus, qu'est-ce qu'y veut ? - De la blonde à cheveux longs, de la cuisse résillée, un bon petit joufflu à la fesse et du mammaire en expo ; tout ça noyé au patchouli. Je vais te dire, t'y connais que dalle aux mecs, y a pas de sexe au chapeau, ça se saurait ; ouais ! 

- Ben... fit la troisième, brunette effrontée dégraissée jusqu'à l'os aux régimes minceur, moi, j'ai pas de recette comme vous, là... avec les hommes je reste nature : pantalon de cuir noir bien moulant (ça les rend fous, ça), bustier juste assez décolleté pour pas faire pute, cheveu ni trop long ni trop blond, coiffure soignée mais décontract', le bijou sobre, un peu de trompe-couillon aux yeux - c'est tout !

Et pour moi, ça marche tout à fait bien, je les secoue un peu de la parole et du geste, ils aiment ça je vous le dis, pas besoin d'artifices - si, d'accord, un parfum plutôt classe mais discret - moi c'est Chanel - voilà tout.

 

  

3

Soufflé par le prodige, Édouard l'antiquaire voulut s'approcher, mais le seul bruit de ses pas mit fin à l'incroyable entretien : il n'était pas vu, mais on l'entendait.

Il avait tout capté sans perdre un mot, et avait même cru voir bouger tour à tour les lèvres de carton glacé sur chacun des trois portraits. Quel était ce prodige ? cela laissait rêveur... allait-il à terme, en se faisant discret, apprendre tous les secrets de la femme ?...

Le monde vertigineux d'un savoir neuf - et tellement précieux ! - s'ouvrait à lui.

Ce fut un tonitruant : "- A ce soir chéri, ne m'attends pas pour te coucher !" qui le tira de ses spéculations.

Comme tous les jeudis, Henriette rejoignait ses amies pour une soirée "Entre femmes" qui lui laissait, il faut le dire, l'opportunité d'aller "Refaire le monde devant quelques bières" avec ses propres amis au très chaleureux pub "Le Dublin" du centre ville.

  

4

Mais ce soir, bizarrement, ce n'était pas tout à fait la même Henriette qui s'éloignait en faisant tinter à la main les clés de son auto :

Visiblement jaillie du coiffeur avec une teinture blonde-platine inusitée celle-ci, pour la première fois, portait un superbe chapeau rouge à faveurs noires retombantes - qu'elle avait dû sans doute lui cacher. Sa tenue se complétait d'un tout nouveau bustier décolleté à provoquer l'émeute, d'un pantalon de cuir noir moulant fesse et jambe dans un galbe jamais vu de lui, et, alors qu'elle s'éloignait dans le nuage d'un parfum capiteux qu'Édouard ne reconnaissait pas, son visage, complètement transfiguré, était outrancièrement maquillé !...

 

 

JCP 09 2015 Pour Les Impromptus Littéraires (trois portraits de femme)

 

7 septembre 2015

718 Temps contraires

The_Awakening_Of_Apocalypse

 

Temps contraires

 

                                                     Un à un la rose reprend ses pétales fanés tombés à terre, se recoiffe, ravive ses couleurs et lentement se referme en bouton alors que le feuillage, qui décroît, rougit et se contracte en bourgeons minuscules.

Dans un tourbillon, le vent ramène les feuilles sèches qu'il a dispersées, les rend au peuplier satisfait qui les replace coquet, les ranime et les reverdit ; son tronc a minci, et le bois mort retrouve son écorce. Le feu qui ravageait la pinède quitte lentement la ramure, caresse les troncs et disparaît dans l'herbe noire qui verdit à vue d'œil.

Sous l'orage qui menace il n'y a plus un souffle de vent, alors que le jour et la nuit alternent à une vitesse folle. L'épais rideau de pluie aspire maintenant ses flaques, s'élève et disparaît avec elles ; les nuages courent en tous sens, et se heurtent dans le froissement des dessous de satin.

Le berceau se vide et se fond au gravillon du grand parc, alors que celle qui fut mère repart en sautillant, sa poupée retrouvée dans les bras. L'homme assis sur le banc au bois neuf est tombé : il n'y a plus de banc.

Dans la rue sombre, en un éclair le poignard quitte la plaie qui se referme, et disparaît ; l'homme se relève et ferme son blouson devenu trop grand ; sa calvitie fait place à son ancienne chevelure.

Et, si ce n'était le soleil assombri, où s'élargissent jour après jour de larges taches noires sous un grondement lointain, tout aurait pu continuer ainsi.

Peut-être.

 

 

JCP 07-09 2015

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